Pour le secteur de l’audioprothèse, le début d’été avait des airs de déjà-vu, d’une époque où il était régulièrement pris pour cible, ce que Luis Godinho, alors président de l’Unsaf (ex-SDA), avait qualifié d’« audio-bashing ». En effet, plusieurs organismes ont listé quelques pistes pour réaliser des économies, vitales à la survie du système de santé. L’audioprothèse fait partie des secteurs ciblés.
La Cnam, les trois Hauts conseils et le Medef à l’assaut
Tout a commencé avec le rapport Charges et produits 2025 de l’Assurance maladie. Il identifie l’audioprothèse comme un secteur particulièrement rentable, avec « un rendement financier élevé et stable autour de 58 % entre 2018 et 2022 », détaille en effet le document, et une rentabilité opérationnelle (ratio EBE/CA) de 15,8 % en 2022. L’Assurance maladie n’ayant pas « vocation à financer de rentes économiques », elle émet donc deux propositions : « baisser les tarifs » des aides auditives et « [faire] évoluer de manière plus réactive la tarification des actes et forfaits ». Elle envisage même d’aller plus loin en instaurant une clause de sauvegarde : en cas dépassement des dépenses prévues, le secteur reverserait une partie de son chiffre d’affaires.
Deux semaines après la publication de ce rapport, c’était au tour des trois Hauts conseils – pour l'avenir de l'Assurance maladie (Hcaam), du financement de la protection sociale (HCFiPS) et de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) – d’émettre leurs propositions. Ils reprennent l’abaissement du prix limite de ventes, mais évoquent aussi « l’allongement du délai de renouvellement des équipements » ou encore la réduction de la prise en charge de l’AMC et des prix limites de vente sur les paniers libres.
La première chose à faire est d’actualiser l’analyse avant d’engager des réformes aux conséquences potentiellement lourdes pour le secteur.
Benoit Roy, président du Synea
Le Medef, dont la légitimité pour cela est moins évidente, a également donné son avis sur la question début juillet, et recommande le désengagement de l’Assurance maladie obligatoire et la dissociation.
Le SDA et le Synea ripostent
Évidemment, cette pluie de propositions a fait monter les syndicats au créneau. « Les chiffres de 2022 surestiment la rentabilité du secteur, en ne tenant pas compte des charges à venir liées au suivi des patients et des embauches qui ont été nécessaires les années suivantes, a objecté Brice Jantzem, président du SDA. Il conviendrait plutôt d’attendre les données 2024, qui refléteront mieux la réalité économique. » Ce sur quoi le Synea s’accorde : « La première chose à faire est d’actualiser l’analyse avant d’engager des réformes aux conséquences potentiellement lourdes pour le secteur », a riposté Benoit Roy, son président, appelant à une « réflexion sereine, à la hauteur de cet enjeu de santé publique ». Par ailleurs, le SDA prévoit que « des mesures comme la baisse des tarifs risquent d’accentuer les inégalités dans notre secteur : les structures indépendantes, notamment en zones rurales, seraient les premières fragilisées, au profit de groupes bénéficiant d’économies d’échelle ». En outre, les syndicats sont défavorables au chamboulement d’un système qui fonctionne bien, mieux que celui d’autres pay européens, comme le montre notamment le taux de satisfaction des patients.
Enfin, la Cnam propose, pour limiter la fraude, que les actes soient rattachés à un praticien, mais aussi à l’établissement et à son réseau ou groupe, et non pas uniquement à une structure. C’est précisément ce que demande le SDA depuis des années. L’interdiction de la publicité a également été évoquée par la Cnam et les trois Hauts Conseils. Sur cette question, on le sait, les avis divergent au sein de la profession.