« Si la création d’un ordre des audioprothésistes ne fait pas l’unanimité, elle rencontre toutefois un très large soutien au sein de la profession »

Il y a un peu plus d’un an, le député François Gernigon, sensibilisé aux problèmes d’audition, a pris fait et cause pour la santé auditive. À l’occasion de la journée de mobilisation internationale autour de l’audition, il se montre confiant quant à l’avenir de sa proposition de loi visant à créer un ordre des audioprothésistes, qui n’attend plus que son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour être débattue.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
F Gernigon 2

Quelles raisons vous ont motivé à porter cette proposition de loi visant la création d’un ordre des audioprothésistes ?

Le déficit auditif est un handicap invisible dont les répercussions peuvent être importantes notamment en termes de déclin cognitif et qui doit être dépisté le plus tôt et efficacement possible. Grâce à la réforme du 100 % Santé, le nombre de personnes à s’appareiller chaque année a considérablement augmenté et il est essentiel que chaque patient ait l’assurance, lorsqu’il pousse la porte d’un audioprothésiste, que ce professionnel dispose de la formation initiale et continue adéquate. Compte tenu de l’augmentation de la file active de patients et du vieillissement de la population, les audioprothésistes occupent et occuperont un rôle central dans la prise en charge de cette problématique de santé publique en France. Mais à la condition que cette profession garde tout le crédit dont elle doit bénéficier.

Or, le secteur de l’audioprothèse connaît de nombreuses fraudes – 21,3 millions d’euros ont été identifiées et bloquées en 2023, soit 4,6 % des fraudes totales comptabilisées par l’Assurance maladie. Ces dérives nécessitent un contrôle rigoureux qui pourrait être efficacement mené par une institution ordinale et des règles déontologiques dont la rédaction doit impliquer l’ensemble de la profession.

De la même façon, la démographie des ORL nécessitera sans doute à l’avenir un partage des tâches et l’existence d’un ordre est nécessaire pour que les spécialistes puissent s'engager en confiance dans cette réflexion.

Le Synea et le Synam ne sont pas favorables à la création d’un ordre et la jugent anachronique à l’heure où l’Assurance maladie est fortement engagée dans la lutte contre la fraude et se dote de moyens de sanctions... Cela pourrait-il constituer un frein à l’adoption de votre proposition de loi ?

Je ne le pense pas. Ma proposition de loi ne sort pas du chapeau. Cela fait plus d'un an que je travaille sur le sujet. J’ai employé ce temps à organiser des petits-déjeuners parlementaires, des réunions de travail avec tous les syndicats en audioprothèse, sans exception, les associations... J’ai participé à de nombreuses manifestations comme le Congrès des audioprothésistes, la Journée nationale de l’audition, l’EPU en audioprothèse. J’ai consulté tout l’écosystème et je me suis fait mon opinion. Et, si la création d’un ordre des audioprothésistes ne fait pas l’unanimité, elle rencontre toutefois un très large soutien au sein de la profession, ce qu’ont également pu mesurer les députés cosignataires de ma proposition de loi au sein de leurs circonscriptions. Le texte a été rédigé en étroite collaboration avec le SDA et le CNA, qui l’appellent de leurs vœux depuis plusieurs années, et les étudiants et le CNP d’ORL y sont favorables, ainsi que le président de la HAS, Lionel Collet.

À lire aussi | ▶ Ordre des audios : la proposition de loi est déposée

Enfin, je considère qu’il revient à chaque profession de s’autoréguler et de s’organiser pour garantir la qualité de la prise en charge des patients. Ce n’est pas aux administrations, qui ont déjà beaucoup de responsabilités, d’engager toujours plus de moyens pour contrôler les professionnels de santé, notamment en recrutant de nouveaux fonctionnaires ou en se dotant de nouveaux outils. Un ordre constitue en outre un bien meilleur interlocuteur que plusieurs acteurs aux avis souvent dissonants pour discuter avec les ministères des enjeux que sont les fraudes ou les formations espagnoles et travailler en concertation sur de futures réformes.

Quelles étapes reste-t-il à franchir à votre proposition de loi avant son éventuelle adoption ?

Il faut désormais qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de l’Assemblée. J’espère que cela sera chose faite avant l’été. Dès cette étape franchie, le texte sera discuté à la commission des Affaires sociales puis en séance publique. Je suis très confiant et mise sur un résultat positif avec une large majorité, que ce soit à l’issue de l’examen en commission ou en hémicycle, compte tenu des soutiens dont je bénéficie déjà.

En effet, parmi les parlementaires qui ont cosigné ce texte figurent des soutiens de poids, et notamment Paul Christophe, président du groupe Horizons et ministre des Solidarités, et Frédéric Valletoux, ancien ministre de la Santé et aujourd'hui président de la Commission des affaires sociales. Au-delà du groupe Horizon, il y a Thibault Bazin, rapporteur général de la Commission des affaires sociales, et Jérôme Guedj, ancien inspecteur de l’Igas... Nous avons tous deux oreilles, une à droite, une à gauche : la création d’un ordre des audioprothésistes n'est pas un sujet politique mais un enjeu de santé publique, qui doit être transpartisan.

Offres d'emploien partenariat avec audixion.fr

Voir plus d'offres

Newsletter

Newsletter

La newsletter Audiologie Demain,

le plus sûr moyen de ne jamais rater les infos essentielles de votre secteur...

Je m'inscris