« Widex est le partenaire des audioprothésistes qui mettent le patient au cœur de leurs priorités »

Il est du sérail. Un atout que Benoît Caudreliez, nouveau directeur général de Widex France, compte mettre au service de la transformation et du développement de la marque premium de WS Audiology. Avec une ambition, celle d’accompagner les indépendants et les audioprothésistes pour lesquels le suivi n'est pas un vain mot. Pour cela, il s’appuie sur une stratégie en triptyque : distribution sélective, produits innovants et prestations différenciantes.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
Benoit Caudreliez directeur general de Widex France
Benoît Caudreliez, directeur général de Widex France.

Audiologie Demain (AD) : Vous êtes audiologiste et vous avez passé votre carrière dans l’industrie de l’aide auditive. Que pensez-vous apporter aujourd'hui à Widex France grâce à ce parcours ?

Benoît Caudreliez (BC) : J’ai très tôt souhaité compléter ma formation d’audiologiste par des compétences vente et business développement. Toutefois, ce bagage audioprothétique m’accompagne au quotidien et me permet d’apprécier la complexité des produits et d’appréhender la richesse de l’audioprothèse en France, dans toutes ses expressions, ainsi que ses problématiques.
Mais aussi de comprendre les attentes et besoins des audioprothésistes. Les années passées à des postes de direction produit et marketing ont alimenté mon appétence pour le marketing direct et la communication et m’ont appris comment accompagner au mieux les professionnels de l’audition au travers de services innovants. La suite de ma carrière, davantage tournée vers la gestion d'équipe et de filiale, me sert aujourd’hui à la direction de Widex France, tout comme mes expériences dans la gestion de projet de transformation, de la fusion entre Sivantos et Widex au sein de WS Audiology. Je mets aujourd’hui à profit ces acquis pour mener à bien la transformation et le développement de Widex France.

AD : Widex appartient désormais au groupe WS Audiology. Comment s’articulent les différentes marques du groupe (Signia, Widex, Biotone-Rexton) sur le marché français ?

BC : L’histoire de notre industrie tend vers la concentration. Il se vend aujourd’hui 17 millions d’aides auditives dans le monde pour six fabricants. C’est ce que fait Apple en un week-end aux États-Unis pour le lancement de l’iPhone 11... Et, pourtant, notre secteur compte plus de sociétés que celui de la téléphonie. La création de WS Audiology est ainsi un mariage d’intérêt entre deux acteurs historiques de la profession. Cette fusion donne au groupe l’envergure et les capacités d’innovation nécessaires pour accélérer sa croissance au travers de ses différentes marques.
Nous avons ainsi pu établir des synergies opérationnelles sur certaines fonctions comme la logistique, les achats et le support qui nous permettent de dégager des ressources importantes pour investir massivement en recherche et développement, en marketing et ainsi donner plus de visibilité à nos marques. Cet arbitrage traduit bien l’ambition de WS Audiology d’entretenir les identités fortes des marques et de continuer à s’appuyer sur des entreprises indépendantes et concurrentes sur le terrain. Cela passe par l’indépendance des services de vente et marketing mais aussi, et surtout, des services de recherche et développement. Widex conservera ainsi son identité sonore forte et unique.
Par ailleurs, chaque marque du groupe s’exprime sur un canal de distribution qui lui est propre. Chez Widex, notre positionnement est résolument premium. Nos appareils ont une telle réserve audiologique qu’il est possible de pousser très loin l’adaptation lorsque l’on prend le temps d’offrir au patient le meilleur de l’intelligibilité Widex.

AD : Vous avez pris la direction de Widex France fin 2019 et initié, depuis, la transformation de l’entreprise. Quelle stratégie de repositionnement avez-vous initié ?

BC : Widex a toujours été une marque premium et nous allons encore accentuer ce positionnement avec la mise sur le marché de notre nouveauté rechargeable Moment, le plus petit RIC rechargeable lithium-ion de l'industrie. Moment est en plus équipé de Pure Sound, un nouveau traitement de signal ultra rapide qui rend l'appareillage ouvert redoutablement efficace et confortable. En termes de distribution, nous n’avons pas vocation à être présents sur tous les canaux. Être partout, c’est se diluer. Nous souhaitons avoir une approche plus sélective et travailler avec les audioprothésistes indépendants qui apprécient la technologie et veulent offrir la meilleure qualité sonore à leurs patients. Nous voulons construire un partenariat avec ces audiologistes, qui mettent le patient au cœur de leurs priorités. Un bon appareillage se construit en travaillant avec le patient. Le confort peut s’obtenir rapidement avec un taux d’acceptation relativement bon. Toutefois, l’intelligibilité, elle, se gagne avec une méthode d’appareillage simple mais rigoureuse…
De plus, nous sommes attentifs aux différentes sensibilités au sein des audioprothésistes. Nos services et accompagnements s’adapteront à chaque profil. Aujourd’hui nos clients attendent bien plus que des aides auditives performantes. Ils souhaitent un soutien, des idées... Nous allons donc travailler sur ces trois axes que sont la technologie, le développement commercial et l’accompagnement pour répondre à 80 % des besoins d’un indépendant.
Notre positionnement va se traduire non seulement au travers de notre communication, par la qualité de nos produits mais également au travers de services pour nos clients. Nous comprenons leurs problématiques de vouloir travailler avec des marques fortes dans le cadre d’un partenariat sélectif ou au-delà de la vente d’aides auditives.

Nous n’avons pas vocation à être présents sur tous les canaux de distribution.

AD : Comment va se manifester concrètement cet accompagnement ?

BC : L’une de nos premières mesures est d’aider les audioprothésistes à traverser la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Ils doivent faire évoluer leurs pratiques au regard du contexte sanitaire qui va probablement s’installer dans la durée. Comme tous les fabricants, nous avons proposé des webinaires sur les réglages à distance pendant le confinement. Cela leur permet de maintenir leur parc d’aides auditives déjà vendues. Mais il faut aller au-delà et se réinventer pour recevoir les patients autrement et créer à nouveau du trafic. Cela passe par la dématérialisation de l’appareillage, du dépistage en ligne, incitant à venir faire l’essai en centre, aux séances de suivi et de réglages des aides auditives à distance et en temps réel via Widex Remote Care. Ces nouveaux outils permettent, dans le contexte actuel, de maintenir le suivi des patients qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas se déplacer, optimisant ainsi le temps de l’audioprothésiste, et de réserver le présentiel à l’appareillage proprement dit, avec une audiométrie dans les règles de l’art. Cela permet également le diagnostic de l’aide auditive et des pannes à distance. Une vraie révolution pour l’utilisateur et l’audio.

AD : Ce repositionnement passe-t-il par d’autres services ?

BC : Outre la mise à disposition d’outils performants, nous souhaitons accompagner les audioprothésistes en réservant à nos partenaires des services exclusifs comme la possibilité de recourir à notre « web-to-store » Audibene. Il s’agit d’une plate-forme en ligne destinée à la génération de trafic vers les audioprothésistes. Les indépendants ont bâti leur modèle sur une patientèle fondée sur la prescription ORL. Or, ce paradigme évolue à mesure que les effectifs de cette profession diminuent. C’est aussi en partie lié à l’évolution des mentalités. Les patients sont plus volatiles, s’informent, comparent. Widex souhaite ainsi aider les audioprothésistes à travailler à armes égales avec leurs concurrents sous enseigne en les aidant à mettre à jour leur site internet pour mieux répondre aux besoins de leur patientèle.
Il faut aussi pouvoir rassurer les papy-boomers sur la prestation de service. Aussi, nous allons mettre à la disposition de nos partenaires des outils sur mesure leur permettant de se différencier. Aujourd’hui, la valorisation du service est essentielle pour justifier la valeur ajoutée de l'audioprothésiste. Adapter des produits Widex que les concurrents ne proposent pas est déjà un axe de différenciation. Il est toujours plus simple de défendre un prix, justifié, quand on offre des services tangibles. Notre nouveauté Widex Moment permet de pousser plus loin la personnalisation de l’appareillage auditif et de proposer de l’entraînement auditif. Elle embarque la technologie avancée SoundSense Learn, un algorithme d’intelligence artificielle (IA) alimenté par l’apprentissage automatique. En complément du réglage fin de l’audioprothésiste en cabine, l’utilisateur peut ajuster la préférence acoustique à travers une application dans des situations sonores qui lui sont propres, comme au théâtre ou à la patinoire par exemple, ce que peut difficilement faire l’audioprothésiste pour certain type d’environnement sauf à suivre le patient ! Et, comme l’aide auditive dispose de la géolocalisation, elle change de programme automatiquement selon l’environnement. Cela nécessite un apprentissage qui doit se faire en centre, dans un fauteuil auditif. Par ailleurs et dans le cadre de l’accompagnement commercial, nous allons offrir très prochainement des solutions d’affichage dynamique avec du contenu personnalisable.

AD : L’intelligence artificielle s’invite en audiologie. Quels sont les développements dans les tuyaux des fabricants ?

BC : Notre industrie va développer des aides auditives de plus en plus intelligentes et l’IA va davantage aider à la correction du déficit sensoriel (comme le fait déjà notre SoundSense learn). Aujourd’hui, Widex est le seul fabricant à avoir intégré le machine learning qui permet aux aides auditives d’apprendre et de s’adapter aux préférences de l’utilisation en fonction de l’environnement sonore.
Le challenge qu’il reste à relever est de réussir à concevoir une aide auditive qui concilie le sel et le poivre de notre industrie, le confort et l’intelligibilité. Aujourd’hui, il est difficile d’obtenir l’intelligibilité quel que soit le lieu tout en garantissant le confort de l’utilisateur. L’IA va nous y aider en déterminant le niveau de confort à adopter en fonction de l’heure de la journée, de l’environnement, de l’état physique de l’utilisateur.

AD : Widex est actionnaire majoritaire de Solusons. Envisagez-vous de vous engager davantage dans la verticalisation ?

BC : Non, ce n’est pas dans notre stratégie. Cela irait à contresens de notre intention de travailler avec les indépendants. L’achat de Solusons est lié a la disparition malheureuse et brutale de son propriétaire Yannick Vaché. Mais nous n’avons pas vocation à développer le réseau.

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