Un rapport pointe la mauvaise anticipation de la fraude en audioprothèse

Dans son rapport concernant la lutte contre la fraude sociale publié le 25 septembre, le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) dresse un état des lieux et formule 81 recommandations. Plusieurs concernent directement l’audioprothèse et s’appuient à la fois sur le constat du SDA d’un manque de régulation et sur les solutions avancées de longue date par le syndicat.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
HCFIPS

C’est à un changement de braquet qu’invite le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) dans son rapport concernant la lutte contre la fraude sociale. Tout en appelant à renforcer les méthodes d'évaluation et à une meilleure collaboration AMO/AMC, il recommande le déploiement d’une « vraie » stratégie préventive, estimant que « le “tout-contrôle” n’est pas pleinement efficace » : « Il est coûteux en ressources humaines ; il peut être contreproductif en termes d’accès aux droits ; il a un coût symbolique en ce qu’il peut stigmatiser telle ou telle population (les pauvres, les professionnels de santé…) ; il n’est pas pleinement efficace au plan financier, puisque les institutions ne peuvent ni détecter, ni a fortiori, recouvrer 100 % des sommes fraudées. »

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Le 100 % Santé : une réforme « fraudogène »

Le HCFiPS pointe du doigt les « normes fraudogènes », citant en exemple les conditions de remboursement des aides auditives instaurées avec la réforme du 100 % Santé. « Faute de penser les risques associés au contournement possible des règles, le cadre juridique est parfois très (trop) permissif », est-il souligné. Le HCFiPS dresse le constat suivant : « Le dispositif est en fait relativement aisé à frauder : (…) il suffit que l’audioprothésiste (ou le pseudo audioprothésiste) facture à l’Assurance maladie le coût de l’audioprothèse pour que celle-ci lui rembourse le montant facturé, sans que l’Assurance maladie n’ait à vérifier, en amont, ni l’existence ni la véracité de la prescription ». Le rapport estime à cet égard que « les conditions d’exercice de la profession auraient pu être interrogées dès la création du dispositif alors que le syndicat des audioprothésistes alertait sur les risques de dérives » : « En novembre 2021, le SDA s’inquiétait déjà du "risque de dérapage du 100 % santé en audiologie". »

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Dans un communiqué publié le 1er octobre, le SDA juge que le rapport du HCFiPS « confirme la nécessité de mieux réguler la profession d’audioprothésiste » et « appelle les pouvoirs publics à concrétiser les chantiers en matière d’encadrement et de régulation de la profession ». « Le rapport vise à aiguillonner les pouvoirs publics pour qu’ils prennent davantage un virage préventif, lors de la mise en place de nouvelles réformes, d’autant plus quand les professionnels alertent sur les risques de dérives, commente Luis Godinho, vice-président du SDA. Le 100 % Santé est emblématique de ce point de vue et nous sommes ravis qu’un rapport du HCFiPS, commandé par Matignon, prenne note que la grande majorité des professionnels subit les conséquences de cette fraude en termes d’image et de concurrence déloyale. »

Encadrement de la profession et suppression du mode dégradé

Outre ce constat partagé, le HCFiPS reproduit deux communiqués du SDA et recense les solutions formulées de longue date par le syndicat « au service de l’encadrement de la profession afin de lutter contre les abus et d’améliorer la qualité de la prise en charge des déficients auditifs » : le fait de lier conventionnellement les remboursements de l’assurance maladie à l’audioprothésiste qui exécute l’appareillage et non à l’établissement qui l’emploie ; la création d’un Ordre des audioprothésistes « permettant que la profession finance elle-même sa régulation » ; la mise en place d’un décret de compétences « définissant les actes réservés aux audioprothésistes » ; et la suppression de la dérogation réglementaire, dont font l’objet les aides auditives, à l’interdiction générale de publicité des dispositifs médicaux.

Par ailleurs, estimant que « l’audioprothésiste qui souhaite frauder peut réaliser cette fraude d’autant plus aisément qu’il n’est pas tenu de demander sa carte Vitale à l’assuré », l’instance recommande de s’assurer du consentement du patient. L’Assurance maladie a indiqué examiner avec les représentants de la profession la suppression de la possibilité conventionnelle de télétransmission sans carte vitale – en mode dégradé. L’ampleur des fraudes, notamment en audioprothèse, pousse même le HCFiPS à remettre en question « dans certaines situations » le principe de « gratuité totale » : « Comme on l’a vu sur le champ de l’audioprothèse, la gratuité appelle les escrocs ; une participation financière, même faible, des assurés permettrait de s’assurer de leur vigilance lorsqu’ils sont sollicités mal à propos ». Un éventuel retour en arrière sur lequel nous avions interrogé Marc Scholler, directeur délégué de la lutte contre la fraude à l'Assurance Maladie, lors de notre débat « Fraude en audioprothèse : comment s'en sortir ? », et qu’il avait alors écarté.

Dans le chapitre consacré aux risques d’usurpation d’identité, le HCFiPS recommande en outre, faisant référence à la violation des données de Viamedis et Almerys en février 2024, de « prendre une disposition législative pour imposer aux organismes complémentaires des normes de cybersécurité au moins équivalentes à celles de l’ensemble de la sphère publique » et indique à ce sujet que le SDA plaide pour « une centralisation de la gestion du tiers payant par les complémentaires ».

Dans son communiqué, le syndicat en profite ainsi pour appeler « à l’accélération des travaux d’encadrement de la profession afin de réguler les dépenses afférentes et d’améliorer la qualité des pratiques des professionnels » et dit se tenir « à l’entière disposition des autorités pour concrétiser ces chantiers au service de la prévention en santé, domaine où les soins auditifs ont les rendements sur investissement démontrés parmi les plus élevés ».

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