Êtes-vous incollable sur la loi anti-cadeaux ?

La loi est dure mais... elle est surtout compliquée ! Le dispositif anti-cadeaux, qui vise à éviter les conflits d’intérêts entre industriels et (futurs) professionnels de santé, en est un parfait exemple. Voici une mise au point, accompagnée d’un quiz ludique, pour vous aider à y voir plus clair.

Par Bruno Scala
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Avec la crise sanitaire qui s’apaise, les congrès professionnels battent à nouveau leur plein. Cela faisait plus de deux ans que tout était mis entre parenthèses ou presque. Et entre temps, tous les textes d’application de la loi anti-cadeaux ont été publiés au Journal officiel (lire notre article La loi ne fait pas de cadeau). Néanmoins, force est constater que tout le monde n’a pas la même interprétation de ces textes. Lors des deux principaux congrès du printemps, le Congrès des audioprothésistes et les Assises, et en marge de ceux-ci, certains événements ont suscité l’interrogation du secteur. Légal ou pas légal ? telle était la question, et personne n’était en mesure de trancher formellement.

Il faut dire que « la loi a été modifiée plus d’une quinzaine de fois depuis sa première version de 1993, explique Morgane Morey, avocate au sein du cabinet Fidal et spécialisée en santé, qui est intervenue lors du congrès des audioprothésistes au sujet de cette loi. Le législateur a adapté les textes au fur et à mesure qu’ils étaient contournés par les acteurs sur le terrain. Au début, il a interdit le boulevard, les acteurs passaient par la ruelle ; alors le législateur a interdit la ruelle et les acteurs sont alors passés par le trottoir, etc. »

Les grands principes à respecter

Globalement, si vous voulez rester en bons termes avec la DGCCRF, il faut faire preuve de bon sens. Voici les grands principes à respecter.

lire la suite de l'encadré

Lien avec la profession. Si l’avantage n’a pas de lien avec l’activité professionnelle, c’est interdit.

Proportionnel et raisonnable. Un déjeuner dans un trois-étoiles lors d’un congrès ? Une fontaine de Champagne sur un stand ? Difficile de justifier de telles largesses auprès d’une autorité de contrôle. À bannir.

Transparence. Quelle que soit sa nature, l'avantage sera obligatoirement déclaré par l’offrant sur la base transparence.sante.gouv.fr.

Par ailleurs, le texte en vigueur est strict, mais permet néanmoins une pratique non répréhensible, créant ainsi un flou. « Le législateur aurait pu tout interdire, présume l’avocate, mais cela aurait coupé les liens entre médecins et industriels, or on a besoin de ces interactions. » C’est ainsi que certains avantages sont purement interdits (par exemple offrir l’hospitalité aux étudiants futurs professionnels de santé), d’autres doivent être déclarés auprès d’une autorité (Ordre pour ceux qui en ont, ARS pour les autres) voire soumis à autorisation de ces mêmes autorités, en fonction du montant de l’avantage. Pour y voir plus clair, voici quelques situations que nous avons imaginées, et que nous avons soumises à l’expertise de Morgane Morey.

quiz

  1. Je suis un fabricant ou un distributeur de solutions auditives et j’organise une soirée festive à laquelle j’invite des professionnels de santé et des étudiants en profession de santé. Lors de cette soirée, les consommations et les collations sont servies gratuitement et à volonté.

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    Interdit car... « Pour les étudiants, c’est non ! L’hospitalité offerte leur est interdite. Pour les professionnels de santé, il faut qu’il y ait un lien avec l’activité professionnelle. Si c’est une soirée en boîte de nuit, c’est interdit. S’il s’agit d’une soirée de réseautage, c’est possible. En tant qu’organisateur de la soirée, il faut se mettre en situation de contrôle par un inspecteur de la DGCCRF, qui vous demandera quel est le lien avec votre activité. Si vous vous demandez comment répondre à cette question, il est plus sage d’annuler la soirée ! En outre, il faut la déclarer au préalable auprès de l’autorité compétente si l’hospitalité se limite à 15 € par personne. Au-delà, il faut une autorisation. »

  2. Je suis un distributeur d’aides auditives ou un fabricant. Lors d’un congrès professionnel, j’embauche un magicien qui réalise des tours sur le stand, en faisant participer les passants (des professionnels de santé).

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    Interdit car... « Dans ce cas également, il faut qu’il y ait un rapport avec l'exercice professionnel. Dans cet exemple avec un magicien, le lien est vraiment difficile à établir... »

  3. Je suis fabricant ou distributeur de dispositifs médicaux et je propose des collations aux professionnels de santé qui visitent mon stand lors d’un congrès professionnel.

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    Autorisé mais... « C’est possible, à condition de veiller au caractère proportionnel et raisonnable de ces avantages. Le législateur n’a pas défini précisément le terme collation, ce qui veut dire, si on s’en tient à la lettre du texte, que la nature de celle-ci n’importe pas. En revanche, et c’est compliqué à mettre en oeuvre, il faut s’assurer qu'aucun étudiant n’en bénéficie. »

  4. Je suis une société savante qui édite un site Internet, sur lequel des industriels ou des distributeurs achètent des emplacements publicitaires.

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    Autorisé mais... « Les sociétés savantes et les associations de professionnels sont considérées comme des bénéficiaires potentiels dans le cadre de cette loi. À mon sens, cela peut être considéré comme une prestation de service et c’est donc autorisé, mais encadré. »

  5. Je suis une société savante et j’organise un congrès auquel des fabricants contribuent financièrement (sponsors).

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    Autorisé mais... « On est dans le même cas de figure que pour la situation précédente, et la nature de l’avantage dépendra ici du type de congrès. S’il s’agit de présenter des résultats de recherche, il faudrait peut-être faire passer cela sous forme de don pour de la recherche. Sinon, cela peut être une prestation de service, ou encore un financement d’action de formation. »

  6. Je suis commercial et je rends visite à un professionnel de santé pour lui présenter mes nouveautés technologiques. Suite à ce rendez-vous, je déjeune avec lui et règle la totalité de la note (ma part et celle de mon client), avec ma carte personnelle.

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    Autorisé mais... « L’autorité de contrôle ne regarde pas avec quelle carte le déjeuner a été payé. Ici, tout dépend de la nature du déjeuner. S’il est impromptu – par exemple, le commercial rend visite au professionnel de santé en fin de matinée, mais le rendez-vous dure plus longtemps que prévu et les deux décident de consommer au snack en face du centre/cabinet en sortant – alors c’est possible, dans la limite de 30 € par repas (et maximum deux fois par année civile). Si le repas est prévu, alors c’est de l’hospitalité, permise car dans le cadre du travail, mais qui doit faire l’objet d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation préalable (en fonction du montant du déjeuner). »

  7. Je suis audioprothésiste. Un patient de longue date, que j’ai déjà appareillé plusieurs fois, et avec qui j’ai tissé des liens, vient pour un rendez-vous de suivi (que je télédéclare, bien sûr !) juste avant le déjeuner. Je lui propose de déjeuner avec lui ensuite. Je règle la note.

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    Autorisé mais... « Le patient n’étant pas un professionnel de santé, cela sort du cadre de la loi anti-cadeaux. Il faudra veiller à respecter les obligations de déontologie possiblement applicables. »

  8. Je suis un fabricant d’aides auditives et je souhaite offrir à certains de mes clients un abonnement à une revue professionnelle.

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    Autorisé mais... « C’est prévu par la loi et c’est autorisé. Dans la limite de 15 € par revue ou livre et de 150 € par année civile, et par bénéficiaire. » (Abonnez-vous sur cette page)

  9. Je suis fabricant ou distributeur de dispositifs médicaux et je m’acquitte des frais d’inscription et du déplacement à un congrès de professionnels de santé.

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    Autorisé mais... « C’est de l’hospitalité, donc c’est autorisé. Il faut simplement faire une demande d’autorisation préalable. L’offrant devra veiller à respecter les deux mois de préavis légaux, voire davantage, car il n’est pas rare que l’ARS ou l’Ordre exigent des informations complémentaires ou un document manquant, ce qui génère des délais supplémentaires... Par ailleurs, si le bénéficiaire souhaite prolonger son séjour, c’est possible, mais à ses frais. L’offrant pourra toujours payer le trajet retour (le bénéficiaire serait rentré de toute façon), mais pas l’hospitalité supplémentaire. À noter par ailleurs que si et seulement si le congrès finit tard et qu’il n’y a plus de train ou d’avion pour rentrer, l’offrant pourra payer une nuit d’hébergement supplémentaire. »

avantage
Montants en deçà desquels les avantages en nature ou en espèces sont considérés comme d'une valeur négligeable

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