Déconfinement : la reprise d’activité au rendez-vous ?

Quelques semaines après le déconfinement, la reprise d’activité semble acquise. Quel impact ces deux mois de stase ont eu sur le secteur de la santé auditive ? Quelle est la température aujourd’hui sur le terrain et quelles sont les projections pour la fin d’année ? Même si la majorité des acteurs fait montre d’optimisme, tous s’inquiètent de ces deux mois sans prescription.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
Reprise d activite en audioprothese apres le confinement

Les patients sont de retour dans les centres d’audioprothèse. Les audioprothésistes affichent des carnets de bal bien remplis et le spectre du renoncement aux soins semble aujourd’hui écarté. Cette reprise d’activité met du baume sur un secteur sérieusement impacté par la crise sanitaire et le confinement. Selon les données du panel GFK pour le Synea sur les sorties de caisse, le mois d’avril a enregistré une baisse de 93 %. Cumulée au mois de mars, lui-même largement tronqué, la baisse est, à date, de – 34 % par rapport à l’année 2019. Toutefois, après deux mois d’inactivité et de maintien d’une permanence uniquement pour les soins urgents, l’ensemble des acteurs a heureusement constaté le retour des patients dès la levée du confinement. Un bémol à cette note positive : certaines grandes villes et l’Île-de-France n’ont enregistré de retour à la normale que plus tardivement du fait notamment de leur maintien en zone orange sur la carte du déconfinement. Laurent Buri, président de Sonance Audition, confirme : « La reprise d’activité est étonnamment très bonne pour la plupart des audios de notre réseau. Les patients reviennent bien dans les labos même si l’on peut observer un peu plus d’attentisme dans les grandes villes où il est nécessaire d’emprunter les transports en commun. » Toutefois, les messages rassurants des autorités et la perspective d’une levée de l’état d’urgence ont, semble-t-il, permis de rétablir la situation la deuxième quinzaine de juin.

Une activité en baisse de 30 % mais « soutenue »

En dehors de ces quelques zones moins bien loties, la reprise s’est même avérée meilleure qu’attendue et permet le constat en demi-teinte d’une activité soutenue, quoique en retrait par rapport à un mois de mai habituel. « Nos équipes ont reçu beaucoup de patients dès la réouverture de nos centres et ont priorisé au cours des deux premières semaines les patients dont les rendez-vous avaient été annulés lors du confinement, explique Michaël Tonnard, directeur général d’Audika. Toutefois, nous sommes à 70 % de l’activité habituelle à la même période ». Même observation de la part d’Amaury Dutreil, directeur général d’Amplifon : « La tendance est plutôt bonne, toutefois le mois de mai a été amputé d’environ un tiers puisque nous avons réouvert le 11 et cela se traduit dans les volumes avec une baisse de 30 % environ. » L’activité a principalement reposé sur les acquis de la période qui a précédé la crise, avec la concrétisation des essais d’appareillage initiés avant le confinement. Il faut à présent que de nouveaux essais prennent le relais. « Cela semble être le cas, poursuit Amaury Dutreil. Juin devrait donc être assez bon, même s’il sera inférieur à un mois normal car nous n’avons pas eu assez de temps le mois précédent pour mettre en place suffisamment d’essais. »

Des règles sanitaires chronophages

Le secteur doit également composer avec le nouveau paradigme d’accueil des patients imposé par la crise sanitaire. Distanciation physique, gestes barrières et mesures d’hygiène scandent désormais les rendez-vous au quotidien. Cette contrainte, dictée par la nécessaire maîtrise du risque Covid-19, impacte l’activité dans les centres. « Les règles de sécurité sanitaire ont un retentissement très fort sur la productivité dans les centres en limitant le nombre de rendez-vous, de l’ordre de 15 % », explique Guillaume Flahault, président du Synea. Dans les centres du réseau Écouter Voir, le protocole sanitaire mis en place impose quinze minutes supplémentaires par patients pour la désinfection de la cabine. « Cela a contribué à supprimer environ 10 % de nos rendez-vous, commente Arthur Havis, directeur général d'Écouter Voir. Mais à la différence de l’optique, le monde de l’audioprothèse est déjà familier de la prise de rendez-vous. Ce n’est donc pas un changement radical pour nos équipes et notre patientèle. Cette évolution nécessaire nous conduit même à considérer ce système pour l’optique. »

Jehan Gutleben, audioprothésiste Dyapason à Mulhouse, témoigne de ces nouveaux gestes du quotidien : « Nous avons mis en place un protocole basé sur les recommandations de l’Unsaf. Mes salariées et moi-même portons le masque et utilisons le gel hydroalcoolique en permanence. J’ai disposé des plexis aux comptoirs, la porte d’entrée est bloquée en position ouverte et nous passons notre temps à nettoyer les surfaces, à désinfecter le matériel... » Au passage, l’audioprothésiste évoque la problématique des masques. « Une nouvelle plainte est apparue en rendez-vous : “Sur les oreilles, j’ai les lunettes, le masque, les appareils... ça fait beaucoup !”. Inconfort, difficulté de communication voire perte d’appareils… c’est un véritable souci pour nos patients. »

Prescriptions et attentisme

Est-ce une reprise en trompe-l’oeil ? Les différents acteurs s’inquiètent en effet de l’épuisement des stocks de prescription d’appareillages. À l’instar de ce qui se passe en optique, où près de cinq millions d’ordonnances n’ont pu être délivrées, la fermeture des cabinets d’ORL pendant les deux mois du confinement va automatiquement entraîner un creux. « L’optique et l’audioprothèse sont deux secteurs dépendant des prescriptions, commente le directeur général du réseau Écouter Voir. Une des problématiques de cette reprise est liée à la capacité des prescripteurs à délivrer des ordonnances. Or, outre les deux mois de fermeture, le syndicat des ORL a annoncé une baisse d’activité de 10 % dans les cabinets... » Guillaume Flahault ajoute : « La reprise est incomplète, les listes d’attente sont longues avec tous les patients qui n’ont pas consulté depuis mars, surtout dans les déserts médicaux. »

À ce manque de prescriptions et aux mois d’été s’ajoute la perspective d’un possible attentisme des patients à l’approche de la mise en place du RAC0 et de la date butoir du 1er janvier 2021. Pour ces raisons et pour pallier la baisse d’activité des audioprothésistes, l’Unsaf a demandé fin mai l’anticipation de la réforme du 100 % Santé et la prolongation de l’autorisation de prescription des aides auditives pour les médecins généralistes. (lire notre article L’Unsaf rejoint le CNA pour demander l’avancée du 100 % Santé).

Quelles projections pour la fin d’année ?

La crise sanitaire a impacté le secteur mais ces deux mois d’inactivité ne doivent pas occulter la tendance de fond qui porte la filière depuis plusieurs années et lui permet d’enregistrer une croissance moyenne annuelle de 7 % par an. Aussi, les professionnels demeurent confiants. « Notre filière est relativement préservée comparée à l’hôtellerie ou la restauration, explique Michaël Tonnard. Les deux mois perdus ne le sont pas définitivement en audioprothèse. Je reste optimiste concernant les perspectives à venir. »
Même avis pour Arthur Havis : « J’estime que d’ici la fin d’année, nous pouvons espérer retrouver un rythme normal et rattraper en grande partie ces deux mois d’inactivité ». Et d’ajouter : « La crise a été le révélateur pour les patients de l’importance de l’audition. Nous avons pu le constater sur le terrain pendant les deux mois de confinement et lors de la réouverture. Il faut que l’audition finisse sa démocratisation. »

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