Audiologie Demain (AD) : Votre départ a été annoncé par Starkey US et votre carrière saluée par Brandon Sawalich, le président de Starkey, dans la presse et les réseaux sociaux. C’est inédit pour un dirigeant de filiale. Quel regard portez-vous sur ces quatre décennies ?
Thierry Daudignon (TD) : Peu en effet ont bénéficié de la même longévité. J’ai eu la chance incroyable de travailler plus de 40 ans dans la même société. J’ai contribué à la création de la filiale française en 1981, rue Ponscarme à Paris ; nous étions neuf employés alors. Puis, pendant 17 ans, j’ai participé à son développement aux côtés de Philippe Petit, à qui j’ai succédé en 1998, à la suite de sa disparition tragique. Dès le départ, Bill Austin, le propriétaire et fondateur de Starkey, m’a accordé sa confiance. Je lui en sais gré. Bien que dirigeant d’une filiale d’une société américaine, j’ai eu les coudées franches et j’ai pu faire valoir les spécificités du marché français.
Starkey US a progressé très vite : d’une start-up, l’entreprise a acquis une envergure internationale. La filiale française a elle aussi connu une belle progression. Aujourd’hui, nous proposons une gamme complète de produits très performants associant aussi bien des intras que des écouteurs déportés et des contours, tout en conservant notre savoir-faire dans les appareils sur mesure, dont nous sommes les seuls à bénéficier au niveau mondial. Starkey est le dernier fabricant de l’Hexagone à avoir maintenu une fabrication d’intras sur le territoire.
La France est l’une des filiales les plus importantes pour Starkey US. Sa singularité tient à son ancienneté – c’est l’une des premières après l’Angleterre – et à son extraordinaire stabilité. Nous comptons aujourd’hui 145 employés avec une séniorité moyenne de plus de 17 ans*. Nous totalisons une expérience collective inégalée sur le secteur. Cette particularité nous permet de nous appuyer sur des équipes stables, qui connaissent bien leur métier.
Il ne fait aucun doute que le marché devrait franchir le million d’unités vendues et enregistrer une croissance de plus de 20 % en 2021.
Thierry Daudignon
AD : Cette passation s’opère à l’heure du 100 % Santé. Comment envisagez-vous l’année 2021 ?
TD : Elle commence comme a fini 2020 : sur les chapeaux de roue. Starkey France connaît un démarrage incroyable et il semblerait que cette tendance soit généralisée. Il y a plusieurs raisons à cela : les seniors, qui demeurent les principaux candidats à l’appareillage, dépensent moins du fait de la crise sanitaire et disposent de ressources financières pour s’équiper.
Par ailleurs, on n’a jamais autant entendu parler d’audition qu’aujourd’hui. Les pouvoirs publics participent activement à la promotion de l’appareillage précoce… ce pour quoi nous nous sommes battus toutes ces années avec les syndicats et associations comme France Presbyacousie. Enfin, les aides auditives ont connu des progrès remarquables et la qualité du service délivré s’améliore sans cesse. Aujourd’hui, les planètes sont alignées pour la profession. A fortiori avec l’entrée en vigueur de la réforme du 100 % Santé, dont j’ai contribué activement à la négociation en tant que président du pôle Audiologie du Snitem. C’est une extraordinaire opportunité pour le secteur. Nous étions jusqu’alors sur un marché avec un volume raisonnable et des prix moyens élevés. Avec le 100 % Santé, le modèle va s’inverser. Les audioprothésistes ont ainsi tout intérêt à optimiser leurs process et à s’organiser pour augmenter leurs volumes tout en continuant à maintenir un niveau de service élevé. Il ne fait aucun doute que le marché devrait franchir le million d’unités vendues et enregistrer une croissance de plus de 20 % en 2021.
Fabrice Vigneron (FV) : C’est une nouvelle ère qui a commencé en janvier. En tant que fabricant, nous devons continuer à proposer des produits accessibles et de qualité et, en même temps, nous positionner sur des produits à forte valeur ajoutée médicale. Notre enjeu est de valoriser nos innovations sur les produits de classe II. Les produits de classe I répondent à 90 % des besoins. Mais, au-delà de répondre à un profil audiométrique, il faut que les patients puissent porter leurs aides auditives, les manipuler, les connecter… On ne peut résumer leurs besoins à la seule solution audiologique. Il faut également prendre en compte la satisfaction, qui est un ingrédient important de l’observance. À cet égard, les produits de classe II réunissent davantage d’éléments propres à satisfaire les utilisateurs.
Nous ne sommes qu’au début de notre projet pour améliorer la santé globale et le bien-être à partir de l’oreille.
Fabrice Vigneron
AD : Monsieur Vigneron, quelle est votre feuille de route pour les années à venir ?
FV : Je tiens tout d’abord à rendre hommage à tout ce que Thierry Daudignon a accompli. La filiale française n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Je suis fier de reprendre le flambeau. Nous allons continuer à nous appuyer sur nos fondations : une société singulière, portée par un patron audioprothésiste et des collaborateurs engagés, une capacité de recherche, d’innovation et la volonté permanente du meilleur service pour nos clients. Nous continuerons à leur fournir les meilleurs outils pour qu’ils puissent se concentrer sur le soin au patient et délivrer la meilleure expérience possible. Nous mettrons d'abord en avant la performance audiologique de nos produits et insisterons sur la formation.
Je souhaite aussi augmenter notre notoriété auprès de l’ensemble des audioprothésistes afin que davantage de malentendants aient accès à nos solutions. Nous avons ouvert la voie en lançant des produits healthables, de santé connectée intégrée à nos produits. Les audioprothésistes nous considèrent aujourd’hui comme une société qui innove et qui prend des directions où d’autres ne s’aventurent pas. Nous ne sommes qu’au début de notre projet pour améliorer la santé globale et le bien-être à partir de l’oreille. Nous continuerons à proposer un rythme élevé d’innovations et à investir pour aider les audioprothésistes à prendre ce virage et à appréhender ces nouvelles technologies qui réduisent le stigmate. Pour, in fine, permettre à davantage de personnes de passer le cap et de s’appareiller.