« Notre souhait est de prendre en charge 200 patients par jour », annonce le Dr Michael Eliezer, radiologue à l'hôpital Lariboisière et l’un des spécialistes de la future Clinique de l’oreille Paris-Louvre. Ce centre expert privé devrait ouvrir en avril 2025, à quelques encâblures du musée du Louvre, au centre de la capitale. Une situation idéale pour faciliter l’accès à des patients venant de toute l’Ile-de-France et au-delà. Car son objectif est de proposer une offre de soins inédite dédiée à l’exploration et la prise en charge des troubles de l’équilibre et de l’audition et participer à mettre fin à l’errance thérapeutique des personnes atteintes de ces pathologies.
Des besoins non servis
En effet, les médecins spécialisés dans les explorations audio-vestibulaires manquent à l’appel et la situation s’aggrave du fait du départ à la retraite des CES, orientés vers l’aspect médical du métier, et du profil plus chirurgical des ORL formés ces dernières années. L’activité peine également à attirer les praticiens car elle est chronophage et peu rémunératrice. « Les bilans et la prise en charge du patient vertigineux sont longs et compliqués. La valorisation CCAM n'a pas évolué depuis des années et de nombreux actes que nous réalisons – comme le vidéo Head Impulse Test ou l’acuité visuelle dynamique – n’ont pas de cotation », déplore la Dr Charlotte Hautefort, responsable de l’unité d’explorations fonctionnelles ORL de l’hôpital Lariboisière et l’une des spécialistes embarquées dans l’aventure de la Clinique de l’oreille. Pourtant, en face, les besoins sont importants et la problématique est d’autant plus aigüe que les pathologies concernées sont complexes. Les vertiges constituent le troisième motif de consultation chez le généraliste et touchent 300 000 personnes en France. Quant aux acouphènes, on estime qu’ils touchent 15 à 20 % de la population – 4 à 5 % souffrent de formes invalidantes.
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Une réunion d’experts
Heureusement, quelques professionnels passionnés et dévoués s’organisent. Comme les fondateurs du Cefon, dont la Clinique de l’oreille est en réalité l’héritière. Le Centre d'exploration fonctionnelle otoneurologique, rue Falguière à Paris, a été créé en 1982 par les Dr Martine Ohresser et Michel Toupet. Leur cabinet est vite devenu une référence pour la prise en charge des patients souffrant de vertiges, de surdité et d’acouphènes. Au fil du temps, il a fédéré et également formé plusieurs ORL.
Peu à peu il noue des collaborations avec l’hôpital, avec la Dr Charlotte Hautefort de Lariboisière à partir de 2010, puis avec la Dr Élisabeth Mamelle, cheffe du service ORL de l'hôpital Rothschild, à Paris. Toutes deux font également partie du projet. Elles incarnent la « relève » du Cefon en même temps que « l’avenir » de la Clinique de l’oreille, la première sur le versant équilibre et troubles vestibulaires, la seconde sur l’audition. D’autres experts « raccrochent le wagon du Cefon » : la Dr Marie-José Fraysse, ORL, et le Dr Michael Eliezer, radiologue. L’arrivée de ce dernier coïncide avec la volonté pour tous ces professionnels de se regrouper. « Tout est parti de Michael et de Michel, relate Charlotte Hautefort. Nous collaborions déjà et nous étions meilleurs ensemble. L’étape suivante a été de réunir nos expertises dans un même lieu. » Marie-José Fraysse poursuit : « L'idée est de reproduire ce travail de concertation pluridisciplinaire – qui à l’origine se fait plutôt à l’hôpital – en activité libérale. » Très vite, la décision est prise de quitter le centre de la rue Falguière, sous-dimensionné pour les ambitions du groupe de spécialistes. Et après plusieurs mois de recherche, un nouveau site de 1 000 m2 est trouvé, rue du Louvre. Le Cefon déménage et change de nom. « Il existe des cliniques du genou, de la hanche, du sein... il y aura désormais la Clinique de l’oreille », déclare Charlotte Hautefort.
Une unité de lieu et d’action
« Ça a été un long processus », reconnait Michael Eliezer. Notamment les travaux entrepris pour permettre au site d’accueillir un plateau technique hors norme. « Il est unique », s’enthousiasme le radiologue. « Explosif », renchérit Michel Toupet. En effet, la clinique disposera non seulement de sa propre IRM à haut champ magnétique 3T et d’un scanner de toute dernière génération mais également de six systèmes de VNG, sept cabines audiométriques, et de l’équipement nécessaire pour réaliser des tests de posturographie, d'otoémissions, de déphasage des produits de distorsion, de PEA et d’EcoG... « Il y aura tout », résument les praticiens, des étoiles plein les yeux.
Le nouveau centre absorbe ainsi le Cefon, ses ORL et techniciens spécialisés, et « l’augmente ». « La Clinique de l’oreille a vocation à poursuivre sa mission, en y ajoutant des prises en charge plus actuelles », complètent Michel Toupet et Marie-José Fraysse. Les locaux comprendront ainsi des salles pour les injections transtympaniques. « C’est un geste relativement simple et fréquent mais qui n’est pas réalisé par les ORL de ville parce qu’il nécessite une anesthésie locale et de pouvoir garder le patient allongé pendant plusieurs dizaines de minutes, commente Élisabeth Mamelle. Nous souhaitons être totalement autosuffisants, y compris pour prendre en charge des urgences. Tout se fera sur place, à l’exception de la chirurgie. » L’objectif est en effet de proposer une offre de soins complémentaire à celle des ORL libéraux et des services hospitaliers dans les bilans et les prises en charge. Ce, d’autant plus facilement qu’un certain nombre de praticiens de l’équipe conserveront une double activité. « Aujourd’hui, toutes les urgences, les cas complexes atterrissent à l’hôpital, poursuit Élisabeth Mamelle. On aimerait pouvoir basculer certains patients vers une prise en charge ne requérant pas forcément un avis hospitalier. Or, il existe actuellement peu de structures où adresser nos patients pour ces symptômes, à l’exception du Cefon, qui n’est pas suffisant pour drainer la demande. »Un centre d’envergure, adapté aux besoins des patients
Outre un équipement de pointe, le nouveau centre abritera une équipe d’une quarantaine de personnes constituée de 15 praticiens (12 ORL – explo et chirurgiens – et 3 radiologues) (voir l'encadré), de techniciens spécialisés et de trois paramédicaux (un kiné vestibulaire, une orthophoniste et un psychologue). Un soin particulier a été porté sur le choix des matériaux, des couleurs, de l’agencement pour rompre avec l’univers médical traditionnel et instaurer une atmosphère chaleureuse. « Tout a été pensé au service de l’expérience patient, explique Michael Eliezer. Nous avons tenu compte du handicap de chacun en écartant notamment toute stimulation optocinétique comme des lignes géométriques pour nos patients vestibulaires. Nous avons également pris soin de l’isolation acoustique et opté pour des matériaux évitant toute réverbération du son pour les patients hyperacousiques ou souffrant de troubles de l’audition. » Les tarifs sont également adaptés : les praticiens s’engagent à proposer des tarifs accessibles, avec dépassement « contrôlé et raisonnable ». « L’objectif n’est pas de pratiquer des prix prohibitifs mais de simplifier le parcours des patients et de répondre à des besoins mal couverts aujourd’hui », résume Marie-José Fraysse.