Les complémentaires jouent-elles le jeu du 100 % Santé ?

L’objectif de la réforme du 100 % Santé est d’améliorer l’accessibilité aux aides auditives. Pour cela, le concours des complémentaires est indispensable. Or, elles sont accusées de ne pas jouer le jeu. Qu’en est-il vraiment ?

Par Bruno Scala
balance aide auditive euro complementaire

Les complémentaires sont sur le banc des accusés. En l’espace d’un mois, elles ont prêté le flanc à trois critiques majeures : augmentation du prix des cotisations, baisse du remboursement des aides auditives entre 2019 et 2020 et instauration d’un différentiel important du remboursement entre classes I et II.

Des cotisations en hausse ?

C’est le magazine Que choisir qui a sonné l’alarme concernant l’augmentation des cotisations, de 5 % en moyenne selon son étude. Déjà, fin 2019, ces pratiques avaient été évoquées, provoquant l’agacement d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé : « J'appelle ça un sabotage politique », avait-elle déclaré sur France Culture. Car les complémentaires se sont engagées à ne pas répercuter la hausse de la prise en charge des aides auditives sur le coût des contrats. « Cet objectif est possible grâce à l’étalement de la mise en place de la réforme sur plusieurs années », explique Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la Sécurité sociale. D’ailleurs, la Mutualité, qui a fait ses comptes, affirme être dans les clous. « Nous avons réalisé une étude auprès de nos adhérents qui indique que nos cotisations affichent une hausse de 2,4 %, inférieure à celle des dépenses de santé, qui atteint environ 3 % chaque année », se félicite Séverine Salgado, directrice Santé à la mutualité française. La directrice de la Sécurité sociale évoque par ailleurs le protocole discutable – décidément (lire notre article Faut-il laisser le mannequin choisir ?) – de l’étude de Que choisir : « L’étude ne porte que sur les contrats individuels, avec certaine ment un biais de sélection, car les personnes se signalent davantage quand elles observent une augmentation importante de leurs cotisations. »

Mais le diable est sans doute dans ces détails : car ce à quoi les complémentaires se sont engagées, c’est que les cotisations n'augmentent pas... en moyenne. À l’échelle d’une complémentaire, en revanche, il est impossible de prendre de tels engagements : « Nos adhérents sont soumis à des obligations financières d’équilibre », rappelle Séverine Salgado. Résultat : les cotisations de certains contrats vont augmenter, d’autres baisser.

Aucune obligation sur la classe II

Mi-février, c’est l’Unsaf qui déplorait les pratiques des complémentaires : elles auraient baissé leurs remboursements d’aides auditives (classes I et II confondues) et instauré, entre les deux classes, un différentiel tel qu’il balaye la liberté de choix des patients en les poussant à choisir une classe I. Et demandait « aux complémentaires santé de soutenir le 100 % Santé en préservant le libre choix des patients ». La directrice de la Sécurité sociale réserve sa réponse : « Nous n’avons pas pour le moment d’éléments nous permettant de confirmer ou non ces pratiques. » Un comité de suivi, prévu en mars ou avril, devrait permettre d’y voir plus clair. La Mutualité se défend de ces accusations : « Nos adhérents n’ont aucun intérêt à baisser les remboursements des aides auditives de classe II, explique Séverine Salgado. Il s’agit d’un élément différenciant sur un marché très concurrentiel. » Par ailleurs, les complémentaires n’ont aucune obligation concernant les remboursements de la classe 2, hormis un plafond (1 700 € par aide auditive) mis en place pour éviter l’inflation des prix. Sur le libre choix du patient, mathilde Lignot-Leloup rétorque : « Les patients auront toujours le choix entre une absence totale de reste à charge avec la classe I ou un reste à charge qui est fonction de la couverture de leur complémentaire (classe II). Les statistiques – 13 % d’aides auditives vendues sont des classe I – sont conformes à ce qui était prévu en 2019. » La crainte du secteur est bien de les voir s'inverser en 2020 sous l'effet de ce différentiel... D'aucuns constatent en effet une baisse de ces remboursements de la classe II, comme Alexandre Durand, audioprothésiste dans l'Hérault, qui s'insurge : « Nier la liberté de choix des patients conduira inévitablement à une baisse de l'observance et de la satisfaction des patients, pourtant une des meilleures d'Europe, et risque d'instaurer une santé à deux vitesses. »

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