Depuis 17 ans, Entendre le monde soigne et forme à l’étranger

Depuis 2006, l’association Entendre le monde part en missions humanitaires en Asie et en Afrique. Des voyages bien rodés qui ont permis de dépister, soigner, opérer des centaines d’enfants mais également de former des professionnels sur place. Son fondateur charismatique, le Dr Bertrand Gardini, s’est éteint fin septembre.

Par Violaine Colmet-Daâge
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Le Dr Bertrand Gardini (accroupi au centre) et son équipe lors d’une mission à Tamatave (Madagascar) en janvier 2020.

L’émotion est encore vive mais les souvenirs sont impérissables. Alors que le Dr Bertrand Gardini (lire l’encadré), président- fondateur de l’association Entendre le monde, s’est éteint le 28 septembre, ses co-équipiers partagent leurs souvenirs d’une aventure longue de 18 ans. Au Cambodge ou à Madagascar, les Drs Frédéric Martin et Marie-Noëlle Calmels ont accompagné le chirurgien à la rencontre d’enfants et d’adultes souffrant de pathologies auditives. Objectifs : dépister les surdités, opérer les pathologies les plus graves, améliorer la prise en charge, former les chirurgiens sur place et équiper en matériel spécialisé.

Genèse au Cambodge

C’est en 2005, à l’occasion d’une mission avec Médecins du Monde au Cambodge, que le Dr Gardini prend conscience de la faible prise en charge de la surdité dans ce pays, racontent ses amis. À l’hôpital Ang Duong de Phnom Penh, une structure pourtant spécialisée en ORL, les médecins manquent de formation et de moyens. Des enfants sourds ne peuvent être traités. « Parmi eux, certains sont atteints de cholestéatome dont le traitement est uniquement chirurgical », relate l’association, sur son site. En quelques mois, le Dr Gardini et son équipe s’organisent. Ils reviennent en 2006, pour la première mission de l’association Entendre le monde tout juste fondée. De nombreuses autres suivront, « deux-trois missions par an », raconte son associé, le Dr Frédéric Martin, également trésorier de l’association.

Sur place, les missions sont bien rodées. Au départ de France, ils sont deux ou trois chirurgiens ORL et un ou deux anesthésistes. Dès leur arrivée et pendant 7 à 10 jours, les rendez-vous s’enchaînent. L’un des chirurgiens reçoit les patients en consultation, pendant que le second – accompagné d’un anesthésiste – opère les cas les plus graves. En consultation, les médecins découvrent des otites chroniques, des perforations tympaniques, des surdités, des cholestéatomes… Sur les 5 à 600 consultations, seuls une vingtaine de patients sont opérés. « Nous opérions en priorité les enfants qui présentaient un cholestéatome avec une baisse auditive. L’objectif était de supprimer le risque infectieux afin de récupérer de l’audition », explique le Dr Martin.

Les conditions sont parfois difficiles. « Sur place, nous ne disposons pas de matériel sophistiqué, ajoute-t-il. Nous pratiquons la chirurgie que nous avions découverte dans des livres car les techniques, les pathologies, les suivis ne sont pas les mêmes qu’en France. Se mettre en difficulté est éprouvant mais les rencontres humaines sont très belles. Nous revenions à chaque fois plus riches. »

Pérenniser l’action

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Peu à peu, les missions ont évolué. « Au Cambodge, la formation ORL s’est structurée », explique le médecin. Si bien qu’à partir de 2013-2014, l’équipe forme les internes cambodgiens, lors des consultations et des chirurgies. « L’idée était de pérenniser notre travail là-bas. Et d’une mission à l’autre, les mêmes étudiants s’organisaient pour venir assister à ces semaines de stage. Deux sont devenus chefs de service ». Une stratégie précieuse pour la population locale, confirme sur place Bunhoc Lim, qui fut coordinateur logistique pour l’association au Cambodge. « Cela ne veut pas dire que la situation s’est améliorée de façon spectaculaire, explique-t-il. Mais ces formations sont restées une trace tangible une fois la mission terminée ».

En 2011, une mission exploratoire part à Tamatave, à Madagascar. Pour équiper l’hôpital, les besoins en matériel anesthésique et chirurgical sont importants : « 80 à 100 000 euros sont nécessaires pour acquérir un microscope opératoire, du micro-matériel, du matériel de surveillance. Les frais d’installations sont très importants », expliquait le Dr Gardini, en 2014. Pour y faire face, l’ONG et les médecins nouent des partenariats avec des sociétés de matériel chirurgical (Xomed, Collin ORL et Ethicon) et avec leurs cliniques respectives, précise l’association. Une fois les premiers frais engagés, les missions suivantes sont plus légères, « de l’ordre de 7 à 9 000 euros, principalement pour l’achat des billets d’avion », ajoute le trésorier.

La Dr Marie-Noëlle Calmels a pris part aux deux premières missions malgaches. Comme au Cambodge, « l’idée était de développer un compagnonnage, explique-t-elle. Nous avons préparé et dispensé des cours de formations, pour les anesthésistes et les chirurgiens ». L’équipe entre aussi en contact avec l’école Semato, pour enfants sourds. En 2015, le Dr Gardini et un audioprothésiste reviennent avec du matériel (aides auditives, piles, etc.) pour équiper une trentaine d’enfants, se remémorent les médecins. Les missions pluridisciplinaires se répètent jusqu’en 2020, avec le soutien de la fondation Audika (Lire notre article La Fondation Audika à Madagascar).

Un fondateur charismatique

En Asie, en Afrique, les projets ne manquent pas. Des contacts ont été établis avec le Vietnam, le Laos ou encore le Sénégal. Mais depuis la pandémie, les missions se sont arrêtées. La maladie et le décès du pilier charismatique de l’association ont aussi touché l’équipe. « Même si tout le monde participait aux missions, il était le chef d’orchestre », résume Frédéric Martin. Le fondateur de l’association s’appuyait sur son réseau pour mobiliser autour de cette belle cause. Ancien rugbyman, il était proche du Stade toulousain, dont l’ancien ailier, Vincent Clerc, était devenu le parrain de l’association. Une visibilité bienvenue pour lever des fonds. L’avenir de l’association n’est pas encore tranché, tant l’émotion est vive, mais l’équipe échange beaucoup en attendant de reprendre la route et de poursuivre la mission que s’était donnée Bertrand Gardini.

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