Des clés pour l’évaluation orthophonique chez l’adulte

Le 7 décembre 2021, la Société française d’audiologie organisait un nouveau webinaire. Cette fois-ci, c’est l’orthophonie qui était à l’honneur. La session portait sur l’évaluation de l'adulte sourd. Stéphanie Borel (Paris), Emmanuèle Ambert-Dahan (Paris) et Auriane Gros (Nice) ont détaillé certains points du bilan orthophonique. Retour sur cet événement avec Stéphanie Borel, maîtresse de conférences et responsable des enseignements en audition au département d'orthophonie de Paris.

Propos recueillis par Bruno Scala
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Audiologie Demain : C’est le premier webinaire des « Mardis de la SFA » qui portait exclusivement sur l’orthophonie. Quel bilan en tirez-vous ?

Stéphanie Borel : Le bilan est très positif car nous avons enregistré plus de 500 inscriptions. Plus de 250 personnes ont suivi le webinaire, dont une grande majorité d’orthophonistes. J’espère que cela permettra d’en attirer davantage au sein de la SFA. Nous avons choisi de nous focaliser sur trois points précis du bilan orthophonique de l’adulte : l’évaluation de la lecture labiale, le repérage des troubles cognitifs et l’analyse de la compréhension des interactions sociales au niveau visuel. En fin de webinaire, Éléonore Bonvalet a présenté les travaux pour lesquels elle a été récompensée du prix du poster de la SFA (lire notre article La SFA récompense trois posters).

AD : Comment évalue-t-on la lecture labiale ?

SB : Il n’existe pas aujourd’hui d’outil validé pour cela. Mais avec quatre étudiantes du Duefo (Département universitaire d'enseignement et de formation en orthophonie) de Paris (Léa Jeanson, Mélanie Simon, Karine Malek-Amsellem et Anita Firosehousen-Aladine) et l’appui de l’Institut du cerveau (Paris), nous avons entrepris d’en élaborer un. Avec 47 items vidéo, il balaie toute la richesse de la langue et la communication : reconnaissance de syllabes, de mots courts et longs, de phrases et de conversations entières. Le test dure environ 20 minutes. Nous avons prévu deux versions parallèles : la première doit être utilisée avant la rééducation, la seconde après. Quand les phases d’évaluation et d’étalonnage seront terminées, le projet sera confié à l’entreprise HappyNeuron, pour son développement.

AD : À l’inverse, les orthophonistes disposent de nombreux outils pour évaluer les troubles cognitifs.

SB : En effet, il existe de nombreux tests, plus ou moins rapides. Ils permettent de procéder à une évaluation quantitative de la cognition. Les deux tests utilisés à la Pitié-Salpêtrière à Paris sont le MoCA et le Codex, qui sont les plus rapides. Le Codex peut être réalisé en moins de trois minutes. Emmanuèle Ambert-Dahan a néanmoins relevé un point de vigilance important : ces tests, disponibles sur Internet, ont été initialement conçus pour des patients entendants. Pour les utiliser avec des patients malentendants, il est nécessaire de les transposer à l’écrit afin que les résultats ne soient pas biaisés par le déficit auditif. Lors du bilan, il est important de procéder également à une observation qualitative au travers notamment des éventuelles difficultés d’orientation dans l’espace ou dans le temps, qui peuvent se traduire par des retards aux rendez-vous ou des problèmes pour s’orienter dans l’hôpital.

AD : Les patients sont-ils réorientés en cas de troubles cognitifs ?

SB : Ces tests permettent de repérer des troubles cognitifs mais avec des sensibilités et spécificités variables et selon qu’il s’agit de troubles neurocognitifs majeurs ou légers. Le suivi du patient est envisagé en fonction des résultats à l’un ou l’autre test : soit l’évaluation prend fin (Codex A et/ou MoCA ≥ 26), soit nous prévoyons une surveillance à 6 mois (Codex B et/ou MoCA ≥ 26), soit nous orientons le patient vers un service spécialisé (Codex C ou D et/ou MoCA < 26).

AD : L’évaluation de la compréhension des interactions sociales est-elle utilisée en clinique ?

SB : Le protocole présenté par Auriane Gros est pour l’instant destiné à la recherche, mais il est possible de l’inclure dans le bilan de routine, puisqu'il est en accès libre. C’est le test dit des points lumineux. Sur un écran, ces points forment des silhouettes de personnes en mouvement. Le patient doit indiquer si ces personnes sont en interaction et, si oui, de quel type. Les résultats montrent que les malentendants réussissent moins à reconnaître les interactions et qu’ils sont surtout moins capables de les décrire finement. Ils ont notamment tendance à percevoir de la communication là où il n’y en a pas. Cette compréhension des interactions sociales est importante à évaluer car elle permet d’améliorer la compréhension du message parlé, mais aussi parce qu’elle influence la qualité de vie et la sphère émotionnelle des patients.

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