C’est un article du Collectif des professionnels de santé contre la fraude (CPSCF) qui s’était ému de l’affaire. Les opticiens Isabelle P., Ali E. et le médecin Hussein A., qui ont été reconnus coupables d'exercice illégal de la médecine et de fraude en audioprothèse dans l’affaire de Châlons-en-Champagne, sont toujours membres du réseau de soins audio Santéclair. Réseau qui affiche pourtant son engagement dans la lutte antifraude sur son site web. Pour le collectif, Santéclair « fait preuve d’une curieuse indulgence » en n’ayant « toujours pas exclu les fraudeurs ».
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Du côté de la plateforme, on se défend de toute bienveillance envers les professionnels malhonnêtes et l’on s’étonne que le CPSCF cible spécifiquement Santéclair (le collectif n’a publié à ce jour qu’un seul article). « L’information est récente », indique Amélie Violeau, directrice des relations avec les professionnels de santé chez Santéclair. Le jugement en appel a en effet été délivré le 27 juin – l’article du CPSCF date du 24 juin (sic) et les captures d’écran montrant que les centres sont toujours sur la plateforme Santéclair du 17 juin (à cette date, l’appel – qui est suspensif – n’avait pas encore été jugé). « Nous disposons maintenant des termes de l’arrêt rendu par la Cour d’appel le 27 juin et pouvons, sur cette base, engager formellement auprès des intéressés les actions appropriées », poursuit Amélie Violeau. Impossible de nous révéler quelle en sera l’issue, mais il n’y aura « pas de surprise », précise-t-elle. « Ces agissements sont contraires à nos engagements contractuels de bonne foi et de loyauté. »
Manque de coordination
Pour Amélie Violeau, cette situation met le doigt sur un problème déjà identifié dans le cadre de la lutte antifraude : le manque de communication entre les acteurs. « Nous avons nos propres moyens de lutte, comme la vérification de la présence d’un magasin aux adresses fournies lors d’un conventionnement, la demande de précision en cas de facturations suspectes..., et nous sommes d’ailleurs en contact avec de nombreux acteurs dont l’ALFA [Agence de la lutte contre la fraude à l’assurance], mais il n’y a quasiment pas d’échanges entre AMO et AMC en matière de lutte antifraude. » Un constat partagé par de nombreux acteurs du secteur : « On n’est pas sur une problématique de moyens, confirmait Maxence Bizien, directeur de l’ALFA lors de notre Débat sur les fraudes, mais beaucoup plus à mon sens sur des stratégies de coordination et d’impact que l’on peut avoir ». « Des travaux sont en cours pour renforcer les dispositions légales permettant la systémisation de ces échanges de données entre AMO et AMC autour de la lutte antifraude ; nous espérons qu'elles pourront être prises au plus vite », ajoute Amélie Violeau.
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En outre « les professionnels de santé en question sont toujours sur l’annuaire santé qui nous est fourni par l’ARS et sur lequel nous nous basons », se justifie-t-elle. En effet, le médecin Hussein A. dispose toujours d’une autorisation à exercer le métier d’audioprothésiste, et pour cause : il n’a pas été condamné à une interdiction d’exercer ! Il est donc parfaitement normal (aux yeux de la loi en tout cas...) qu’il figure toujours dans cet annuaire. Quant aux centres où il exerce en tant qu’audioprothésiste et où exercent ses complices opticiens – à qui il avait « loué » son numéro Adeli pour qu’ils facturent des audioprothèses – ils devraient rapidement être supprimés du réseau Santéclair.