Audiologie Demain (AD) : La nouvelle convention a été validée par l’ensemble des parties au cours d’une réunion tenue en distanciel le 23 mars 2021, au terme d’un an de négociations. Quand sera-t-elle applicable et à quoi sert-elle ?
Frédéric Giraudet (FG) : Nous avons tenu notre séance conclusive le 23 mars avec les représentants des trois syndicats en audioprothèse, le SDA, le Synea et le Synam, en présence de Thomas Fatome, directeur général de l’Assurance maladie, et de Maurice Ronat, président de l’Union des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam). Elle va rapidement être signée à l’occasion d’échanges électroniques et postaux mais elle ne sera pas effective pour autant. Pour qu’elle entre en vigueur, elle doit être approuvée par arrêté interministériel. Le délai pour l’obtenir est en général de 6 mois à un an. La nouvelle convention n’entrera donc pas en application avant fin 2021 - début 2022.
Dans le champ de la LPP, les conventions ne sont pas tarifantes et sont d’abord la base du tiers payant avec l’Assurance maladie. En se plaçant sous régime conventionnel, les professionnels peuvent éviter à leurs patients l’avance de frais sur la part obligatoire. Mais ces conventions offrent aussi l’opportunité de préciser la réglementation voire de l’adapter à la réalité des pratiques, ainsi que de développer des principes de bonnes pratiques professionnelles en l’absence de code de déontologie.
Il existe une convention par profession. Chacune encadre ainsi les relations contractuelles avec les professionnels de santé et ses dispositions sont obligatoires pour les praticiens conventionnés. Dans le secteur de l’audioprothèse, la quasi totalité des professionnels ont adhéré aux conventions existantes qui sont des accords régionaux de tiers payant. Néanmoins, il nous semble qu’il serait utile que le conventionnement devienne obligatoire à l’avenir, comme cela va être le cas pour les prestataires délivrant des produits et prestations inscrits au titre I de la LPP (matériel médical et prestations de traitement et de maintien à domicile), afin que nous puissions garantir à tous nos assurés la compétence professionnelle et la qualité des appareillages dans ce secteur. Il ne me semble pas que les représentants de la profession y seraient défavorables.
AD : La précédente convention date de 1992. Pourquoi l'actualiser aujourd’hui ?
FG : Il y a plusieurs raisons à cela, outre la nécessité évidente de la rénover pour l’adapter à la réforme du 100 % Santé. L’actuel dispositif repose en réalité sur des conventions régionales, héritées d’une époque où la gestion conventionnelle était assurée par les caisses régionales d’assurance maladie, organismes qui aujourd’hui ne s’occupent plus ou très peu d’assurance maladie. Ces conventions rudimentaires étaient désuètes et n’étaient plus en phase avec les enjeux sanitaires actuels. Nous avons trouvé une fenêtre de tir avec la mise en œuvre du 100 % Santé, qui valorise les audioprothésistes en tant que professionnels de santé et justifie un accompagnement plus étroit. Des règles de bonnes pratiques doivent être définies pour répondre mieux aux exigences de qualité de la prise en charge des patients malentendants.
La nouvelle convention doit également permettre de moderniser les échanges entre l’Assurance maladie et les professionnels de santé par un accompagnement du développement de la facturation sécurisée SESAM-Vitale et de la transmission numérisées des pièces justificatives (prescriptions) via la scannérisation des ordonnances (Scor). Seulement 26 % des établissements d’audioprothésistes dématérialisent leur facturation par cet outil de télétransmission sécurisée. C’est peu. La nouvelle convention prévoit pour cela une aide financière forfaitaire au déploiement de l’outil SESAM-Vitale.
Une autre raison nous a été dictée par le fait que le Code la Sécurité sociale autorise depuis 2004 l'Assurance maladie à associer l’Unocam aux négociations conventionnelles avec les professionnels de santé des trois secteurs où la contribution financière des complémentaires est importante, à savoir le dentaire, l’optique et l’audioprothèse. Il fallait donc actualiser la convention pour intégrer sa participation aux réflexions. Celle-ci est priorisée par le législateur. C’est légitime car les complémentaires assurent une part très importante sur le plan financier dans la prise en charge des appareils auditifs. Il est normal qu’elles veillent à ce que les règles conventionnelles présidant aux relations entre l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et la profession soient compatibles avec leurs propres missions.
Ceci va concourir à valoriser les audioprothésistes en les assimilant aux professionnels de santé dotés de codes de déontologie comme les médecins ou les pharmaciens.
Frédéric Giraudet, chargé de mission gérant les professions de la LPP à la Cnam
AD : Quelles sont les nouveautés introduites dans cette nouvelle version et notamment en matière de pratiques professionnelles ?
FG : Outre les procédures de facturation sécurisée, la nouvelle convention définit les bonnes pratiques de l’exercice professionnel. Le nouveau dispositif rappelle ainsi les exigences en termes d’équipement des locaux pour assurer un bon accueil des assurés. L’un des impératifs – évident en théorie, moins dans la pratique – est l’exigence de la présence du diplômé pour recevoir les patients. Avec les syndicats, nous avons souhaité encadrer la pratique des audioprothésistes « volants », affectés à plusieurs centres, passant une demi-journée ici ou là et laissant l’assistante effectuer, de son propre chef ou sur sa recommandation, des actes qui relèvent de la seule compétence du diplômé en audioprothèse. De la même manière, nous avons souhaité réguler de nouvelles pratiques propres à une minorité d’audioprothésistes tentés de développer leur patientèle en Ehpad en effectuant sur site les tests nécessaires à l’appareillage ou encore celles des camionnettes équipées de cabines sillonnant les campagnes.
La nouvelle convention s’attarde particulièrement sur les pratiques en matière de communication. Le secteur de l’audioprothèse est plutôt vertueux en la matière mais des campagnes publicitaires incisives se développent. L’article 15 du nouveau dispositif est ainsi très détaillé pour écarter tout risque de dérive susceptible de biaiser l’information du public, de fausser la concurrence entre les acteurs de santé et de générer des dépenses de soins inutiles. L’Assurance maladie estime que l’appareillage auditif, du fait de son rôle capital dans la réhabilitation de l’audition et le maintien de la sociabilisation des personnes, mérite d’être régi par un minimum d’éthique. Ceci va concourir à valoriser les audioprothésistes en les assimilant aux professionnels de santé dotés de codes de déontologie comme les médecins ou les pharmaciens.
L’Assurance maladie estime que l’appareillage auditif, du fait de son rôle capital dans la réhabilitation de l’audition et le maintien de la sociabilisation des personnes, mérite d’être régi par un minimum d’éthique.
La convention rappelle donc les principes généraux d’une communication éthique et non trompeuse, exclut toute incitation à une consommation excessive des dispositifs médicaux ou sollicitation de prescription médicale. L’esprit qui a présidé à la rédaction de ces règles est inspiré des décrets n°2020-1658 à 1663, parus au Journal officiel, le 24 décembre 2020, modifiant les codes de déontologie en matière de communication professionnelle pour les professions de santé dotées d’un ordre. Les audioprothésistes sont libres de communiquer car l’information contribue au libre choix des assurés mais nous avons souhaité encadrer cette communication et notamment le recours à des tiers (ambassadeurs) ou la revendication d’une exclusivité technologique… Ce chapitre de la publicité s’est révélé un sujet de discussion entre les différents représentants de la profession. Mais, grâce à la bonne volonté de tous, nous sommes parvenus à une rédaction consensuelle et à un bon équilibre entre la nécessaire liberté de communiquer et les contraintes vertueuses.
Autre nouveauté : la nouvelle convention autorise la consultation à distance pour les prestations de suivi uniquement. Ce sujet a suscité des discussions entre les participants à la négociation. Sur cette base, une véritable réflexion pourra être initiée entre les partenaires conventionnels pour l’avenir et notamment pour inspirer des évolutions réglementaires.
AD : Y a-t-il des nouveautés techniques spécifiquement liées au 100 % Santé ?
FG : Il y a quelques novations, en effet, comme la mise à disposition des professionnels d’un téléservice leur permettant de connaître l’historique de consommation en matière d’appareillage auditif de leurs patients et donc de savoir s’ils peuvent délivrer un équipement remboursable ou pas. C’est une innovation importante qui sera complètement effective en 2022.
De même, la nouvelle convention fixe, en cas de dépassement du prix limite de vente des produits de classe I, la procédure de récupération de l’excédent auprès du professionnel. L’article R.165-24 du Code de la Sécurité sociale prévoit en effet que l’AMO récupère ces sommes pour les restituer à l’assuré.
Par ailleurs, nous avons également actualisé les modalités de prise en charge des assurés relevant de la CSS (complémentaire santé solidaire), considérant que ceux qui parmi eux souhaiteraient se procurer un équipement plus cher, peuvent continuer à bénéficier de ce régime et ne payer que le reste à charge.
AD : Quelles sont les conséquences en cas de non-respect de leurs engagements pour les audioprothésistes conventionnés ?
FG : Ce chapitre constitue un volet qui peut paraître important sur le plan volumétrique dans la convention car il s’agit de procédures qui doivent être très sécurisées juridiquement. Mais, à ce jour, nous constatons qu’il y a très peu d’audioprothésistes qui manquent à leurs obligations professionnelles. Cependant, comme toutes les conventions de l’Assurance maladie, la convention des audioprothésistes prévoit en effet un dispositif de sanctions en cas de manquement de professionnels aux engagements conventionnels, ce qui inclut une facturation respectant la législation. Ce sont les caisses primaires régionales qui examinent les faits et peuvent décider de sanctions. En cas de peines lourdes, comme un déconventionnement de plus de 15 jours fermes ou de plus de trois mois avec sursis, le directeur de l’Uncam saisit la commission paritaire nationale et valide ou non la sanction en fonction de l’avis que celle-ci lui rend.
Mais le partenariat conventionnel s’exprime avant tout par la concertation qui s’établit entre les parties signataires d’une convention. Les instances paritaires conventionnelles, notamment la commission paritaire nationale, doivent être en effet des lieux d’échanges et de réflexions sur les grands enjeux de la profession et d’éventuelles évolutions de l’exercice d’audioprothésiste, comme la valorisation du métier par un master ou encore le suivi du 100 % Santé.
AD : Quel a été le climat des négociations ?
FG : Il y a toujours des dissensions entre les participants à une négociation. Celle-ci n’a pas manqué à la règle, notamment sur la communication ou encore la téléconsultation. Mais l’esprit qui s’est rapidement imposé a été particulièrement constructif. Je me félicite de la qualité et de la transparence qui ont prévalu au cours de nos échanges. J’ai pu apprécier, également au gré de mes entretiens bilatéraux, une très importante implication de chacun.