Parmi les avancées dans les tuyaux pour l’implant cochléaire, le développement d’un dispositif entièrement implantable est certainement celui qui aura le plus d’impact pour les patients. En effet, le fait d’avoir un processeur aimanté sur le cuir chevelu est jugé stigmatisant par beaucoup, surtout chez les jeunes. Même si des progrès considérables ont été réalisés pour que les processeurs soient le moins visibles possible – miniaturisation ou développement de versions déportées comme le Kanso de Cochlear ou le Rondo de MED-EL.
Un essai clinique sur 6 patients
L’entreprise autrichienne MED-EL a réalisé un grand pas en avant, en annonçant les premiers résultats de son essai clinique de phase 1, qui incluait quatre patientes et deux patients – trois à Munich (avec le Pr Joachim Müller) et trois à Liège (avec le Pr Philippe Lefebvre) – équipés du Mi2000, un implant totalement implantable (ou TICI pour totally implantable cochlear implant). Le micro et la batterie, externes dans les implants cochléaires classiques, sont placés ici sous la peau.
Cette première étude, qui a débuté en septembre 2020, consistait d’abord à vérifier que ces dispositifs ne sont ni dangereux, ni toxiques. Sur les six patients, un seul évènement indésirable imputable à l’implant a été rapporté : une infection locale, sans conséquence.
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Bonnes performances audiométriques
Mais ces essais ont aussi été l’occasion pour les cliniciens de tester les performances du TICI. Les résultats obtenus aux audiométries tonales, vocales dans le silence et le bruit montrent que le TICI est aussi performant qu’un processeur classique [1]. « Ce qui est étonnant, c'est que les résultats dans le bruit sont identiques. Or le TICI ne dispose que d’un micro omnidirectionnel, alors qu'un processeur externe en a deux directionnels », rapporte Philippe Lefebvre. La technologie du micro, gardée bien secrète par MED-EL, explique sans doute ce résultat. D’un point de vue bien-être et qualité de vie, les retours sont également très bons. L’ORL belge l’illustre avec le cas d’un jeune patient qui avait refusé l’implant classique, pour des raisons de stigmatisation, et a pleinement adopté le TICI, « qu’il porte en permanence ». D’ailleurs, « on est obligé d’appeler les patients pour qu’ils se rendent à leurs rendez-vous de suivi, car tout se passe bien et ils n’en voient pas l’intérêt⯻, raconte le Pr Lefebvre.
Un essai de phase 2 lancé
Fort de ces résultats, l’industriel autrichien a lancé dans la foulée une étude de phase 2, sur six sites européens. «â¯Elle porte sur 30 patients et devrait se terminer dans quelques semaines », estime l’ORL. « Ça marche très bien, il n’y a aucun souci⯻, selon lui, mais les résultats ne seront pas disponibles avant plusieurs mois. « Ils devront permettre d’obtenir le marquage CE, et donc la commercialisation du dispositif. » Pour le Pr Lefebvre, cela pourrait intervenir d'ici deux ans, minimum. Et d’ailleurs, selon lui, « ce dispositif peut être mis sur le marché à la minute⯻
Secret industriel oblige, aucun détail n’a fuité concernant les caractéristiques techniques de ce dispositif. Même le Pr Philippe Lefebvre les ignore. Il sait simplement que « la membrane du micro mesure 10â¯mm de diamètre pour compenser le fait qu’il soit placé sous la peau ». Pour le positionner, « on enlève un petit morceau du muscle temporal afin qu’il soit sous la peau et pas sous le muscle, puis on le visse sur l’os, au-dessus du pavillon ». La recharge se fait par induction : l’utilisateur pose un chargeur aimanté, un peu plus fin qu’un Rondo, sur son cuir chevelu. Une heure de charge fournit 24 à 48 heures d’utilisation, indique le chirurgien.
Dans quelques années, deux industriels pourraient proposer ce type de produits sur le marché européen. Cochlear a récemment lancé un essai clinique en Australie, pour lequel le recrutement de 12 patients est en cours.