Du rififi entre le SDA et le Synea à l’Association européenne des audioprothésistes

Lors de son assemblée générale le 3 juin 2024 à Milan, les membres de l’Association européenne des audioprothésistes (AEA) ont voté l’entrée du Synea parmi ses membres. Une décision discutée par le SDA, qui jusqu’alors siégeait seul pour la France, sur laquelle se cristallise la question de la représentativité des syndicats en audioprothèse.

Par Ludivine Aubin-karpinski
rififi

Article mis à jour le 5/06/2024

L’entente cordiale qui prévalait entre les syndicats en audioprothèse depuis les négociations autour du 100 % Santé pourrait bien voler en éclats. Le déclencheur ? La candidature du Synea à l’entrée à l’AEA a mis le feu aux poudres. En effet, jusqu’à présent, seul le SDA y représentait la France. Mais, sur l’impulsion de son nouveau président, Benoît Roy – qui avait d’ailleurs présidé l’association européenne de 2007 à 2012, lorsqu’il faisait encore partie de l'Unsaf (ex-SDA) –, le Synea a demandé à pouvoir y faire son entrée. La France étant déjà représentée par le SDA, l’adhésion du Synea a donc été soumise à un vote en Assemblée générale (AG), lundi 3 juin à Milan, comme le stipulent les statuts de l’AEA. Ses membres ont accepté son adhésion à 56 % et... convié Benoît Roy à participer à la suite de la réunion.

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Un enchainement qualifié de « coup d’État » par Brice Jantzem, président du SDA, qui a aussitôt quitté la table en guise de protestation. « Je suis déçu de cette décision et de la façon dont les choses se sont passées, explique ce dernier. Le Synea ne nous a pas contactés pour nous annoncer son souhait de soumettre sa candidature. Nous l’avons appris par l’AEA et son président Mark Laureyns, audioprothésiste Amplifon en Belgique. Et, alors que le vote était à peine terminé, Benoît Roy prenait place lors de l’AG... » Le vote-même parait litigieux aux yeux de Brice Jantzem : « La question qui a été posée aux membres ne consistait pas à savoir s’ils acceptaient l’adhésion du Synea mais si celle-ci était bien conforme aux statuts de l’AEA, argumente-t-il. Elle me semble biaisée. Néanmoins, 44 % des membres ont voté contre... »

Mais au-delà de ces questions de forme, le fait de devoir partager la représentation avec le Synea au sein d’une délégation française n’est pas du goût de Brice Jantzem. « Le SDA n’est pas favorable à l’entrée du Synea à l’AEA car nous ne défendons pas les mêmes intérêts, commente-t-il. L’AEA est une association d’audioprothésistes et à ce titre, les audioprothésistes européens devraient être représentés par des diplômés en audioprothèse. Au sein de l’Europe, j’estime que c’est aux diplômés de construire leur réglementation et pas aux entreprises. Celles-ci s’immiscent à l’AEA pour influencer le modèle européen. »

Un révélateur d'un questionnement sur la représentativité syndicale

Mais la discorde autour de la candidature du Synea déborde le seul cadre de la représentation française au sein de l’AEA ; elle pose la question de la représentativité des syndicats d’audioprothèse en France. En effet, lors de son élection à la présidence du Synea, Benoît Roy a revendiqué représenter « près de 55 % du marché » et affiché sa volonté de faire reconnaître son syndicat comme « le premier organisme représentatif en audioprothèse ». Des chiffres qu’il a présentés à l’AEA pour légitimer sa candidature.
« Par qui les audioprothésistes veulent-ils être représentés aujourd’hui ? », interroge Brice Jantzem. « Par des diplômés ou des chefs d’entreprises d’autres secteurs qui n’ont jamais pratiqué le métier ? Sur les quatorze membres que compte le Synea, sept sont issus du monde de l’optique, soit 42 % des points de vente que ce syndicat représente, souligne-t-il. De même, 32 % appartiennent à des fabricants. Le SDA a, quant à lui, toujours représenté les diplômés et continuera de le faire. »

Or, le Synea remet en question ce dernier postulat, arguant du fait que, par ses statuts, le SDA serait un syndicat des audioprothésistes indépendants, c’est-à-dire des diplômés employeurs. « Selon nous, il ne représente pas les salariés, estime Benoît Roy. Si bien que l’AEA considère aujourd’hui qu’il y a trois syndicats représentatifs des audioprothésistes en France : le SDA pour les entreprises indépendantes, le Synea pour les entreprises au sens large, et le Synam pour les entreprises mutualistes. » Plus globalement, il juge que « le Synea répond à toutes les qualités pour siéger au sein de l’AEA » et précise qu’il « n’a jamais eu l’intention de prendre la place du SDA », qu’il « imaginait pouvoir travailler ensemble dans l’intérêt des entreprises françaises, comme nous savions le faire du temps de l’Unsaf et de ses différentes composantes ». Il poursuit : « Le SDA doit aujourd’hui gérer ses contradictions. Si un audioprothésiste veut faire entendre sa voix, il est obligé d’adhérer à une centrale syndicale de salariés quelconque ; il n’y a plus la "maison" de tous les audioprothésistes que nous avions créée avec l’Unsaf ». Sur ce dernier point, Brice Jantzem insiste sur le fait que le syndicat « a toujours représenté l’ensemble des audioprothésistes » et que « tous les adhérents y sont à égalité hormis dans le cas précis des négociations d'accords de branche où seuls ceux qui sont associés ou propriétaires d’affaires peuvent voter ». Le président du SDA indique d’ailleurs vouloir « clarifier ce rôle des salariés au sein du SDA ». « Tous les diplômés de France ainsi que les diplômés d’Espagne ont leur place au SDA et même au conseil d’administration, affirme-t-il. Nous sommes le syndicat des RPPS et pas celui des Finess. Chez nous, les salariés que nous comptabilisons ont volontairement cotisé. »

Un départ du SDA de l'AEA ?

En attendant, le SDA réfléchit à quitter l’AEA. Cette décision sera soumise au vote lors du prochain conseil d’administration le 17 juin. « Si l’association des audioprothésistes européens représente la financiarisation, alors nous n’avons plus rien à y faire, affirme Brice Jantzem. Le SDA ne souhaite pas servir de caution morale à ces entreprises. » Si le syndicat décidait finalement d’y rester, il faudrait qu’il trouve un accord avec le Synea pour que les votes de la délégation française ne s’auto-annulent pas et que l’audioprothèse française conserve sa représentativité à l’échelle européenne.  

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