La mission Igas sur la filière auditive est lancée

Elle était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. La lettre qui déclenche la mission sur l’organisation de la filière auditive a été adressée par les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Elles devraient livrer leur rapport à la rentrée. Le Pr Lionel Collet révèle les enjeux de ce travail, annonciateur de changements profonds.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Mission Igas sur la filiere auditive

Audiologie Demain : Vous l’appeliez de vos vœux de longue date1,2, que peut-on attendre de cette mission ?

Pr Lionel Collet : Je souhaite depuis longtemps que soit initiée une réflexion sur l’organisation de la filière auditive. Je suis heureux qu’elle soit officiellement lancée. Il s’agit d’une inspection de très haut niveau, confiée à la responsabilité de l’Igas mais également de l’IGÉSR (Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche), qui avaient déjà publié en 2015 un rapport remarquable mené par Dominique Voynet sur la filière visuelle3. La lettre de mission couvre l’ensemble des domaines qu’il me paraît essentiel d’analyser : le 100 % Santé, les modes d'exercice, la formation et les pratiques professionnelles. Elle doit aboutir à la publication de recommandations et devrait répondre à quelques questions simples : quel parcours de soins pour tenir compte des technologies nouvelles et de la démographie des professionnels de santé ? Comment assurer l’accès sur tout le territoire à une prise en charge audiologique pouvant conduire à une primo-prescription ? Quel niveau de formation des ORL et des audioprothésistes ? Les maquettes de formation sont-elles adaptées aux nouvelles exigences du 100 % Santé, notamment en matière de bilan approfondi ?

La réforme a entraîné une augmentation significative du nombre d’aides auditives vendues ; c’était là son ambition. Et, s’il est important que les audioprothésistes puissent procéder à leur adaptation, il est indispensable de s’assurer de la qualité des réglages et du suivi et ce, pendant quatre ans. La mission doit notamment évaluer si la télétransmission du suivi est un indicateur suffisant.

AD : Vous évoquez la problématique de la démographie des professionnels, les effectifs sont-ils suffisants pour répondre à l’afflux de patients lié au 100 % Santé ?

LC : Nous atteindrons probablement 1,2 million d’aides auditives vendues cette année. Sachant qu’un audioprothésiste adapte environ 250 prothèses par an, cela signifie qu’il faudrait près de 5 000 professionnels pour couvrir les besoins en France. Or, ils sont à peine 4 000 aujourd’hui. J’ai toujours soutenu l’existence d’un numerus clausus mais nous l’avons établi au début des années 2010, à l’aune du volume d’aides auditives vendues de l’époque. L’explosion des ventes amène à reconsidérer les quotas pour augmenter le nombre d’audioprothésistes. Or, je ne suis pas convaincu que l’on puisse, à l’heure actuelle, former en France beaucoup plus de professionnels. Cela suppose d’intégrer la formation des étudiants étrangers dans l’équation en questionnant sa qualité ou d’envisager l’introduction d’une profession en soutien comme des techniciens ou l’équivalent des infirmiers en pratique avancée.

Quant à la question de l’allongement de la durée des études, elle se heurte au fait que l’on ne peut pas se permettre d’attendre deux ans sans sortir de diplômés... C’est une problématique importante dont doit s’emparer la mission.

AD : Quelle est la valeur d’un rapport de l’Igas ?

LC : Celle d’une analyse indépendante menée par les services publics. Les recommandations d’une inspection ont souvent valeur de feuille de route pour le politique. N’oublions pas que nous sommes à quelques mois des élections présidentielles. Le président de la République ne pourra pas ne pas valoriser une réforme à porter à son crédit ni s’assurer qu’elle est bien mise en place.

Ces recommandations seront vues de près et je ne serais pas étonné qu’elles soient rapidement mises en œuvre si leur faisabilité est démontrée. Cette mission a une extrême importance et peut augurer de changements majeurs pour la filière auditive.

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