Au revoir Nice, bonjour Cannes. Cette année, les Assises de la Face et du Cou (nouveau nom de l’événement qui s’ouvre chaque année un peu plus à de nouvelles professions de santé) se sont déroulées sur la Croisette. À Nice, l’Acropolis qui accueillait la manifestation est en effet en cours de démolition. Cannes devrait donc l’accueillir pendant plusieurs années.
2 000 ORL et 500 audioprothésistes étaient présents.
Pr Laurent Castillo, président des Assises de la Face et du Cou
Toutefois, les congressistes n’ont pas été dépaysés : le soleil et la mer Méditerranée étaient également au rendez-vous. C’est le fameux Palais des congrès et des festivals qui a hébergé cette 25e édition des Assises. « Nous avons changé le lieu, mais nous n’avons rien changé sur le fond », déclarait Laurent Castillo, président du congrès, au micro de notre partenaire Audition TV. C’est-à-dire « un esprit avant tout pratique : il ne s’agit pas de faire de la science fondamentale mais de la science appliquée aux patients pour le quotidien de l’ORL, de l’audioprothésiste et de l’orthophoniste », nous expliquait l'ORL niçois, en amont de l’événement.
Force est de constater que la formule plait, puisque 2 000 ORL ont sillonné les allées du palais des festivals, « mais aussi – et c’est notre bonheur, notre fierté – quasiment 500 audioprothésistes », se félicitait le Pr Castillo.
Un programme dense attendait audioprothésistes et ORL au 3e étage du Palais des congrès et des festivals. L’une des sessions, animée par le Dr Damien Bonnard et François Dejean, de la SFA, s’est attaquée au sujet des questionnaires de satisfaction. Prévue dans l’arrêté du 14 novembre 2018, l’évaluation de la satisfaction des patients appareillés au travers de questionnaires n’est toujours pas mise en place. Après avoir proposé une version jugée trop complexe, la Direction de la Sécurité sociale planche sur une version simplifiée, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation dans le rapport Igas de 2022 sur la filière auditive, et qui serait administrée à différentes étapes du parcours de soins.
En audiologie, des questionnaires sont complémentaires des résultats purement audiologiques.
François Dejean, audioprothésiste
Un groupe de travail de la SFA a été récemment mis en place pour travailler sur une proposition de document. Il s’agit en effet d’un indicateur clé de la réussite qualitative de la réforme du 100 % Santé en même temps qu’un moyen pour les soignants de mesurer l’amélioration de l’appareillage sur la qualité de vie de leurs patients. « Parfois, nous sommes confrontés à des personnes mécontentes qui pourtant présentent des gains prothétiques extraordinaires ; parfois c’est l’inverse, a expliqué François Dejean, avant de préciser : En audiologie, il est établi depuis de nombreuses années que des questionnaires sont complémentaires des résultats purement audiologiques. »
C’était l’un des temps forts du congrès, notamment pour le secteur de l’audioprothèse. Et d’ailleurs, les congressistes ne s’y sont pas trompés puisque la salle « Audiologie » était comble. Nawal Ouzren, directrice générale de Sensorion, Brice Jantzem, qui participait à ses premières Assises en tant que président du SDA, et le Pr Paul Avan se sont livrés à l’exercice périlleux de la prospective. De quoi sera fait l’avenir de l’audiologie ? Pour le chercheur, il « repose sur un trépied : recherche, audioprothèse et industrie, notamment des thérapies. Et, pour cela, nous devons acquérir de nouvelles compétences. » Pour Nawal Ouzren, l’intrication de tous les acteurs de l’audiologie ne fait aucun doute : « Le monde du futur est un monde où on va tisser liens entre toutes les fonctions et non un monde où la thérapie génique cannibalisera les aides auditives ou l’implant cochléaire. Ce sont, au contraire, des multiplicateurs de force les uns pour les autres et les audioprothésistes y auront un rôle sophistiqué [de repérage et de suivi, NDLR]. »
Nawal Ouzren a ensuite évoqué plusieurs projets de thérapies géniques pour les formes congénitales et progressives de surdité et notamment de presbyacousie précoce. Concernant les premières, Sensorion espère injecter le premier enfant cette année. « Notre objectif, c’est de passer d’un enfant profondément sourd à un enfant qui entend modérément. Et il est important qu’on construise des ponts, car l’aide auditive permettra ensuite que cet enfant puisse acquérir le langage, etc. » Concernant les formes progressives, la directrice de Sensorion a indiqué monter une étude d’histoire naturelle prospective, au sein de laquelle les professionnels auront un rôle d’identification et de suivi.
En tant que professionnels de santé, nous avons peut-être intérêt à élargir notre rôle par des pratiques avancées.
Brice Jantzem, président du SDA
Brice Jantzem a, quant à lui, invité à la réflexion sur l’évolution du rôle voire du cadre d’exercice des audioprothésistes en interrogeant par exemple la possibilité d’autoriser l’intervention sur le lieu de vie des patients, le télésoin... « En tant que professionnels de santé, nous avons peut-être intérêt à élargir notre rôle par des pratiques avancées, notamment par la réalisation des explorations fonctionnelles pour d’autres, le renouvellement..., a-t-il expliqué. Aujourd’hui c’est impossible, mais ce serait envisageable si la profession était un peu mieux contrôlée. »
Le président du SDA a également évoqué la possible implication des audioprothésistes dans le recueil de data et le repérage de troubles visuels, des risques de démence... : « Est-ce que par notre rôle de proximité, nous n'avons pas également cette carte supplémentaire à jouer ? » Pour Paul Avan, l'intérêt de cette position de « première ligne » des audioprothésistes est indéniable : « Après tout, pourquoi pas les bilans auditifs gratuits, si ça fait bouger les gens... », a-t-il ajouté, non sans provocation.
« Un sujet nouveau, mais une nécessité de demain ». C’est ainsi que le Dr Laurent Schmoll, fondateur de TokTokDoc, a présenté la téléprescription, en préambule de sa présentation. Selon lui, « les outils numériques sont aujourd’hui parfaitement présents, parfaitement performants, et doivent permettre de prescrire une partie des aides auditives », dans un contexte de diminution du nombre de prescripteurs et d’une demande d’appareillage croissante.Mais il faut respecter certains principes : les ORL doivent « rester maîtres du diagnostic et de la prescription », a insisté le Dr Schmoll, « collaborer avec les audioprothésistes qui font les audiogrammes aussi bien que les ORL voire mieux », « ne pas créer de situation de compérage et ne pas faire le jeu des mutuelles », etc.
Les ORL doivent collaborer avec les audioprothésistes qui font les audiogrammes aussi bien que les ORL.
Dr Laurent Schmoll, ORL et fondateur de TokTokDoc
TokTokDoc propose sa solution de téléconsultation et téléexpertise aux personnes en Ehpad et à la population générale. En établissements, le service s’appuie sur des infirmières salariées et formées, qui prennent des photos des conduits auditifs et les envoient à une ORL pour analyse. En population générale, le patient se rend chez l’audioprothésiste où il réalise un audiogramme, l’audioprothésiste fait des photos des deux tympans grâce à un vidéo-otoscope. Si besoin, le patient a le choix entre une téléconsultation avec un ORL de proximité (il prend alors rendez-vous et reviendra chez son audioprothésiste pour cela) ou bien le dossier patient est envoyé à un ORL pour téléexpertise.
Comme pour toute pratique pionnière, a fortiori basée sur la technologie et la délégation de tâches, la présentation a suscité de nombreuses réactions...