Article mis à jour le 5/06/2024
L’entente cordiale qui prévalait entre les syndicats en audioprothèse depuis les négociations autour du 100 % Santé pourrait bien voler en éclats. Le déclencheur ? La candidature du Synea à l’entrée à l’AEA a mis le feu aux poudres. En effet, jusqu’à présent, seul le SDA y représentait la France. Mais, sur l’impulsion de son nouveau président, Benoît Roy – qui avait d’ailleurs présidé l’association européenne de 2007 à 2012, lorsqu’il faisait encore partie de l'Unsaf (ex-SDA) –, le Synea a demandé à pouvoir y faire son entrée. La France étant déjà représentée par le SDA, l’adhésion du Synea a donc été soumise à un vote en Assemblée générale (AG), lundi 3 juin à Milan, comme le stipulent les statuts de l’AEA. Ses membres ont accepté son adhésion à 56 % et... convié Benoît Roy à participer à la suite de la réunion.
Mais au-delà de ces questions de forme, le fait de devoir partager la représentation avec le Synea au sein d’une délégation française n’est pas du goût de Brice Jantzem. « Le SDA n’est pas favorable à l’entrée du Synea à l’AEA car nous ne défendons pas les mêmes intérêts, commente-t-il. L’AEA est une association d’audioprothésistes et à ce titre, les audioprothésistes européens devraient être représentés par des diplômés en audioprothèse. Au sein de l’Europe, j’estime que c’est aux diplômés de construire leur réglementation et pas aux entreprises. Celles-ci s’immiscent à l’AEA pour influencer le modèle européen. »
Un révélateur d'un questionnement sur la représentativité syndicale
Mais la discorde autour de la candidature du Synea déborde le seul cadre de la représentation française au sein de l’AEA ; elle pose la question de la représentativité des syndicats d’audioprothèse en France. En effet, lors de son élection à la présidence du Synea, Benoît Roy a revendiqué représenter « près de 55 % du marché » et affiché sa volonté de faire reconnaître son syndicat comme « le premier organisme représentatif en audioprothèse ». Des chiffres qu’il a présentés à l’AEA pour légitimer sa candidature.
« Par qui les audioprothésistes veulent-ils être représentés aujourd’hui ? », interroge Brice Jantzem. « Par des diplômés ou des chefs d’entreprises d’autres secteurs qui n’ont jamais pratiqué le métier ? Sur les quatorze membres que compte le Synea, sept sont issus du monde de l’optique, soit 42 % des points de vente que ce syndicat représente, souligne-t-il. De même, 32 % appartiennent à des fabricants. Le SDA a, quant à lui, toujours représenté les diplômés et continuera de le faire. »
Or, le Synea remet en question ce dernier postulat, arguant du fait que, par ses statuts, le SDA serait un syndicat des audioprothésistes indépendants, c’est-à-dire des diplômés employeurs. « Selon nous, il ne représente pas les salariés, estime Benoît Roy. Si bien que l’AEA considère aujourd’hui qu’il y a trois syndicats représentatifs des audioprothésistes en France : le SDA pour les entreprises indépendantes, le Synea pour les entreprises au sens large, et le Synam pour les entreprises mutualistes. » Plus globalement, il juge que « le Synea répond à toutes les qualités pour siéger au sein de l’AEA » et précise qu’il « n’a jamais eu l’intention de prendre la place du SDA », qu’il « imaginait pouvoir travailler ensemble dans l’intérêt des entreprises françaises, comme nous savions le faire du temps de l’Unsaf et de ses différentes composantes ». Il poursuit : « Le SDA doit aujourd’hui gérer ses contradictions. Si un audioprothésiste veut faire entendre sa voix, il est obligé d’adhérer à une centrale syndicale de salariés quelconque ; il n’y a plus la "maison" de tous les audioprothésistes que nous avions créée avec l’Unsaf ». Sur ce dernier point, Brice Jantzem insiste sur le fait que le syndicat « a toujours représenté l’ensemble des audioprothésistes » et que « tous les adhérents y sont à égalité hormis dans le cas précis des négociations d'accords de branche où seuls ceux qui sont associés ou propriétaires d’affaires peuvent voter ». Le président du SDA indique d’ailleurs vouloir « clarifier ce rôle des salariés au sein du SDA ». « Tous les diplômés de France ainsi que les diplômés d’Espagne ont leur place au SDA et même au conseil d’administration, affirme-t-il. Nous sommes le syndicat des RPPS et pas celui des Finess. Chez nous, les salariés que nous comptabilisons ont volontairement cotisé. »
Un départ du SDA de l'AEA ?
En attendant, le SDA réfléchit à quitter l’AEA. Cette décision sera soumise au vote lors du prochain conseil d’administration le 17 juin. « Si l’association des audioprothésistes européens représente la financiarisation, alors nous n’avons plus rien à y faire, affirme Brice Jantzem. Le SDA ne souhaite pas servir de caution morale à ces entreprises. » Si le syndicat décidait finalement d’y rester, il faudrait qu’il trouve un accord avec le Synea pour que les votes de la délégation française ne s’auto-annulent pas et que l’audioprothèse française conserve sa représentativité à l’échelle européenne.