La crise sanitaire du Covid-19 a mis la télémédecine sur le devant de la scène (lire à ce sujet notre dossier Franchir le pas de la télémédecine). Le nombre de téléconsultations a en effet explosé pendant le confinement.
Les solutions techniques existent
Toutefois, ces nouvelles voies d’accès aux soins ne sont pour l’instant soumises à aucune obligation en termes d’accessibilité pour les sourds et les malentendants. Car nombre d’entre eux ne sont pas oralisant, ou pas parfaitement. Or, les plates-formes de téléconsultation ne prévoient aucune prise en charge particulière pour ce public. Pourtant les solutions techniques existent, à l’instar d’Acceo/Tadeo, Elioz, RogerVoice, Deafi, AVA, Sourdline… Mais seule la plate-forme de téléconsultation Medaviz offre un lien vers Acceo pour accéder à une partie de ses services.
Des engagements pris pour l'accessibilité
Dans le cadre de son engagement en faveur de l’inclusion et l’accessibilité pour les sourds ou malentendants, la Fondation pour l’audition souhaite dans un premier temps informer et mobiliser sur ce besoin afin, dans un deuxième temps, de faire bouger les lignes. C’est pourquoi elle a organisé, début juillet, à quelques semaines des discussions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021, les Rencontres pour une accessibilité universelle des téléconsultations. « Ces rencontres constituent le lancement d’un travail en commun pour aider les plate-formes de téléconsultation à répondre à un besoin réel », a expliqué en introduction Denis le Squer, nouveau directeur général de la Fondation pour l'audition. Le but est en effet de généraliser ces solutions et d’obtenir que ce service soit intégralement pris en charge, soit par l’Assurance maladie, soit par les complémentaires, soit par les plates-formes elles-mêmes.
La crise a montré la pertinence de la télémédecine. Il faut donc la penser universelle.
Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge des Personnes handicapées
Ces rencontres, animées par Audiologie Demain, se sont déroulées en présence de différents acteurs de la santé et du numérique, notamment la Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel. Celle-ci s’est montrée favorable à cette accessibilité : « La crise a montré la pertinence de la télémédecine. Il faut donc la penser universelle. C'est l'enjeu, d’offrir cette télémédecine à toutes les personnesen situation de handicap, et cette accessibilité est aussi une réponse à la crise, c'est indéniable. » Pour y parvenir, selon elle, les défis sont notamment techniques : « Nous sommes en retard en ce qui concernent les solutions techniques natives pour l’accessibilité des téléconsultations. » En effet, les sourds ou malentendants souhaitant accéder à ce type de service doivent se connecter simultanément à une plate-forme de téléconsultation et une plate-forme d’accessibilité. La secrétaire d’État a rappelé que son ministère était engagé sur ces questions : « Comptez sur la détermination de mes équipes pour accompagner les problémaiques de téléconsultation, mais pas que, pour qu'on puisse travailler ensemble sur cette accessibilité universelle. »
Une question « politico-économique »
Si les débats n’ont pas fait apparaître de difficulté technique ou financière majeure pour la mise en place de ce type de dispositif, d’autres problèmes émergent. L’un, organisationnel, a été soulevé par Étienne Caniard, membre du Conseil économique, sociale et environnemental : « Il faut réfléchir à la cohérence du dispositif économique, à l'articulation entre régime complémentaire et régime obligatoire. ». Il a aussi rappelé l'importance de la mobilisation de l'ensemble des acteurs : « Il est primordial aujourd'hui que toutes les connaissance se réunissent pour travailler ensemble et essayer de proposer aux pouvoirs publics des solutions, plutôt que de se faire imposer des normes de l'extérieur. Ce n'est pas cette dernière solution qui fonctionne. Ce qui fonctionne, c'est la mobilisation des acteurs. »
Nous ne pourrons pas dire que nous ne connaissions pas les solutions techniques.
Jérémie Boroy, président du CNCPH
Le Pr Lionel Collet, conseiller d’État, a quant à lui identifié un problème politico-économique : « Il faut que cette mesure soit portée à un haut niveau politique. Et il est indispensable de chiffrer le besoin, afin demontrer aux pouvoirs publics combien cela coûte à notre société d'éloigner des soins par la téléconsultation les personnes sourdes ou malentendantes. » La machine est néanmoins lancée et, riche de ces échanges, la Fondation va poursuivre son travail dans les prochaines semaines.
Un calendrier opportun
Le timing est bon : « Aujourd’hui, c’est la première fois que nous avons l'opportunité de ne pas rater le virage et d’intégrer nos objectifs d’accessibilité dès l’avènement du développement de la télémédecine, s’est réjoui Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), avant de prévenir : je pense que nous avons aujourd’hui une responsabilité collective, nous tous autour de cette table, puisque nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Nous ne pourrons pas dire que nous ne connaissions pas les solutions techniques. Nous ne pourrons pas dire “on verra plus tard”. »