Cette passation est l’occasion de rappeler les missions du Collège. Quelle est sa place dans la vie de la spécialité ?
Sa place est essentielle car le Collège français d’ORL est l’instance dédiée à la formation initiale et continue de notre spécialité.
Sa mission première est de proposer et de soutenir les actions visant à assurer l'enseignement de la discipline et sa qualité, en accord avec les besoins de soins et les capacités de formation au sein du territoire. Cette mission est exercée en lien étroit et permanent avec les pouvoirs publics, en particulier les instances académiques nationales, l’Ordre des médecins, les syndicats et les sociétés savantes de notre discipline. C'est une mission particulièrement lourde dans le contexte de réforme globale de la formation médicale que nous avons connu durant les cinq dernières années, pendant lesquelles les évolutions à mettre en œuvre et à suivre, se sont succédé.
Le Collège, enfin, est fortement associé aux autres instances nationales de la discipline que sont la SFORL et le SNORL. Ensemble, nous sommes réunis par le Conseil national professionnel (CNP) de la spécialité. Les trois organes collaborent étroitement, au sein du CNP, sur toutes les questions d’actualité ayant trait à notre spécialité, de l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle au 100 % Santé, en passant par l’accès direct aux soins.
Le Collège prend-t-il également part à la formation continue des ORL ?
Son rôle concerne essentiellement la formation initiale mais – et cela est inscrit dans ses statuts – il favorise également toutes les actions de formation continue en lien avec la SFORL et ORL DPC, dont c'est la raison d’être. Dans ce cadre, le Collège participe à la définition des objectifs triennaux du DPC, propose des formations destinées aux étudiants mais également aux ORL « installés », comme la Journée du Collège qui a lieu tous les ans en janvier. Il concourt aussi à l’administration d’ORL DPC avec des élus du Collège au conseil d’administration et au bureau exécutif.
Au Collège, nous avons toujours veillé à l’enseignement de l’audiophonologie.
Vous succédez au Pr Emmanuel Lescanne à la présidence du Collège. Quel est le bilan de votre prédécesseur ?
C’est un mandat mené de main de maître, avec bienveillance et élégance. C’est en effet sous sa présidence que le Collège a mis en œuvre, dans l’urgence, la réforme du 3e cycle ou R3C, en collaboration avec la Coordination nationale des collèges d'enseignants en médecine (CNCEM). Non seulement il l’a déployée et mise en musique pour garantir la qualité de la formation de nos étudiants avec, par exemple, la création d’une banque de cours en adéquation avec le nouveau référentiel de formation, mais il en a aussi assuré le suivi avec des « retouches » stratégiques pour reconnaître la compétence ORL et CCF dans des prises en charge très diverses.
Et puis, il y a eu la réforme du 2e cycle (R2C) qui a monopolisé les forces du Collège. Elle a été particulièrement lourde à mettre en place avec l’écriture des situations de départ, dont j’ai piloté les groupes de travail, et la rédaction du nouveau référentiel qui a été publié en décembre. Cet ouvrage était très attendu par les étudiants car il regroupe l’ensemble des connaissances socle sur les pathologies ORL qui seront évaluées par de nouvelles épreuves nationales, déterminantes pour l’accès au 3e cycle de spécialisation.
Selon vous, que va-t-il se développer dans les années à venir dans le cursus initial ?
L’un des enjeux des cinq prochaines années, c’est la structuration de la formation par simulation. Elle est d’ailleurs devenue obligatoire car inscrite au JO dans la nouvelle maquette de la R3C. Mais encore faut-il la déployer de façon structurée et l’harmoniser sur le plan national si on veut l’utiliser pour valider la compétence de nos étudiants.
Cette harmonisation nécessaire passe par une réflexion nationale sur le mode d’évaluation et sur l’accessibilité à l’offre de formation, actuellement hétérogène dans le territoire. L’obstacle majeur est financier : cela coûte cher. Des solutions sont à trouver sur le plan national au niveau de la CNCEM. En attendant, des actions comme les ateliers de simulation du congrès de la SFORL permettent de donner accès à ce support pédagogique au plus grand nombre. Le succès des ateliers du 128e congrès de la SFORL, co-pilotés avec le Collège, témoigne de l’attrait de ce nouveau format qui s’impose aujourd’hui comme une évidence.
La formation par simulation apporte une réponse à ce que préconise la HAS : « Jamais une première fois sur le patient ». Par ailleurs, la simulation permet aussi de travailler la relation médecin- patient (comme l’annonce par exemple), afin d’être vigilant à la dimension humaine de notre activité.
En parlant de réalité et d’adaptation aux besoins dans les territoires, se pose la question de l’adéquation entre le nombre d’ORL formés en audiophonologie et l’afflux de patients drainés par le 100 % Santé. Quelle est la réponse aux déserts médicaux et à la pression, aujourd’hui et dans les années à venir, en termes de prise en charge des troubles de l’audition ?
La formation professionnelle actuelle d’un étudiant du DES ORL répond déjà à votre question. C’est le futur spécialiste qui examine des tympans sous microscope chaque jour ! Aux urgences ORL, il est confronté aux pathologies audio-vestibulaires ; en consultation, il réalise le bilan audio-vestibulaire sous supervision puis en autonomie. Dans les services, il participe aux réunions de concertation pluridisciplinaire des centres d’implant auditif. Lors du staff, il discute les examens audio-vestibulaires, les imageries scanner et IRM qui orientent vers une prise en charge médicale ou chirurgicale de la surdité. Sa connaissance des pathologies labyrinthiques l’amène progressivement à la compétence requise pour répondre aux attendus de l’arrêté encadrant la prescription d’aides auditives : un prescripteur réalise l’examen otologique et l’audiométrie pour coordonner la prise en charge diagnostique et thérapeutique.
Avec le maillage territorial des professionnels de santé auditive, les ORL que nous formons sont aptes à relever le défi du 100 % Santé et, au Collège, nous avons toujours veillé à l’enseignement de l’audiophonologie. Au fur et à mesure des réformes pédagogiques, ce domaine risquait l’insuffisance de compétences, tant la formation chirurgicale est exigeante et accapare les étudiants du 3e cycle dans les services hospitalo-universitaires. Le semestre de formation aux explorations fonctionnelles ORL a pour cela été rendu officiellement obligatoire en 2009, sous l’impulsion du bureau présidé par Noël Garabédian.
Aujourd'hui, la formation d’un spécialiste en ORL et CCF dure 6 ans, soit une année de plus qu’avant 2017.
En 2022, sous l’impulsion du Collège, les ministères (Santé et Enseignement supérieur) ont aménagé la maquette pour aider le cursus des FST et aussi de l’option d’audiophonologie. Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas d’abandon de la formation chirurgicale par les étudiants du DES qui choisissent cette orientation. La maquette de formation est souple et nous voyons au contraire un grand intérêt pour un futur otologiste à s’investir dans cette voie.
Le Collège n’envisage pas de nouveau métier mais espère plutôt une valorisation de la compétence ORL requise pour les explorations audio-vestibulaires développées par des plateaux techniques aux équipements modernes.
Dans ce contexte, certains acteurs proposent la création de nouveaux parcours ou de professions intermédiaires comme les audiologistes...
C’est une demande que j’entends effectivement et qui est au coeur de nos discussions au Collège. La limitation du nombre de postes n'est pas propre à l’ORL mais touche toutes les spécialités. C’est un problème qui doit être traité plus globalement. J’invite vos lecteurs à relire le chapitre du rapport 2018 « Surdité » de la SFORL dans lequel les Prs Michel Mondain et Christophe Vincent rappelaient, avec les quatre auteurs de ce document (Éric Truy, Emmanuel Lescanne, Natalie Loundon et Stéphane Roman), les objectifs du nouveau cursus des ORL : « Satisfaire aux besoins nationaux en explorations fonctionnelles audiologiques et valoriser cette activité ». Avec une santé auditive structurée en France à la fois autour de l’expertise médicale, audioprothétique et orthophonique, quel est le besoin d'un autre métier alors que nous observons que le nombre de personnes appareillées a augmenté de façon très significative depuis l’application du 100 % Santé ?
La réforme est récente et aucun des étudiants qui en sont issus n’a encore terminé son cursus : il est trop tôt pour en faire le bilan, trop tôt pour envisager de la faire évoluer. Le Collège n’envisage pas de nouveau métier mais espère plutôt une valorisation de la compétence ORL requise pour les explorations audio-vestibulaires développées par des plateaux techniques aux équipements modernes. Maintenant, charge aux enseignants de promouvoir cette option du DES qui permet d'acquérir des compétences et des connaissances tout à fait solides, nécessaires et suffisantes pour répondre aux besoins de soins courants.
Au-delà de ces questions, quels sont vos défis pour les cinq années à venir ?
Ma première ambition est de poursuivre le suivi des réformes des études de santé, et notamment le pan simulation. Un autre enjeu majeur est de maintenir ce dialogue fluide avec les autres instances de l’ORL, sous l’égide du CNP. Ces échanges sont capitaux pour faire avancer et défendre notre discipline dans toute sa diversité. L’ORL est une spécialité particulière, forte de ces surspécialités et de cet aspect médico-chirurgical. Nous devons continuer notre travail pour préserver cette spécificité. À ce titre, l’audiologie reste une activité prisée par nos collègues mais il convient sûrement de mieux la valoriser. Le Collège français d’ORL continuera son enseignement au cours de la formation professionnelle. Notre rôle est de conserver cette richesse intrinsèque. Pour cela, le Collège est une espèce de plaque d’intégration de tous les profils géographiques, de modes d’exercices, de spécialités.