Deux des trois prévenus – l’opticien et le pédiatre – reconnus coupables en première instance d’escroquerie à l’Assurance maladie et exercice illégal de la profession d’audioprothésiste par le Tribunal correctionnel de Châlons, en avril 2023, avaient fait appel de la décision. Mauvais pari. Le délibéré a été rendu jeudi 27 juin 2024 par la cour d’appel de Reims : il confirme leur culpabilité et leurs peines sont alourdies, alors même que celles-ci avaient déjà excédé les réquisitions initiales du ministère public en première instance.
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L’opticien est condamné à 24 mois d’emprisonnement avec sursis – au lieu de 14 mois en première instance – et 100 000 € d’amende, plus confiscation – au lieu de 20 000 € d’amende. Ses trois sociétés sous enseigne Optical Center écopent d’une amende de 220 000 € et la confiscation sur compte de 514 000 € ainsi que d’une peine d’affichage sur leur devanture. Le pédiatre se voit puni d’une peine de 4 mois d’emprisonnement avec sursis – contre 8 mois en première instance – mais d’une amende de 100 000 €, plus confiscation – au lieu de 20 000 €. N’ayant pas fait appel, l’ex-femme de l’opticien doit s’acquitter des peines jugées en première instance, à savoir 5 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 3 000 €.
Enfin, les prévenus devront également dédommager d’une somme de 11 000 € le SDA, qui s’est constitué partie civile dans cette affaire pour « défendre l’intérêt collectif de la profession d’audioprothésiste », du préjudice « à l’image et à la crédibilité de la profession ».
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Au total, pour le couple (désormais séparé) et leurs trois sociétés, le total des dommages aux plaignants et partie civile s’élève donc à près de 900 000 €. Une sanction qui reflète la prise en compte de la gravité des faits et des importants profits personnels tirés de ces infractions. Pour rappel, les sommes illégalement facturées aux CPAM de la Marne, de la Haute-Marne, des Ardennes et de la Meuse, s’élèvent à près de 2,5 millions d’euros, dont le remboursement aux caisses n'est pas encore connu, l'audience civile d'octobre 2023 qui devait statuer sur ce point ayant été repoussée en raison de l'appel.
Fait notable : la cour d’appel a confirmé la clarté des dispositions du Code de la santé publique régissant la profession et la nécessité de l’intervention continue de l’audioprothésiste tout au long du processus de délivrance. En effet, les prévenus avaient fondé leur appel sur la base d’un contexte de législation imprécise, ne permettant pas de qualifier leurs infractions d’exercice illégal.
Pour Brice Jantzem, président du SDA, ce jugement est motif de satisfaction. « Malgré la complexité et la lenteur des procédures, c’est une avancée majeure dans la lutte contre la fraude et la reconnaissance du diplôme, déclare-t-il. Les faits laissent néanmoins craindre un système organisé de fraude. On lit en effet dans les pièces du procès que le franchisé a “répondu aux demandes de son franchiseur”. Cela interroge sur les pratiques des autres franchisés. »
Il juge en outre que la condamnation du médecin à payer 100 000 € pour « avoir loué son diplôme » est « un signal fort pour tous ceux qui ne contrôlent pas le bon enregistrement de leur inscription au répertoire Adéli/RPPS et ne surveillent pas l’usage qui pourrait en être fait par divers établissements. »
Mais, tout n'est pas perdu pour l'opticien : ce dernier a en effet suivi une formation en Espagne et obtenu son diplôme d’audioprothésiste...