Une proposition de loi sur la création d'un ordre
L’édition 2024 de l’EPU était résolument placée sous le signe du politique. L’évènement bénéficiait en effet du patronage du ministère de la Santé et de l’Accès aux soins et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Mais il a surtout pu compter sur la participation de deux députés. C'est le Dr Yannick Neuder qui a ouvert le bal, au travers d’une courte intervention vidéo. Celui-ci a évoqué le projet de constitution d’un ordre des audioprothésistes, indiquant qu’il « resterai[t] très attentif [aux] travaux et attentes [de la profession] », « en tant que rapporteur général du PLFSS ».
Mais c’est François Gernigon qui a créé la surprise à l’issue de la première journée. Le député a annoncé qu’il déposerait prochainement une proposition de loi visant à créer un ordre des audioprothésistes : « C'est une étape cruciale », a-t-il dit.
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« Aujourd’hui, notre Collège prend une position sur le plan politique, pourquoi ?, a poursuivi Matthieu Del Rio. Parce qu’il est plus que jamais nécessaire de renforcer la régulation de notre profession afin de garantir la qualité de nos pratiques et l’éthique à laquelle nous tenons tant. Je crois fermement que la profession des audioprothésistes est prête à franchir un nouveau cap. »
Les « points de rencontre » avec la HAS
Présent également pour introduire l’EPU, le président de la Haute Autorité de Santé, Lionel Collet, a listé les « points de rencontre » entre l’instance et les audioprothésistes et notamment la rédaction de recommandations. Il a indiqué à cette occasion que la HAS avait reçu une saisine pour l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques pour la prise en charge de la surdité chez la personne âgée de plus de 60 ans et devait décider « dans les jours qui viennent » de s’en emparer ou non. « C’est la première fois qu’une demande de ce genre nous arrive à tel niveau d’avancement », a-t-il reconnu.
Le Pr Collet a également profité de l’occasion pour adresser un dernier « message » à la profession : « Il manque un organisme à votre profession. Vous êtes un des très rares métiers qui a des syndicats – très actifs –, un collège mais qui n’a pas une société savante. Or, il y a toujours les trois composantes au sein des CNP : syndicat, enseignants et société savante. Vous ne pourrez pas faire l’économie d'une réflexion sur la création d’une société savante propre à votre profession. »
La Fnéa, plus que jamais penchée sur la réingénierie
Lors du traditionnel temps dédié aux étudiants, Jeanne Desreumaux, la présidente de la Fnéa, a rappelé que la fédération « œuvr[ait] depuis 10 ans pour que la réingénierie du diplôme d’audioprothèse voie le jour ». « C’est pour porter ce sujet qu’elle a été créée à l’origine », a ajouté Lilou Agogué, ancienne présidente de la Fnéa.
« On est déçus du temps que ça prend », a admis le président du CNA, qui s’est néanmoins voulu rassurant : « Je suis toujours très présent sur le dossier mais l’instabilité de certaines institutions ne facilitent pas les choses ».
Une table ronde sur les formations étrangères
Le CNA réserve à chaque EPU une table ronde à un sujet plus politique. Cette année, elle était consacrée aux « Formations étrangères en audioprothèse » et était animée par le Dr Olivier Mariotte. L’ambition de cette session était d’explorer les solutions permettant d’assurer la qualité des soins, au bénéfice final des patients, et de garantir un niveau homogène de qualifications et de pratiques entre tous les diplômés. Jordi Serra, vice-président de l’Association nationale des audioprothésistes espagnols, a montré que le problème concernant autant la France que l’Espagne et pointé du doigt le caractère surdimensionné de l’offre de formations dans son pays : il y existe 50 écoles d’audioprothèse pour un marché de 400 000 aides auditives par an (jusqu’en 2003, on en comptait une seule, celle de Barcelone). Certaines proposent une formation en présentiel, un format mixte et d’autres encore une formule 100 % à distance, « qui ne nous permettent pas de garantir la qualité de la formation en Espagne ». Pour Stéphane Gallego, vice-président du SDA, le recours aux formations espagnoles est un « contournement de l’esprit de la loi » sur la libre circulation des diplômés en Europe. Pour autant, il a rappelé qu’il ne fallait pas négliger le fait que « certaines personnes ont la volonté de faire audio et on n’a rien à leur proposer », « le système français permettant difficilement la VAE et l’apprentissage ». Le SDA propose ainsi l’instauration d’une certification volontaire : « Les diplômés sont là, a-t-il dit. Il faut faire en sorte que ceux qui sont suffisamment compétents puissent être différenciés de ceux qui ne le sont pas ».
La Pr Cécile Parietti-Winkler, présidente du Collège d’ORL, co-directrice du centre de formation en audioprothèse de Nancy et représentante du CCFUA (Conseil des centres de formation des universités françaises en audioprothèse), a appelé à « camper devant le ministère pour obtenir la réingénierie ». Elle a surtout insisté sur le manque d’universitaires en audioprothèse et a rappelé l’existence de la section 91 au CNU, dédiée aux professionnels de la rééducation et de la réadaptation, « passée complètement inaperçue ». Pour l’heure, une seule candidate « a bénéficié de ce train en marche », comme l’indique la Pr Parietti-Winkler. Pourtant, il permettrait de « valoriser la discipline et de lui donner de la crédibilité ».
La représentante du CCFUA s’est également prononcé en faveur d’une société savante dédiée : « La discipline est à un virage. À quand une société française d’audioprothèse ?! Vous avez tous les ingrédients ». Elle a également soutenu l’idée d’un ordre, « qui n’est pas là uniquement pour faire fonction de police mais également pour maintenir les compétences des professionnels tout au long de la vie ». David Gélinas, président de l’Ordre des audioprothésistes du Québec, a présenté à cette occasion les différents leviers à disposition d’une telle instance pour assurer la protection du public.
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Un vaste programme donc, qui, selon Matthieu Del Rio, requiert de « se mettre d’accord ». Un préalable pas si simple à trouver.
Les prix du Collège
L’EPU est aussi l’occasion de mettre à l’honneur les travaux des jeunes audioprothésistes au travers de la traditionnelle remise des prix du Collège. C’est encore un podium exclusivement féminin qui a été récompensé cette année : le prix du Collège a été remis à Christelle Guillotin. Le prix de la meilleure présentation orale a été décerné à Clara Balestra. Quant au prix du poster, il revient à Aïssetou Sylla.