La France décroche la médaille d'or du taux d’appareillage

Dévoilés début juin 2025 par le Snitem, les résultats de l’étude EuroTrak France apportent une quantité importante de données et statistiques sur le secteur de l’audio, et notamment sur les patients qui ont fait le choix de s’appareiller. Voici les principaux enseignements de cette édition.

Par Bruno Scala
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Les résultats d’EuroTrak France 2025 était particulièrement attendus. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que cette étude, assurée par l’Association européenne des industriels de l’audition, est la plus étoffée du secteur. Tous les quatre ou cinq ans, en interrogeant quelque 14 000 personnes dont environ 10 % de malentendants, elle fournit une quantité abondante de données concernant le marché de l’aide auditive, les patients, les professionnels de santé. Avec en plus des possibilités de comparer ces données avec d’autres pays européens.

Mais les résultats de l’édition 2025 était d’autant plus attendus qu’il s’agissait de la première mouture réalisée après la mise en place du 100 % Santé – ou plutôt dont l’échantillon était composé de personnes ayant bénéficié de la réforme.

Et à ce titre deux données suscitaient particulièrement l’impatience : le taux d’adoption (le pourcentage de personnes appareillées parmi les malentendants) et la satisfaction des patients. Le premier allait répondre à la question : la France est-elle désormais championne du monde ? Attention, divulgâchage, la réponse est : oui.

La seconde allait fournir les premiers enseignements sur la réussite qualitative du 100 % Santé. Beaucoup se demandaient en effet si son succès n’était pas uniquement numérique.

La France championne de l’adoption

Concernant le taux d’adoption des aides auditives, sans surprise, il a augmenté par rapport à EuroTrak 2022. Il se fixe à 55,5 %, contre 45,7 % en 2022, soit une hausse de presque 10 points ! Une statistique qui confirme ce que l’on savait déjà : le 100 % Santé a eu un franc succès quantitatif, avec un marché qui a presque doublé l’année de sa mise en place. Cette hausse spectaculaire permet à la France de coiffer le Danemark au poteau. Le taux d’adoption danois est de 55,4 %. En attendant la prochaine édition d’EuroTrak Danemark, qui sera publiée en 2026, la France se hisse donc sur le toit du monde. Au Royaume-Uni aussi, le taux d’adoption est élevé (50,5 %), mais il a subi une baisse de 2 points par rapport à 2022. Pour le SDA, cette baisse est la preuve de l’inefficacité de la politique britannique en termes de santé auditive :

« Le système anglais, écartelé entre un modèle public notoirement sous-financé, et un marché privé environ 50 % plus cher que le nôtre pour les aides auditives de gamme moyenne et supérieure, est un parfait anti- modèle. »

Dans le détail, c'est parmi la classe des 65 ans que l’on note le plus fort taux d’adoption en France : 62,3 %. Mais c’est sur les 45-64 ans que la réforme a visiblement eu le plus d’impact. Le taux d’adoption a augmenté de presque 14 points de pourcentage entre 2022 (33,5 %) et 2025 (47,2 %) au sein de cette catégorie, contre 12 points de pourcentage chez les 65 ans et plus. En revanche, pas d’augmentation chez les moins de 45 ans : on observe même une chute d’un petit point de pourcentage.

On note aussi une augmentation du taux d’adoption pour tous les niveaux de surdités – même si les patients souffrant des surdités les plus sévères affichent la hausse la plus forte –, y compris les surdités les plus faibles, confirmant l’idée que l’appareillage est plus précoce, dès les premiers symptômes.

Une satisfaction sans appel

Autre motif de satisfaction : la... satisfaction des patients. En solvabilisant les aides auditives et en tardant à mettre en place les questionnaires de satisfaction patients pourtant prévus par la loi, les politiques s’exposaient à l’apparition de quelques dérives sans moyen d’objectiver la pertinence de l’appareillage et son suivi et, en bout de course, à voir dégringoler le taux de satisfaction. Visiblement, il n’en est rien. Les patients sont contents. De leurs aides auditives, de leurs audioprothésistes, des services proposés, etc. Le secteur peut quant à lui se satisfaire de disposer d’indicateurs rassurants sur la portée qualitative de la réforme.

Tout d’abord – mais cela n’a pas changé par rapport à l’édition 2022 – 62 % des personnes appareillées estiment qu’elles auraient souhaité s’appareiller plus tôt, ce qui est bon signe.

L’étude objective que le pourcentage d’appareils-tiroir a baissé, passant de 5 % en 2022 à 4 % en 2025.

Fabrice Vigneron, président de la branche Audiologie du Snitem

Autre indice indirect de la satisfaction : l’observance. En moyenne, les personnes appareillées déclarent porter leurs aides auditives 8 h 45 par jour. C'est dans la moyenne haute par rapport aux autres pays étudiés par l’Ehima, mais c’est en hausse par rapport à la dernière édition. Et c'est sans doute le fruit d’une communication réussie de la part des audioprothésistes dans ce sens. De récents travaux montrent d’ailleurs que la réussite de l’appareillage franchit un cap à partir de 9 heures d’utilisation quotidienne. « L’étude objective en outre que le pourcentage d’appareils-tiroir a baissé, passant de 5 % en 2022 à 4 % en 2025, indique Fabrice Vigneron, président du groupe Aides auditives du SnitemOn aurait pu craindre une augmentation dans un pays où il y a beaucoup de prises en charge mais ce n’est pas le cas. On voit la qualité du travail réalisé par l’ensemble de la filière. »

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Parcours d'appareillage. 18% des malentendants ne vont pas voir l'ORL. 18 % de ceux qui le consultent ne reçoivent pas de recommandation d'appareillage. 18 % de ceux qui en obtiennent une ne vont pas voir l'audio. Au final, 55 % des malentendants s'appareillent.

Enfin, les résultats des questions évaluant directement la satisfaction sont sans équivoque. Tout d’abord en ce qui concerne les appareils eux-mêmes, 83 % des patients sont satisfaits, un chiffre semblable à celui de 2022. Et même, 24 % en sont très satisfaits. Les utilisateurs dont les aides auditives sont récentes (2 ans maximum) affichent un taux de satisfaction encore plus haut (88 % dont 29 % de très satisfaits), ce qui suggère que l’innovation contribue à la satisfaction. Enfin, plus l’observance est bonne, plus la satisfaction est élevée : chez les patients qui portent leurs aides auditives plus de 8 heures par jour, on observe 92 % de satisfaits. A contrario, la satisfaction chute à 60 % quand le temps de port quotidien n'est que de 4 heures par jour au mieux. Toutefois, on ne sait pas si ces patients ne portent pas leurs aides auditives parce qu’ils n’en sont pas satisfaits, ou si c’est l’inverse. Enfin, les possesseurs de la classe II sont plus satisfaits (88 % contre 82 % pour la classe I).

Dans le détail, la satisfaction est supérieure à 75 % pour quasiment toutes les fonctionnalités des aides auditives et pour tous les environnements d’écoute. Seule leur utilisation dans les salles de classe, les espaces de travail, ou les environnements bruyants affiche une satisfaction inférieure. C'est pour ces derniers que le taux d'insatisfaits est le plus haut, à 21 %.

La satisfaction envers l’audioprothésiste et les services proposés est aussi importante. 87 % sont satisfaits de son professionnalisme, de ses conseils, du suivi, et 86 % de la qualité du service pendant la période de réglage. Ce sont les plus hauts taux de satisfaction après ceux de la Suisse et de la Belgique (où les aides auditives sont portées 10 h/jour en moyenne).

C’est extrêmement rare d’avoir un tel retour sur investissement en santé. Cela veut dire que globalement l’ensemble de la filière a fait le travail.

Xavier Temmos, vice-président de la branche Audiologie du Snitem. 

Si les patients sont contents de leurs appareils auditifs, c’est parce qu’ils estiment que cela joue positivement sur leur travail et sur leur qualité de vie. 95 % des personnes appareillées rapportent ainsi que leurs aides auditives sont utiles pour leur travail, et 45 % estiment qu’elles leur permettent de travailler plus longtemps. La fatigue perçue (physique ou morale) par ces personnes en fin de journée est d’ailleurs moindre, par rapport aux personnes les plus malentendantes et non appareillées. Des statistiques qui font écho à la notion d’effort d’écoute, que les personnes malentendantes non appareillées doivent fournir pour comprendre leurs interlocuteurs. Les personnes appareillées déclarent des bienfaits sur la qualité de leur sommeil.

Mais c’est surtout la qualité de vie qui est mise en avant par les utilisateurs. Ils rapportent des améliorations de leur capacité à communiquer, de leur vie sociale, de leurs relations à la maison, de leur capacité à participer à des activités de groupe, de leur sensation de sécurité, d’indépendance... C’est extrêmement rare d’avoir un tel retour sur investissement en santé, s’est réjoui Xavier Temmos, vice-président du groupe Aides auditives du Snitem. Cela veut dire que globalement l’ensemble de la filière a fait le travail. »

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Principaux résultats des études EuroTrak France 2018, 2022 et 2025.

Peu de sorties de parcours

Troisième point notable : la faible proportion de patients qui abandonnent sur le chemin de l’appareillage. C’est d’ailleurs en France qu’on observe le moins d’abandons, preuve que le duo ORL-audioprothésiste fonctionne bien et que la communication des professionnels de santé est efficace. D’ailleurs 66 % des personnes appareillées déclarent s’être informées sur les aides auditives auprès de l’un d’entre eux (ORL, MG ou audio).

Ainsi, selon EuroTrak, parmi les personnes qui se déclarent malentendantes, 82 % ont consulté. Au sein de cette nouvelle cohorte, 82 % ont obtenu une prescription. Et enfin, parmi tous les patients qui ont reçu une prescription, 82 % se sont appareillés (soit 55 % de l’échantillon initial – le taux d’adoption). En Suisse, par exemple, le taux d’abandon des patients qui ont une prescription est de 30 % ! Pourtant, les Suisses appareillés ont le meilleur taux de satisfaction observé (86 %). Mais ils ne bénéficient pas d’un système de financement comme le 100 % Santé.

Des marges de progression

Le 100 % Santé, justement, a bénéficié à 82 % de l’échantillon interrogé (part des appareillés ayant acheté leurs aides auditives en 2021 ou plus tard). Ce qui est à peu près cohérent avec le fait que 80 % des personnes interrogées déclarent avoir obtenu un financement pour cette acquisition.

Toutefois, le sondage laisse toujours apparaitre une certaine méconnaissance de la réforme. En particulier chez les personnes non appareillées, qui ne sont que 49 % à savoir qu’elles bénéficieraient d’une prise en charge au moins partielle si elles décidaient de franchir le pas.

Dans la même veine, 32 % des malentendants interrogés ne connaissent pas le 100 % Santé. Et ceux qui en ont déjà entendu parler en ont une connaissance peu précise. 65 % pensent que la réforme est une prise en charge totale des aides auditives, 29 % sont au courant qu’elle prévoit une période d'essai, 26 % un suivi, etc.

Preuves qu’il reste des efforts de communication à faire, et de la marge pour encore faire progresser le taux d'adoption.

Autre aspect qui bénéficierait beaucoup d’une meilleure communication : la prévention. Plus de la moitié des personnes interrogées n’ont jamais fait tester leur audition. Pour 15 % des autres, le test date de plus de 5 ans. Et ce, alors que les tests sont gratuits chez les audioprothésistes, ou qu’il existe désormais de nombreuses applications smartphone proposant ce service. « Peut-on encore aller plus loin ? Sans doute, commente Fabrice Vigneron. En appareillant plus tôt, en sensibilisant davantage à l’audition. Il y a encore beaucoup à faire. Cela peut nous permettre d’aller plus loin si on continue à faire du travail de qualité. »

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