Audiologie Demain (AD) : France Assos Santé a été au coeur des négociations du 100 % Santé. Que pensez-vous de cette réforme ?
Gérard Raymond (GR) : Aujourd’hui, on ne peut plus, sur quelque sujet que ce soit, avancer sans la participation des patients. France Assos Santé, en tant qu’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, a pour mission de représenter les patients et de défendre leurs intérêts. À ce titre, nous avons été dès le départ partie prenante de la réforme du 100 % Santé. Nous avons été consultés et avons émis des avis, et nous participons au Comité de pilotage, aux côtés notamment des représentants des professionnels de santé, des fédérations représentatives des organismes complémentaires et de la Caisse nationale d’assurance maladie, de veiller à la mise en oeuvre de la réforme. Nous avons été d’emblée très actifs dans les négociations de cette réforme que nous soutenons car nous considérons qu’il s’agit d’une mesure sociale emblématique de ce quinquennat. Elle constitue un réel potentiel d’élargissement de l’accès aux soins, notamment dans les trois secteurs concernés qui sont source de renoncements importants. Quand l’on considère les restes à charge avant la réforme, on ne peut que se satisfaire aujourd’hui de cet incontestable progrès d’un système de santé fondé sur la solidarité et la répartition.
AD : En février paraissait le dossier d’UFC Que choisir sur les aides auditives à l’heure du 100 % Santé. Il mettait en exergue la qualité des appareils de classe I, équivalente aux appareils de classe II. Partagez-vous cet avis ?
GR : Concernant plus précisément le secteur de l’audioprothèse, on constate que lorsqu’on impose de la transparence, le système s’améliore. L’enquête de Que choisir est positive et montre la démarche volontariste de l’ensemble des professionnels. L’essentiel était de faire baisser le taux de renoncement aux soins pour des aspects financiers. De ce point de vue, le RAC zéro est pour nous un vrai motif de satisfaction. Il est important que tout le monde ait accès à de bons produits. Toutefois nous restons vigilants car certains professionnels ne semblent pas très enclins à proposer des produits 100 % Santé. Nous souhaitons nous assurer que ces audioprothésistes jouent bien le jeu et que les appareils de classe I ne seront pas l’exception. Il faut que l’ensemble des acteurs s’investissent dans cette réforme. Tous ont pris des engagements. C’est à cette condition que le 100 % Santé sera véritablement gagnant-gagnant pour tout le monde. Cela passe par une vraie liberté de choix et celle-ci ne peut se faire que sur la base d’une discussion transparente et objective entre l’audioprothésiste et son patient. Ce choix éclairé doit permettre que chacun se voie proposer des appareils qui correspondent à ses besoins spécifiques. Le prix n’est pas forcément corrélé à la qualité et cette dernière doit être adaptée à l’utilisation et au profil du patient. Par ailleurs, certaines démarches commerciales ne nous semblent pas compatibles avec un service de qualité. Toutes ces dérives appellent à un encadrement et à la mise en place de bonnes pratiques.
Certaines dérives appellent à un encadrement et à la mise en place de bonnes pratiques.
AD : Les remboursements des complémentaires sont pointés du doigt (Lire notre article Les complémentaires jouent-elles le jeu du 100 % Santé ?). Quels sont les retours des associations de patients à ce sujet ?
GR : Des informations convergentes confirment une hausse des cotisations des complémentaires santé, en particulier pour les patients les plus fragiles qui ont des contrats seniors ou des contrats d’entrée de gamme. Pourtant, les modalités du 100 % Santé ont été négociées et arrêtées par tous les acteurs du dispositif, y compris les complémentaires santé. Ces dernières n’ont pas manqué de faire des études d’impact sur leurs coûts avant de s’engager. Nous sommes véritablement préoccupés par les dérives de certaines complémentaires et nous veillons à ce que les hausses de cotisations n’explosent pas car elles compromettraient l’esprit de la réforme. Nous sommes attentifs au développement positif de celle-ci car pour nous, elle est essentielle. Nous engagerons assurément une évaluation sur tous ces points de vigilance.
AD : Fin 2019, France Assos Santé publiait une enquête BVA1 montrant qu’un Français sur deux (49 %) a déjà dû reporter ou renoncer à des soins, faute de médecin disponible. Pensez-vous que l’offre de soins en ORL est un frein à la réussite du 100 % Santé ? (Lire notre dossier Malentendant cherche prescripteur)
GR : L’enquête a montré que 35 % des personnes ayant pris un rendez-vous chez un ORL l'ont obtenu avec un délai d'un mois au moins et 15 % dans un délai de 3 mois et plus. Ces chiffres ne font que confirmer l’état critique de notre système de santé. L’accessibilité à des soins de qualité est de plus en plus difficile. Je crois qu’aujourd’hui la situation est suffisamment grave pour qu’on soit responsable et raisonnable. Je pense qu’on a tout intérêt à laisser les revendications corporatistes de côté pour se mettre autour de la table et tenter de sauver le système. La pénurie de spécialistes impose une réorganisation de l’offre de soins pour l’adapter aux besoins de la population. Je doute que les généralistes puissent pallier ce manque. Il faut ainsi que soient revues les missions des uns et des autres, leur formation, que soient mis en place des outils modernes comme la télémédecine, que se constituent des équipes pluridisciplinaires avec des points relais. Tout cela doit se construire avec tous les acteurs et les patients. Le problème d’organisation actuel constitue un frein certain à la réussite du 100 % Santé. Le système est périmé et doit être transformé.