Article mis à jour le 13 juillet 2022
Ses résultats étaient connus du secteur ; ils sont aujourd'hui rendus publics. L'enquête de la DGCCRF, débutée en octobre 2020 et qui s’est poursuivie tout au long de l’année 2021, tant dans le secteur de l’optique que de l’audioprothèse, révèle qu’un
certain nombre de professionnels ne joueraient pas le jeu du 100 % Santé. Plus de 1 000 contrôles ont ainsi été réalisés, auprès de plus de 700 opticiens et d’audioprothésistes dans toute la France et ont permis de relever un certain nombre d’« anomalies ». 514 établissements contrôlés ont ainsi été jugés « non conformes ». Près d’un quart des suites données par la DGCCRF concernent des « manquements directement liés à la réforme », comme des modèles de devis normalisés modifiés ou des documents faisant apparaître « de manière anormale » un reste à charge pour l’offre « 100 % Santé », « ce qui avait pour effet de détourner les consommateurs de cette offre », indique la DGCCRF.Les enquêteurs ont constaté, dans de plus rares cas, des pratiques de dénigrement de l'offre 100 % Santé, présentée comme une « offre basique » ou « bas de gamme ». La DGCCRF cite même le cas d’« une enseigne nationale » ayant diffusé en interne un document proposant des éléments de langage pour pousser les clients vers l’offre à tarif libre.
Quelques exemples de cas relevés par la DGCCRF
Parmi les cas de non-conformités relevés par les enquêteurs de la DGCCRF et recensés dans leur rapport, qu'Audiologie Demain a pu constater, figurent notamment :
- La mention incorrecte d’un reste à charge non nul pour le « 100 % Santé : comme le rappelle la DGCCRF, les professionnels n’ont pas l’obligation de préciser les conditions de prise en charge par les complémentaires santé s’ils ne les connaîssent pas (les modèles de devis prévoient la mention « si connu »), mais, dans ce cas, ils ne doivent pas mentionner de reste à charge étant dans l'impossibilité de les calculer. Le contraire laisse supposer à tort aux patients qu'ils ont un reste à charge avec l'offre 100 % Santé.
- La substitution et/ou l'altération du modèle de devis par un modèle propre à l'enseigne, un ancien modèle ou encore une « synthèse ». Pour rappel, les devis doivent respecter le fond et la forme des nouveaux modèles de devis normalisé. Ils doivent ainsi présenter à la fois l’offre « 100 % Santé » et de l’offre à tarif et les professionnels doivent également renseigner le devis en respectant son formalisme. Ils doivent être signés par les deux parties, une copie étant remise au patient, une archivée.
- Un défaut de description de l'offre 100 % santé voire une communication dévalorisante entourant cette offre. Si la DGCCRF indique avoir constaté de telles pratiques lors d'un « contrôle du siège social d’une société commercialisant des audioprothèses, elle reconnaît que « seuls 4 % environ des professionnels contrôlés ont tenu aux enquêteurs un discours dévalorisant les offres "100 % Santé", fondé essentiellement sur la qualité des équipements », présentés comme « grossiers » ou d'un « niveau limité de technologie ». Les enquêteurs relèvent que la perception des professionnels des produits de classe I est « clairement » celle d'un « produit d’appel ». Bonne nouvelle : ils précisent toutefois avoir constaté « quelques bonnes pratiques ».
- Exercice illégal ? La DGCCRF a également observé ce qu'elle nomme des « défauts de qualifications professionnelles », à savoir des rendez-vous pris en dehors des jours de présence d'un audioprothésiste ou encore la réalisation de tests auditifs et le réglage d’appareils auditifs par des non audioprothésistes. Ces manquements concernent 2 audioprothésistes, 6 professionnels « mixtes » et 10 opticiens.
L’enquête a permis de sanctionner les professionnels chez lesquels ont été constatées des « pratiques déloyales ». Au total, les contrôles ont abouti à 384 avertissements, 123 injonctions de mise en conformité, 32 procès-verbaux, pour les cas les plus sérieux. La DGGCRF juge ces pratiques « d’autant plus dommageables que le consommateur s’en remet généralement aux conseils et à l’expertise des professionnels » et que l’impact sur son pouvoir d’achat et sa santé peuvent être important.
Si l'enquête est révélatrice de l’application du dispositif 100 % Santé par les professionnels sur le terrain, elle n’interroge en revanche pas les pratiques au sens large et ne communique pas finement sur les cas relevant de l’optique de ceux relevant de l’audition. Selon nos sources, la plupart des cas concerneraient des centres d’optique : sur les 710 établissement contrôlés, seuls 163 seraient des centres d'audition et 100 auraient une activité mixte optique-audio. Au total, 26 actions correctives et 3 répressives auraient été déclenchées en audio.
Ce que confirmait le directeur de la Sécurité sociale, Franck von Lennep, lors du Débat « Qualité du suivi : les audios sur la sellette », co-organisé par Audiologie Demain et Audition TV : « Des campagnes de contrôle sur le 100 % Santé de la DGCCRF ont identifié un certain nombre de dysfonctionnements (…) et qui couvraient l’ensemble optique et audiologie. Nous avons fait l’hypothèse que cela concernait largement l’optique puisque ce secteur est celui qui est le plus loin de l’atteinte des objectifs. Mais il y a certainement aussi des cas qui concernent l’audiologie. Des sanctions ont été délivrées mais, là aussi, dans le secteur de l’optique. Et, il faudra, dans une deuxième étape, étendre aux audioprothésistes. » La DGCCRF a d’ores et déjà annoncé qu’elle reconduira ses contrôles en 2023.