Un 44e congrès des audioprothésistes à forte tonalité politique

L’édition 2024 du congrès des audioprothésistes était résolument tournée vers demain. Des introductions des invités d’honneur – le président de la HAS, le Pr Lionel Collet, et le député François Gernigon –, en passant par les tables rondes organisées par le SDA et le Snitem sur l’accès aux soins, ou encore les nombreuses démonstrations du dynamisme des différents acteurs... l’événement traduit la nécessité pour la filière d’embrasser de nouvelles évolutions afin de se montrer à la hauteur de l’enjeu de santé publique qu’est l’audition.

Par Ludivine Aubin-Karpinski et Bruno Scala
Congres SDA 2024 Palais des congres
Le 44e congrès des audioprothésistes s'est tenu les 28 et 29 mars au Palais des congrès de Paris.

« La HAS et le monde de l’audiologie doivent s’irriguer mutuellement »

Congres SDA 2024 Collet pupitre
Cette 44e édition a été inaugurée par un invité d’honneur, le président de la HAS, le Pr Lionel Collet. Dans son discours introductif, celui-ci a estimé que « la HAS et le monde de l’audiologie [devaient] s’irriguer mutuellement ». Et de lister les différents points de rencontre. Le premier de ces rendez-vous possibles est l’innovation. « Aucun produit de santé n’est remboursé sans avis de la HAS, a-t-il expliqué. Il serait bon qu’un [fabricant d’aides auditives] demande à être évalué, par une évaluation clinique. Je n’ai aucun doute sur l’efficacité de l’appareillage. Mais ce n’est pas parce qu’une chose est vraie qu’elle ne doit pas être démontrée. »

Le Pr Collet a ensuite adressé un message aux professionnels du secteur et livré le mode d’emploi pour saisir l’instance qu'il préside. « Si la question [de la délégation de l’audiométrie diagnostique aux audioprothésistes] arrive, ce sera la HAS qui sera amenée à l’évaluer. Le ministre ne pourra pas modifier l’arrêté de 1962 qui réserve cet acte aux médecins, s’il n’y a pas, à un moment donné, un avis de la HAS pour dire qui peut ou non le pratiquer. »

De même, il a rappelé l’absence de recommandations de bonnes pratiques concernant l'appareillage auditif et clairement invité la profession à saisir la HAS pour combler cette lacune : « À vous d’être exigeants sur la qualité et de demander à la HAS d’évaluer cette qualité. Et la HAS le fera, soit parce que vous allez la saisir, soit parce que nous allons nous autosaisir. S’il y a des souhaits, il suffit qu'une société savante nous le demande, nous l’examinerons. » (Lire notre Entretien avec le Pr Lionel Collet)

« La création d’un ordre des audioprothésistes est une nécessité »

Congres SDA 2024 Gernigon
François Gernigon, député du Maine-et-Loire, est personnellement concerné par la cause de la santé auditive, comme il l’a rappelé en introduction de son intervention : un neurinome a été détecté sur son nerf auditif alors qu’il était âgé de 38 ans, provoquant acouphènes et perte auditive. Il avait, fin 2023, déposé plusieurs amendements relatifs à la santé auditive dans le cadre du PLFSS pour 2024.

Lors de son intervention au congrès, il a donné son avis sur les sujets qui agitent le secteur, en premier lieu la fraude, « un souci majeur », « un coup dur pour l'image de [la] profession ». « L'idée de la création d'un ordre des audioprothésistes n’est pas juste une proposition parmi d’autres, a déclaré le député. C'est une nécessité, je pense, pour concrétiser cette vision [garantir qualité et crédibilité]. »

Autre sujet « crucial », la délégation de tâches. « Les médecins ORL sont débordés réduisant le temps disponible pour les nombreux patients. Dans ce contexte, votre rôle peut et doit s'étendre, a estimé le député. En prenant en charge certaines tâches comme des bilans auditifs, nous pouvons libérer du temps médical précieux. Ce n'est pas seulement une question d'efficacité, c’est aussi une question de qualité de soins : en intervenant plus tôt et plus fréquemment, nous pouvons jouer un rôle actif dans la prévention et dans la gestion plus immédiate des problèmes auditifs, évitant ainsi la dégradation qui deviendrait plus coûteuse et plus difficile à traiter. 74 ans d’âge moyen pour un premier appareillage, c’est trop tard ! »

Focus sur le premier Baromètre de la distribution en audioprothèse

Congres SDA 2024 Barometre
Bruno Scala, rédacteur en chef d’Audiologie Demain, a présenté le premier Baromètre de la distribution en audioprothèse, réalisé avec le cabinet Veltys, spécialisé dans l’intelligence des données, sur la base des données de l’Annuaire de l’audition. Le directeur de la Practice Santé de Veltys, Arthur Souletie, a ensuite réalisé plusieurs zooms permettant de rappeler les principaux enseignements et résultats de cette analyse, que nous vous avions présentée dans un précédent dossier.

Il ne fallait manquer aucune session de cette 44e édition mais la table ronde organisée par le SDA sur l’accès aux soins en présence de Julie Pougheon, de la DGOS, et la Dr Sophie Kelley, de la Cnam, était incontournable tant elle a réservé d’annonces majeures pour le secteur (lire notre article La DGOS fait plusieurs annonces choc pour le secteur de l’audio).

Des stands récompensés

Congres SDA 2024 prix stands web
Les exposants ont encore fait assaut d’originalité pour leurs stands. Des efforts salués par un prix décerné par les visiteurs, qui ont voté via l’appli du Congrès. C’est Prodition et son stand réunissant ses différentes marques (Oticon, Oticon Medical, Bernafon, Philips et Diatec) qui a de nouveau décroché le premier prix, remis à son directeur général, Cédric Perry.
À la deuxième place : Audition Conseil et son stand reproduisant un laboratoire pour une expérience 100 % immersive (en photo : Jorge Dos Santos Neves, nouveau directeur général du groupe Audition Conseil, et Sylvie Sabatucci, directrice du réseau).
La troisième place a été attribuée au stand de Biotone-Rexton et remis à sa responsable marketing, Aurélie Baudoin.

Parcours de soins : vers une expérimentation dans les zones sous-denses

Congres SDA 2024 snitem
La table ronde organisée par le Snitem, et modérée par notre directrice de la rédaction, Ludivine Aubin-Karpinski, réunissait Guillaume Joucla et Fabrice Vigneron, représentant le Snitem, la Pr Cécile Parietti-Winkler, ORL et présidente du collège de la spécialité, Didier Bouccara, ORL et formateur en otologie médicale, et Brice Jantzem, président du SDA. L’objectif : esquisser des solutions pour répondre à la difficulté d’accès aux prescripteurs d’aides auditives, les ORL. Car le constat – connu de longue date – a été rappelé : la population de ces spécialistes se réduit, tandis que les besoins augmentent. La Pr Parietti-Winkler a toutefois tenu à tempérer les propos visant à noircir la situation : « Comment, si ce système est si mal en point, est-il possible que la France soit l’un des pays avec le meilleur taux d'appareillage au monde ? », a-t-elle questionné, invitant à réfléchir aux solutions pour faire « mieux » plutôt que « plus ». Brice Jantzem lui a répondu que l’augmentation des ventes d’aides auditives concernait une période durant laquelle les médecins généralistes étaient encore autorisés à primo-prescrire, mais que depuis que cette autorisation avait pris fin, le marché stagnait. Et pour cause, les MG s’intéressent assez peu à la formation en otologie médicale, comme l’a rapporté le Dr Didier Bouccara : « Il y a probablement une appétence, mais j’ai l’impression que la barrière est beaucoup trop haute pour les généralistes, parce qu’ils doivent faire un investissement en temps, en matériel, en disponibilité. » Entre 30 et 130 MG, selon les sources, sont aujourd’hui formés.

Le groupe de travail constitué du CNP d’ORL, du Synea, du SDA et du CNA s’est penché sur ce défi organisationnel et défini une population-cible – les patients de plus de 60 ans suspects de presbyacousie – et un périmètre – les déserts médicaux –, autrement dit les patients résidant à plus d’une heure d’un ORL ou devant attendre plus de 6 mois pour un rendez-vous avec un spécialiste. Un parcours de soin spécifique, dérogatoire à la réglementation actuelle, est en cours d’élaboration pour ce public, qui mêlerait délégation de tâche et téléaudiologie. « Un accès au parcours de soin par l’intermédiaire de l’audioprothésiste est envisageable », a expliqué l’ORL nancéienne, tandis que Brice Jantzem a précisé : « Les consultations seront basées sur la téléconsultation des ORL à distance et sur la base d’un audiogramme qui pourrait être réalisé par un audioprothésiste », mais avec « le médecin traitant toujours au cœur du parcours de soin », a insisté la Pr Parietti-Winkler.

Malgré l’insistance de notre directrice de la rédaction, l’ORL n’a pas fourni davantage de détails sur ce dispositif, ni de calendrier, rappelant qu’il y aurait des garde-fous, comme la rédaction d’une charte qualité, des comités de suivi loco-régionaux, etc. Une fois le protocole finalisé, une demande d’article 51 sera déposée.

La table ronde, qui s’est déroulée dans une ambiance parfois tendue, s’est terminée sur les propos consensuels et apaisés de Guillaume Joucla, qui s’est réjoui de la constitution de cet article 51 : « Nous sommes tous d’accord sur le constat : il y a une problématique dans certains territoires. »

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