Rassembler tous les acteurs de l’audiologie. C’est l’ambition du projet Montpellier Audiocampus, qui repose sur la création d’une plate-forme participative d’excellence en audiologie clinique sur le site du CHU de Montpellier. Start-ups, patients, cliniciens, enseignants-chercheurs, étudiants et industriels seront réunis dans ce cluster. Outre un centre de recherche innovant, il s'agira d'un lieu de prévention et d’information à la santé auditive ouvert à tous grâce à un hall multimédia. Mais il sera aussi une structure médicale proposant des prises en charge bénéficiant des plus hautes technologies, comme les tests auditifs en réalité virtuelle ou un accès à l’un des tout premiers robots chirurgicaux d’implantation cochléaire. L’un des objectifs est de créer de nouveaux métiers d’aide à la personne autour de la téléaudiologie. Cette plate-forme a en outre pour vocation d’être ouverte aux industriels afin de leur permettre d’accéder à des cohortes de sujets et à une structure d’exploration leur permettant de valider de nouveaux biomarqueurs, dispositifs médicaux et nouveaux médicaments.
Une nécessité d'unité sur un seul et même site
La ville de Montpellier est prédisposée pour ce projet. Depuis une trentaine d’années, elle s’est taillée une réputation d’excellence dans le domaine de l’audiologie expérimentale et clinique. Cette réputation repose sur la rencontre des Prs Rémy Pujol et Alain Uziel et la création, en 1981, d’une unité de recherche Inserm dédiée à l’audition, profondément ancrée dans la recherche clinique. En 1990, l’audiologie montpelliéraine s’est enrichie avec la création du service d’audiophonologie pédiatrique de l’Institut Saint-Pierre de Palavas. Celui-ci travaille en lien direct avec le CHU et dispose actuellement d’une file active de plus de 1 000 adultes et enfants implantés.
En 2001, le Pr Jean-Luc Puel a pris la direction de l’école d’audioprothèse de Montpellier, située à la faculté de pharmacie, et a créé le master d’Audiologie en 2004 (devenu aujourd’hui le master de Neuroprothèse sensorielle). En 2011, il a également été nommé à la tête de l’Institut des Neurosciences de Montpellier (INM), tout en continuant d’animer une équipe de recherche sur l’Audition.
Aujourd’hui, l’écosystème Montpelliérain agrège des compétences et des savoir-faire complémentaires allant de la recherche fondamentale à la clinique en passant par l’adaptation prothétique et la réhabilitation fonctionnelle. Malheureusement, les différents acteurs travaillent sur plusieurs sites, ce qui limite les interactions. D’un côté, les chercheurs de l’INM étudient les mécanismes de l’audition et développent des thérapies chez l’animal, de l’autre les audiologistes basés sur le site de la faculté de Pharmacie développent des modèles sophistiqués de traitement du signal mais n’ont pas accès à des patients malentendants. Faute d’interactions directes et quotidiennes avec la recherche, les médecins et les patients ne peuvent profiter pleinement des dernières avancées en la matière.
Autre problème, l’audiologie expérimentale et clinique manque cruellement d’un partenariat fort avec les industriels du médicament et des implants cochléaires. Pour valoriser au mieux l’écosystème montpelliérain, il faut réunir patients et les professionnels de l’audition venant de divers horizons sur un même site.
La conception originale d’Audiocampus ouvre des passerelles naturelles et fluides entre le monde de la recherche fondamentale et celui de la clinique.
Montpellier, fleuron de la recherche en audiologie
Autre rapprochement nécessaire : celui des start-ups et industriels avec le monde de la recherche. Dans ce cadre, l’unité Inserm, l’une des briques de ce futur Audiocampus, est mondialement reconnue pour sa recherche en pharmacologie et le développement de traitement des pathologies de l’oreille interne. Elle est à l’origine de six brevets, dont certains ont mené à la création d’entreprises comme Auris Médical (société suisse), Sensorion ou CilCare (sociétés montpelliéraines). Elle a également permis des découvertes majeures. On citera, entre autres, des molécules pour diminuer les acouphènes induits par le traumatisme sonore, protéger l’oreille et améliorer l’efficacité de certains dérivés de pifithrin-alpha (pour éviter les dégats causés par le cisplatine) ou bloquer la fibrose cochléaire induite par la pose d’un implant cochléaire (collaboration avec Cochlear). Une proximité physique entre industriels et chercheurs favoriserait le démarrage précoce d’essais cliniques et accélererait le développement de futures innovations.
Formation tous azimuts
L’ambition de ce nouveau centre est également de promouvoir un enseignement de qualité. Audiocampus offrira ainsi des terrains de stage pour les professionnels de santé en formation initiale ou en apprentissage (médecins, ORL, audioprothésistes, audiologistes, orthophonistes…), mais aussi en formation continue pour acquérir la maîtrise de nouveaux tests diagnostiques. Des locaux seront dédiés à la contextualisation de l’apprentissage professionnel (living lab) grâce à l’accueil de patients dans un environnement identique à celui d’un exercice professionnel. L’unité de lieu offerte par la plate-forme permettra de proposer une formation de qualité et accessible à un plus grand nombre d’étudiants.
La conception originale d’Audiocampus ouvre des passerelles naturelles et fluides entre le monde de la recherche fondamentale et celui de la clinique. Le contact permanent entre étudiants des filières scientifiques (master, doctorants) et professionnelles (ORL, audioprothésistes, orthophonistes) permet la mise en place d’un double cursus apportant des compétences dans tous les domaines de l’audiologie expérimentale et clinique. Ici encore, la professionnalisation sera favorisée par la proximité avec les entreprises de biotechnologies, et l’encouragement à candidater à des financements mixtes, comme les contrats Cifre.
Montpellier Audiocampus se veut à la pointe de la technologie. Il offre un accès au robot Hearo (Cascination/MED-EL), qui assiste le chirurgien lors de l’implantation cochléaire. Une première française a été réalisée le 17 novembre 2021 par le Pr Frédéric Venail, chef du service d’otolologie et de neuro-otologie du CHU de Montpellier. Ce système est actuellement utilisé à des fins cliniques, mais servira dans l’avenir à la formation de très nombreux ORL provenant du monde entier (lire notre article Le robot Hearo dans les mains des chirurgiens montpelliérains).
Partenariat avec les industriels
L’amélioration de la prise en charge des patients ne peut se concevoir sans un transfert rapide des découvertes scientifiques vers le lit des patients. La recherche translationnelle repose sur un continuum recherche fondamentale-recherche clinique, les deux approches s’enrichissant l’une et l’autre. Montpellier Audiocampus permettra un accès privilégié à des cohortes de patients complétement phénotypés, et constituant une ressource unique de données à visée épidémiologique ou thérapeutique pour mener à bien des essais cliniques.
Un espace dédié aux start-ups et aux industriels offrira des possibilités d’interactions directes avec les médecins, les chercheurs et tous les acteurs de santé. Montpellier dispose d’un centre universitaire d’audiologie travaillant en étroite collaboration avec les fabricants et les distributeurs d’aides auditives (Amplifon, Audilab, Entendre). L’accès au living lab d’audioprothèse et à l’environnement en réalité virtuelle 3D permettra d’évaluer et de tester leurs produits dans des conditions proches de celles de la vie réelle, et donc de faciliter l’émergence de nouvelles solutions de santé connectée.
Actuellement, médecins et chercheurs travaillent en étroites collaborations avec les sociétés d’implants (Cochlear, MED-EL, Oticon Medical) pour mettre en place des stratégies chirurgicales moins invasives (chirurgie robotisée) et pour développer des traitements pharmacologiques capables de limiter le traumatisme d’insertion des électrodes et de prévenir la fibrose qui se développe autour des électrodes.
Un parcours de soins avant-gardiste
Situé au sein du CHU, Audiocampus bénéficiera de la proximité et des interactions avec les autres services (neurologie, neuro-radiologie, médecine interne, cardiologie…) et sera ainsi garant d’une prise en charge multidisciplinaire afin de développer des thérapies personnalisées, de la prothèse auditive à l’implant cochléaire, en passant par les thérapies ciblées, et ce, afin d'appréhender la diversité clinique des patients.
Mais il faut également s’adapter à leur situation : les populations les moins favorisées à cause de leur éloignement géographique, leur état de santé ou leur revenu ne seront pas laissées à l’écart de ce projet. Une offre de soins en télémédecine, incluant du diagnostic audiologique, ainsi que du réglage d’aides auditives à distance sera ainsi proposée. Pour ce faire, des conventions seront signées entre le CHU, des centres hospitaliers de la région et des établissements médico-sociaux pour personnes âgées (Ehpad et équivalents). Le living lab d’audioprothèse offrira des services gratuits d’adaptation et de réglages des aides auditives assurés par les étudiants en formation, sous la responsabilité de leurs encadrants de stage.Aujourd’hui, seul le cluster d’excellence de Hanovre (Allemagne) ou du Hearing Hub de Sydney (Australie) ont mis en place une telle structure. Montpellier a l’envie, l’énergie et la volonté de créer une plate-forme d’excellence en audiologie clinique pour et avec les patients et tous les acteurs travaillant dans le domaine de la surdité et au-delà. Toutes les bonnes volontés, institutionnelles, privées, associatives ou caritatives sont les bienvenues pour construire ensemble ce beau projet !