Frein à l'appareillage : le stigma n'a pas dit son dernier mot

Si le 100 % Santé a levé le frein économique à l’adoption des aides auditives, le stigma demeure encore et toujours. Sa réduction constitue le principal levier pour faire changer d’avis les réfractaires à l’appareillage.

Par Stéphane Davoine
(c)TA design AdobeStock Converti

Le sujet des freins à l'appareillage taraude l’industrie depuis toujours. L'étude EuroTrak tente d’apporter des réponses en sondant des personnes non appareillées sur les motifs qui les ont découragées à profiter d’une correction auditive.

Il n’y a aucune raison de ne pas inciter une personne avec une gêne auditive et qui remplit les critères d’appareillage à ne pas utiliser d’aides auditives, ce ne serait pas déontologique.

Dr Nils Morel, président du SNORL

Les réponses collectées laissent entrevoir une spécificité déjà décelable dans les précédentes éditions de l’enquête. Dans l’Hexagone, les premiers freins à l’appareillage seraient liés aux avis des professionnels de santé : les médecins de famille, cités par 62 % des non appareillés, les audioprothésistes, par 69 %, et les ORL mentionnés par 79 % des sondés (contre 71 % en 2022). L’« impact » de l’ORL est moindre en Allemagne et en Belgique où 40 % des personnes interrogées le signalent comme une entrave à l’appareillage. Un différentiel que ne permet pas d'expliquer l'étude EuroTrak. « Il n’y a aucune raison de ne pas inciter une personne avec une gêne auditive et qui remplit les critères d’appareillage à ne pas utiliser d’aides auditives, ce ne serait pas déontologique », rappelle le Dr Nils Morel, président du SNORL.

Gratuité des aides et responsabilité du patient

Par ailleurs certains patients ne sont pas toujours appareillables. « Pour ces cas, on peut éventuellement découvrir une pertetrès légère et ne pas forcément les pousser vers l’appareillage car nous avons tous des patients avec ce type de profil, que nous avons orientés dans cette voie, et qui ne font pas usage de leurs appareils, commente le médecin. L’ORL se doit ainsi de rappeler qu’il est nécessaire de porter régulièrement ses appareils, que cela représente une contrainte en soi, que cela peut quelquefois provoquer des démangeaisons… Ces informations sont peut-être perçues par certains comme des freins à l'appareillage. » Dans un contexte où le 100 % Santé a permis la gratuité des aides auditives, ces rappels ont peut-être été plus fréquents contribuant à faire croitre de 8 points depuis 2022 le nombre de patients se disant « découragés » par l’ORL à porter des appareils. « Ce qui importe, c’est qu’aussi bien les ORL que les audioprothésistes sont plus efficaces et que le taux d’adoption a progressé de 10 points, de 45 % à 55 % entre 2022 et 2025 », tempère Fabrice Vigneron, président du groupe sectoriel aides auditives du Snitem.

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Les malentendants appareillés font moins l’objet de moqueries pour leurs aides auditives que les non appareillés pour leur surdité. Source : EuroTrak France 2025.

Autre résultat notable de l’édition 2025 du baromètre EuroTrak pour la France : la mention du prix des aides auditives comme obstacle à leur adoption par 59 % des non appareillés (contre 65 % en 2022) « Le fait que le prix apparaisse encore comme un frein montre que changer les comportements et les réflexes prend du temps et qu’il faut, en conséquence, continuer de communiquer sur cette politique publique », réagit Denis Le Squer, directeur général de la Fondation pour l’audition. Le motif financier pourrait refléter autre chose qu'une méconnaissance du 100 % Santé. « Il peut également être avancé comme prétexte pour ne pas s’appareiller alors que c’est le stigma qui s’exprime en filigrane, soupçonne Fabrice Vigneron. Stigma que l’on peut également supposer derrière d’autres raisons avancées comme la sensation d’inconfort lors de l’essai des appareils (61 %), le fait qu’ils ne restaurent pas l’audition normale (60 %) et que leurs performances sont jugées insuffisantes dans le bruit (57 %). »

L’acceptabilité de l’appareillage est toujours un sujet et on ne peut pas considérer que cette réticence est spécifique à certaines catégories socioprofessionnelles ou géographiques, elle concerne toutes les strates de la société.

Denis Le Squer, directeur de la Fondation pour l'audition

Un changement de regard toujours à opérer

Le stigma serait ainsi bien plus prégnant que ne le laissent penser les 37 % des répondants non appareillés mentionnant les opinions de leurs proches comme entraves à l’utilisation d’aides auditives. Surtout, il peut affecter tout le monde, estime Denis le Squer : « L’acceptabilité de l’appareillage est toujours un sujet et on ne peut pas considérer que cette réticence est spécifique à certaines catégories socioprofessionnelles ou géographiques, elle concerne toutes les strates de la société. » Et ce, même si les personnes non appareillées souffrent plus fréquemment de moqueries que les utilisateurs d’aides auditives (voir graphe ci-dessus). Un changement de regard sur la perte auditive et sur l’appareillage demeure toujours à insuffler, selon le directeur de laFondation pour l’audition. Cette dernière y travaille, notamment en communiquant sur les bénéfices que procure la correction auditive lorsque sa nécessité apparait.

La prévention est également une voie à mieux exploiter pour une meilleure adoption des aides auditives, évalue Fabrice Vigneron : « Les résultats d’EuroTrak montrent qu’un Français sur deux n’a jamais testé son audition, contre 34 % en Allemagne, explique- t-il. La prévention permet de mettre en exergue l’importance de la santé auditive, de son maintien ainsi que la nécessité de stimuler le cerveau pour qu’il vieillisse bien, des arguments qui résonnent de plus en plus au sein d’une population française qui vieillit. » Une vision en accord avec celle qui guide les actions de sensibilisation de la Fondation pour l’audition.

Pour la première fois cette année, le bus itinérant Mes tips santé de la Cnam aborde la santé auditive. Pour sensibiliser un public de tous âges aux problèmes d’audition et à la préservation du capital auditif, un test de repérage est proposé via l’application Höra développée par la fondation. Une action qui gagnerait à être répliquée à plus grande échelle. À cet égard, la réforme du 100 % Santé a constitué une très efficace caisse de résonance pour la santé auditive et le meilleur levier pour faire de la France la championne du taux d’appareillage en 2025. « Si cette réforme ne change pas encore la donne pour l’âge du premier équipement, elle est très positive et constitue un accélérateur du changement car plus il y aura de personnes appareillées faisant bon usage de leurs aides auditives et le faisant savoir, plus l’effet sur la population sera tangible », estime Denis Le Squer.

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