Des décennies de recherche sur la perte auditive neurosensorielle et sa réhabilitation par prothèse et implant éclairent notre compréhension des conséquences perceptives de lésions cochléaires sur la compréhension de la parole en milieu urbain. Il n’en va pas de même pour l’audition des sons dits « naturels ». Tout paysage sonore naturel résulte de l’arrangement complexe de la biophonie (son collectif produit par les animaux) et de la géophonie (sons d’origine géophysique). Si l’écologie des paysages sonores et l’éco-acoustique nous permettent aujourd’hui de comprendre les processus écologiques à l’œuvre dans ces environnements naturels à partir des paysages sonores naturels qu’ils produisent, force est de constater que ni les sciences et neurosciences de l’audition, ni l’audiologie contemporaine ne se sont saisies de ces connaissances afin de mieux comprendre comment une personne malentendante maintient ou perd sa relation avec le monde « naturel ». Pourtant, l’écoute des « sons naturels » répond à un besoin fondamental.
Celui-ci n’est d’évidence pas considéré comme une priorité par rapport aux troubles de la communication parlée dans le bruit en milieu domestique, professionnel ou urbain. Par ailleurs, ce besoin n'est souvent mentionné par la personne malentendante qu'une fois appareillée.
Pour toutes ces raisons, nous avons conçu un programme de recherche interdisciplinaire liant pour la première fois les sciences de l’audition et l’écologie, ce afin d’explorer notre capacité à entendre les paysages sonores naturels et mettre en lumière les effets de la perte auditive cochléaire sur la perception que nous en avons. Cinq articles scientifiques publiés entre 2020 et 2023 par notre groupe de recherche ouvrent la voie à ce nouveau programme en « écologie auditive humaine ».