« Dix ans après sa création, la Fnéa présente sa contribution au projet de réingénierie »

La Fédération nationale des étudiants en audioprothèse (Fnéa) fête ses dix ans cette année. L’occasion de jeter un coup d’œil dans le rétro avec deux de ses présidents, le tout premier, Jordan Claude, et l’actuel, Josselin Masset. Et d’évoquer la contribution aux travaux de réingénierie récemment publiée.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
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Josselin Masset et Jordan Claude, l'actuel et le premier présidents de la Fnéa.

Pourquoi avoir créé la Fnéa il y a dix ans ?

Jordan Claude : C’était avant tout pour porter la voix des étudiants dans les discussions et notamment, déjà, celles concernant la réingénierie de la formation en audioprothèse et l’universitarisation du diplôme. À l’époque, il n’y avait aucune consultation des futurs diplômés sur ces sujets et nous avions l’impression que les choses se faisaient sans nous. À Lyon, nous avions la chance d’être plus intégrés à l’université que les étudiants d’autres écoles et nous pouvions nous rendre compte de notre manque d’implication dans ce type de dossiers en comparaison des jeunes d’autres filières.

Nous avons ainsi fédéré les bureaux des associations d’étudiants de toutes les écoles de l’époque (elles étaient six en 2013, NDLR ) et créé un véritable réseau. Nous souhaitions avoir voix au chapitre sur tout ce qui concernait l’enseignement, l’ouverture de nouveaux établissements et le numerus clausus, qui a été l’un de nos dossiers les plus importants.

Quel regard portez-vous sur son évolution ces dernières années ?

Jordan Claude : La Fnéa a gagné sa place auprès des instances de la filière. Années après années, les bureaux successifs ont fourni un important travail. La fédération a pris de l'envergure et est désormais consultée sur les sujets phare. Nous ne jouons plus dans la même cour entre la première équipe et l’actuelle, bien que nous ayons eu le souhait à l’époque d’être reçus par le ministère pour parler de la réingénierie ; nos demandes n’avaient alors pas abouti.

Josselin Masset : En effet, si la Fnéa est une instance reconnue maintenant, ça n’a pas toujours été le cas. À ses débuts, elle n’était pas vraiment prise au sérieux. Aujourd’hui, nous sommes fiers de la création, au sein du bureau, d’un poste de chargé des affaires académiques et sociales, porté par Lilou Agogué, alors qu’on nous rétorquait à l’époque que les étudiants n’étaient pas légitimes pour se mêler de ces sujets...

Cette reconnaissance progressive est liée notamment à une meilleure représentativité : l’augmentation du nombre d’écoles et d’étudiants nous rend plus audibles. Mais elle est surtout à porter au crédit du sérieux et de l’implication des précédents bureaux. Sans cela, l’exposition médiatique dont nous bénéficions aujourd’hui, notre participation aux manifestations du secteur ou notre collaboration avec le CNA et le SDA n’auraient pas été concevables.

Nous appelons de nos vœux la mise en place d’un examen final à l’échelle nationale.

Josselin Masset

Quels enjeux vous semblent importants aujourd’hui ?

Jordan Claude : Au-delà de la réingénierie, c’est la protection de la profession au sens large qui me semble l’enjeu essentiel. D’un côté, de nouvelles écoles se créent en France et les instances s’organisent pour améliorer les formations initiale et continue des audioprothésistes ; de l’autre, une masse d’étudiants se forment en Espagne pour contourner le système et inondent le marché. On voit également les cas de fraudes et d’exercice illégal se multiplier et, pour le moment, rien n’est fait pour les contrecarrer…

Josselin Masset : La problématique de la « filière espagnole » est délicate. Pour le moment, nous nous concentrons sur le projet de réingénierie mais nous espérons que des solutions découleront de ces travaux. La mise en place d’un examen final à l’échelle nationale – que nous appelons de nos voeux – pourrait sans doute apporter des réponses en imposant, avant toute autorisation d’exercice, la même épreuve aux diplômés des écoles étrangères.

Un autre sujet, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer lors des derniers EPU, est la mise en place d’un ordre [lire également notre dossier Un ordre des audios est-il à l'ordre du jour ?]. Nous y sommes plutôt favorables, notamment pour un meilleur encadrement des pratiques et de la publicité. Nous avons publié un communiqué, fin 2021, à ce sujet en réaction à la multiplication des campagnes publicitaires relayant des pratiques commerciales irresponsables, allant à l’encontre de l’éthique du métier d’audioprothésiste. Nous avons à cœur de participer aux discussions sur l'éventuelle mise en place d'une telle instance.

Mais, notre principale préoccupation est l’évolution de notre formation. Il nous semblait légitime que les premiers concernés puissent donner leur avis. Dix ans après la création de la Fnéa – dont le fondement était précisément de participer à ces travaux –, nous produisons une contribution au projet de réingénierie.

Quelle en a été la méthodologie ?

Josselin Masset : Ce travail a été réalisé après un sondage des étudiants mais aussi des jeunes diplômés, qui ont à la fois un regard frais et du recul pour signaler les connaissances manquantes dans l’exercice de leur métier. Nous avons recueilli environ 300 réponses.

Notre contribution a pour objectif principal de faire avancer concrètement cette réingénierie. Nous souhaitons être un élément moteur des travaux en faisant entendre la volonté des étudiants et en enrichissant les débats de leurs expériences concrètes, pour aboutir à une formation optimale des futurs audioprothésistes.

Quelles sont vos revendications principales ?

Josselin Masset : Nous soutenons avant tout le passage au grade licence. Cela suppose d’augmenter considérablement le nombre d’heures de cours. Mais, nous souhaitons que cela se fasse au profit d’enseignements garantissant un apport de connaissances utiles à la pratique actuelle de l’audioprothèse.

Les réponses des étudiants montrent qu’ils veulent être davantage formés sur les réglages, les embouts ou encore sur la prise en charge psychologique et administrative des patients. Ils attendent plus de travaux pratiques et d’études de cas. En revanche, ils suggèrent de réduire le nombre d’heures dévolues au stage en service hospitalier de première année, qu’ils jugent un peu trop long, et de supprimer celui de gériatrie pour le remplacer par des cours théoriques axés sur la prise en charge du sujet âgé.

Les réponses à notre sondage montrent également que les étudiants souhaiteraient que le passage au grade licence s’accompagne de la possibilité de rattraper les examens ainsi que de l’ajout au programme de l’Attestation de formation aux gestes et soins d'urgence (AFSGU), qui est d’ailleurs normalement obligatoire dans les filières de santé.

De même, l’intérêt de l’universitarisation de la formation est de permettre la poursuite des études en master voire doctorat. Cette voie doit être développée pour offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent de se spécialiser sur des sujets peu abordés lors du parcours initial comme la pédiatrie, le réglage d’implant et la prise en charge des patients acouphéniques et hyperacousiques. Cela participerait à une valorisation de la profession et de ses compétences.

Plus globalement, nous demandons une uniformisation de la formation, sur le fond et sur la forme.

En effet, les programmes diffèrent selon les écoles…

Josselin Masset : C’est ce qui ressort de notre travail. Nous avons comparé les enseignements dispensés par les différentes écoles et il apparaît qu’il existe des disparités très fortes. Par exemple, selon les retours des étudiants, l’école de Cahors ne prévoit aucune heure de travaux pratiques en première année quand ils représentent le quart du programme à Bordeaux ou Fougères. L’idée n’est évidemment pas de gommer les spécificités des écoles ni de formater les futurs professionnels, mais de leur donner à tous une base de connaissances communes.

Ce souhait d’uniformisation s’étend également aux modalités d’admission. Les étudiants aimeraient la mise en commun de la gestion des dossiers via Parcoursup. Les postulants s’acquitteraient ainsi une seule fois des frais de dossier au lieu de quatre fois aujourd’hui (pour la réalisation des neuf voeux). Ce qui limiterait les dépenses et assurerait l’égalité des chances pour tous.

Vous plaidez également pour une indemnisation des stages.

Josselin Masset : Nous nous sommes pour cela inspirés du modèle des étudiants en pharmacie. Nous proposons la mise en place d’une indemnité obligatoire et normée qui permettrait aux étudiants un plus large choix dans le lieu de stage. Les frais engendrés pour les déplacements, le logement et la restauration ne devraient pas être des freins. Un taux horaire pourrait ainsi être calculé sur la base de coefficients définis en fonction de l’année d’étude et du nombre d’heures effectuées.

La profession est mise à mal aujourd’hui par certains acteurs. Je pense que sa préservation passera par l’obtention du grade licence, l’augmentation du nombre d’heures de cours et l’élévation du niveau.

Jordan Claude

Avez-vous bon espoir de voir enfin avancer les travaux de réingénierie ?

Jordan Claude : Nous avions créé la Fnéa pour cela il y a dix ans et force est de constater que, pour le moment, rien n’a bougé. Néanmoins, l’équipe actuelle fournit un travail très costaud et j’ai toujours l’espoir que la formation s’améliore. La profession est mise à mal aujourd’hui par certains acteurs. Je pense que sa préservation passera par l’obtention du grade licence, l’augmentation du nombre d’heures de cours et l’élévation du niveau.

Josselin Masset : Nous avons adressé notre contribution au ministère de l’Enseignement supérieur ; j’espère qu’elle sera prise en considération. Lors de son intervention à l’occasion du 26e EPU, le conseiller scientifique et pédagogique de la DGESIP, François Couraud, a annoncé que les travaux allaient démarrer très prochainement et qu’ils impliqueraient des représentants des étudiants. Nous attendons leur retour.

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