« Le principal, c’est d’arriver à éveiller les consciences sur l’urgence de changer nos habitudes. »

Sensibilisé depuis plusieurs années aux enjeux environnementaux et « Shifter » de la première heure, le directeur de l’Europe de l’Ouest d’Advanced Bionics, Jean-Baptiste Delande, s’emploie chaque jour à conjuguer sobriété énergétique et performances économiques.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
DELANDE Jean Baptiste
Jean-Baptiste Delande est le directeur de l’Europe de l’Ouest d’Advanced Bionics.

Quel a été l’élément déclencheur de votre conscience écologique ?

J’imagine que cela a toujours été le cas. Peut-être parce que j’ai vécu et grandi à la campagne, en Normandie, et que j’ai pu constater l'impact du changement climatique sur mon environnement. Je me suis beaucoup informé sur le sujet. Et, en 2019, j’ai découvert l’existence de The Shift Project, le think tank créé en 2010 par Jean-Marc Jancovici qui travaille sur la transition énergétique. J’ai alors rapidement rejoint l'antenne de bénévoles d’Annecy, là où je réside, pour y rencontrer des personnes partageant les mêmes préoccupations que moi et ne plus avoir ce sentiment d’être tout seul. Pour agir aussi, car, je ne comprends pas que l’on ne fasse rien. Il ne se passe pas un jour sans que nous entendions parler de réchauffement climatique. Et, pourtant, ce qui me frappe le plus, c’est la parfaite méconnaissance du grand public sur ces problématiques.

Aussi, avec le groupe de Shifters, nous organisons des fresques de la mobilité. Ce sont des ateliers de sensibilisation aux enjeux carbone de la mobilité en France, qui donnent des pistes pour adopter des comportements plus sobres au niveau individuel ou à l’échelle d’une collectivité ou d’une entreprise.

J’ai également réalisé un master 2 de management et administration des entreprises en 2020-2021 à l’université Savoie-Mont-Blanc et j’ai consacré mon mémoire sur la mise en œuvre d'une décarbonation des industries des dispositifs médicaux par scénarios.

Quel regard portez-vous, de ce point de vue, sur le secteur de l’audiologie ?

J’estime être relativement chanceux de travailler dans un domaine d’activité dont l’impact sociétal justifie en partie son impact carbone. Plus particulièrement avec l’implant cochléaire dont la durée de vie dépasse les 30 ans, qui consomme moins de 10 grammes de matière première et change drastiquement la vie des malentendants. Cela étant, on ne peut pas faire l’économie de repenser le modèle pour diminuer l’empreinte carbone du secteur.

En audiologie, en France, le problème majeur concerne avant tout les déplacements. À cet égard, l'augmentation du nombre de centres d’audioprothèse signifie a priori une meilleure répartition territoriale et donc, moins de trajet de la part des patients. Je dirais que, de ce point de vue, ça va plutôt dans le bon sens. Plus globalement, on se déplace beaucoup dans notre secteur, et notamment sur des longues distances, même si les cartes ont été un peu rebattues avec la pandémie de Covid. L’une des raisons est la multiplication des événements professionnels. Je pourrais assister à une manifestation quasiment toutes les semaines...

Je pense, en revanche, que l’arrivée très prochaine du téléréglage et de la téléassistance dans le domaine de l’implant cochléaire, la généralisation de l’activation précoce ou, à plus longue échéance, l’avènement de l’intelligence artificielle concourrons à limiter le nombre de visites d’un patient implanté cochléaire dans un CHU de référence.

Il n’est plus question d’avoir un collaborateur basé au milieu de nulle part, sous prétexte qu’en voiture tout est accessible en quatre heures.

Que peut-on faire d’autre ? Qu’avez-vous mis en place à votre niveau ?

Malgré ma sensibilisation ancienne aux enjeux climatiques, j’ai beaucoup pris l’avion, jusqu’en 2018, à titre professionnel, mais aussi personnel, sans conscience des conséquences sur les émissions carbone. Depuis, je ne le prends quasiment plus. J’ai par ailleurs refusé d’élargir le périmètre de mon nouveau poste à des marchés non atteignables par le train.

emissions CO2eq equipe AB France
Évolution de l'empreinte carbone de l'équipe d'Advanced Bionics France.
Ces dernières années, j’ai essayé d’amorcer des changements radicaux au sein d’Advanced Bionics Europe. Mes efforts se sont surtout portés sur
emissions par trajets
deux axes : la rationalisation de notre organisation territoriale et de nos déplacements et le changement de notre politique de participation aux manifestations du secteur. Ils nous ont permis de diminuer par cinq les émissions de carbone de l’équipe Advanced Bionics France en l’espace de six ans (voir les graphiques ci-contre).

Nous avons ainsi réduit le nombre d’événements auxquels nous assistons, le nombre de personnes sur place et, lorsque nous avons un stand, nous privilégions l’utilisation d'équipement réutilisable et sobre en matériaux. Quant aux déplacements, d’une manière générale, ils ont fait l’objet d’un renversement de paradigme. Nous avons intégralement revu notre façon d’appréhender notre présence sur le terrain : nous avons ainsi repensé nos secteurs, en révisant leur taille à la baisse. Nous avons étoffé en conséquence nos effectifs en recrutant des personnes vivant sur des nœuds ferroviaires car il n’est plus question d’avoir un collaborateur basé au milieu de nulle part, sous prétexte qu’en voiture tout est accessible en quatre heures. Nous sommes ainsi passés de six à douze secteurs.

De même, nous avons réduit notre flotte automobile ; nous sommes passés de six voitures thermiques à trois véhicules hybrides, pour une équipe de support clinique de quatorze personnes au total. Et, il est prévu de les remplacer par des modèles électriques pour atteindre des émissions directes quasi nulles. On a abandonné l’usage individuel au profit d’un usage collectif. Mais, tout cela ne s’est pas fait du jour au lendemain ; nous avons commencé en 2015 et tout sera véritablement en place cette année. On ne peut pas retirer des voitures sans accompagner la démarche de pédagogie et sans proposer d’alternative crédible.

J’essaie également de sensibiliser mes collègues en organisant des challenges. À l’occasion d’une réunion des équipes européennes qui se tenait à Annecy, je les ai ainsi mis au défi de venir en réduisant le plus possible leur empreinte carbone. Un collègue est ainsi venu de Genève en vélo et l’équipe des Pays-Bas en train. Le principal, c’est d’arriver à éveiller les consciences sur l’urgence de changer nos habitudes.

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