l’Igas veut « refondre l’articulation entre les professions de santé »

Dans un rapport qu’elle a rendu au ministère de la Santé début janvier, initialement axé sur les infirmières en pratique avancée, l’Igas plaide pour une réorganisation de l’ensemble des professions de santé. Un avis qui fait écho à certaines recommandations de la mission Igas/IGÉSR sur la filière auditive. Deux solutions sont avancées pour amorcer la réflexion : la création d’une instance de concertation ou une convention citoyenne.

Par Bruno Scala
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La délégation de tâches a décidément le vent en poupe. Après le récent rapport du député Cyrille Isaac-Sybille qui portait sur cette thématique (lire notre article « Les audioprothésistes pourraient jouer un rôle plus important au sein de structures médicales », AD#17) ou encore celui de la députée Annie Chapelier sur l’universitarisation des professions de santé qui l’évoquait (lire notre article Formations paramédicales : tergiversations autour de l'universitarisation, AD#19), voici un rapport de l’Igas – intitulé « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », et publié le 5 janvier – qui en fait également la promotion.

Initialement, la mission confiée à l’Igas portait sur les interactions entre médecins généralistes et infirmières en pratique avancée. Un sujet qui pourrait d’ailleurs intéresser le secteur de l’audition, puisque l’Igas plaide pour une évolution de cette notion et la reconnaissance juridique des infirmières en pratique avancée comme une profession intermédiaire – ce qui, dans les faits, est déjà le cas. C’est également le souhait de la députée Annie Chapelier qui indiquait, dans l’interview qu’elle nous a accordée, vouloir déposer un projet de loi visant à étendre la qualification de « pratique avancée » à d’autres professions.

Un rapport peut en cacher un autre

Cette position concernant les infirmières fait écho à un autre rapport, celui sur la filière auditive publié début janvier par l’Igas et l’IGÉSR [1]. Les inspections recommandent en effet de « favoriser le travail aidé en faveur des ORL libéraux et permettre la délégation de tâches simples des ORL aux infirmiers dans les zones sous-denses. » Parmi les tâches citées dans le rapport, l’extraction des bouchons de cérumen, pour l’instant réservée aux seuls médecins, semble effectivement délégable. Mais la mission cite également les explorations fonctionnelles : « Afin de sécuriser [leur] qualité, le niveau de formation et de compétences des IDE serait adapté. » Elle note néanmoins que cette délégation de tâches ne profiterait qu’aux professionnels disposant « d’un volume d’activité suffisant pour rentabiliser un investissement dans des ressources humaines de ce niveau », donc uniquement ceux exerçant en maison de santé ou cabinets de groupe. À ce sujet, les inspecteurs considèrent d’ailleurs que pour remédier à ce problème, il serait nécessaire de revoir le modèle économique des ORL qui, en l’état actuel de la nomenclature et des règles de cotation, ne peuvent dégager de marges suffisantes pour recruter. Comme s’en plaignent les représentants des ORL, les actes n’ont en effet pas été revalorisés depuis 20 ans.

Les inspecteurs se sont en revanche prononcés en défaveur d’une délégation de tâches des ORL vers les audioprothésistes – hormis dans le cadre d’une spécialisation de ces derniers via un master. Mais ils se sont penchés sur l’articulation entre les audioprothésistes et leurs assistants ou techniciens. Ainsi, selon eux, « il serait opportun, dans le contexte actuel de pénurie de personnels et de forte croissance de la demande, de bien préciser ces tâches et d’étendre à cette occasion [le] champ de compétences [des assistants] à la réalisation d’audiométries ». C’est pour cela que les inspecteurs recommandent de « préciser par décret les compétences respectives des [uns et des autres]. »

Revoir la structuration des professions de santé

Mais les délégations de tâches ne sont-elles pas des sortes de sparadraps que l’on mettrait sur un système de santé à réformer ? Dans leur rapport (celui sur les partages de compétences) et après avoir interrogé de nombreux acteurs du secteur, les inspecteurs de l’Igas laissent entendre qu’elles ne seraient sans doute pas suffisantes et qu’une réorganisation bien plus large est nécessaire. Ils se sont en effet interrogés sur « la pertinence de l’organisation des professions de santé et la cohérence des systèmes qui fondent les relations entre ces professions », expliquent-ils. Et d'ajouter : « La mission considère qu'une réflexion est incontournable sur la refonte de la structuration des professions de santé dans le Code de la santé publique, dans le contexte de l’essor des coopérations interprofessionnelles et de la montée en compétences des professionnels paramédicaux. »

Création d’une instance de concertation

Pour que cette réorganisation puisse être amorcée, l’Igas propose deux scénarios. « Le premier consiste à accompagner une refonte de l'articulation et du partage de compétences entre toutes les professions, replaçant chacune sur sa valeur-ajoutée en s'appuyant sur une instance présidée par une personnalité qualifiée ». L’Igas fait en effet le constat que « le cloisonnement actuel des dispositifs de gouvernance des professions médicales et paramédicales ne facilite pas le rapprochement des points de vue ni l’appréhension globale des impacts de l’évolution d’une compétence d’une profession sur les autres professions de santé ».

L’instance imaginée par l’Igas se situerait en amont du Haut conseildes professions paramédicales (HCPP), qui n’a pas d’équivalent pour le médical, et assurerait la concertation interprofessionnelle sur les évolutions et le partage des compétences entre les professions de santé. Elle serait « composée des représentants des différents CNP et du collège de médecine générale, des conseils nationaux des ordres professionnels, des étudiants et internes médicaux et paramédicaux, et de représentants des patients ».

Une convention citoyenne

Pour plancher sur l'épineuse entreprise de la réorganisation des professions de santé, l’Igas propose un deuxième scénario : la mise en place d’une convention citoyenne. Cela constituerait, pour les inspecteurs, le moyen de dépasser les corporatismes, et « semble conjuguer l'indispensable extériorité du point de vue et la recherche d'une véritable démocratie sanitaire ». Par ailleurs, étant donné le contexte actuel, l’Igas estime que les citoyens « ne comprendraient pas que des décisions qui déterminent à ce point leur parcours de soins soient prises sans les impliquer fortement ». La dernière convention citoyenne, sur le climat, avait néanmoins montré les limites d'un tel scénario, les recommandations du panel ayant été globalement ignorées.

Suite à la remise de ces travaux, le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé qu’Olivier Véran recevrait les représentants des professions médicales concernées dans les prochaines semaines « pour échanger sur les conclusions du rapport ».

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