Dès les premiers appareillages auditifs, les tests cliniques audiométriques se sont avérés insuffisants pour rendre compte du handicap auditif vécu et perçu par le patient lui-même, ou pour évaluer le bénéfice de l’appareillage auditif. Le premier questionnaire d’auto-évaluation de la qualité de l’audition a été publié en 1964 et portait sur les « expériences auditives les plus fréquemment rencontrées par des personnes vivant dans un environnement urbain ». Depuis, de nombreux questionnaires ou PROMs (Patient reported outcome measures) ont été développés avec, en otologie [1], plus de 155 formes de questionnaires validés, dont 84 spécifiques à la perte auditive, provenant en majorité des États-Unis ou du Royaume-Uni, et seulement 11 disposant d’une traduction en français. Dans plusieurs rapports récents (2023), la Haute Autorité de Santé plébiscite l’utilisation de PROMs, considérée comme nouvelle en France. Néanmoins, la traduction et l'adaptation culturelle de ces questionnaires en français restent à ce jour encore limitées.
Une traduction et adaptation plus complexe qu’il n’y parait
Et pour cause : la simplicité apparente d'une mesure de type PROM cache un vaste processus de conception et formulation des items, de choix d'échelle et format de réponse, ainsi que la validation avec des analyses statistiques spécifiques au développement d’échelles. En outre, une traduction implique une adaptation culturelle avec, a minima, un comité de traduction impliquant les professionnels de santé ainsi que les patients et une étude pilote avant le processus de validation. Ainsi, seuls 7 questionnaires en français ont suivi un processus d’adaptation culturelle appropriée et seulement 4 études ont établi la comparabilité des questionnaires français avec leurs versions étrangères originales.
Les groupes de travaux internationaux de l’OMS, dans le cadre de la classification internationale du « Fonctionnement, du Handicap et de la Santé », ont défini un ensemble de 117 catégories d’items particulièrement pertinentes pour la perte auditive, dont la plupart appartiennent aux fonctions d'écoute et de perception auditive [2]. Ces études ont souligné le manque d’attention accordée à l'environnement social et attitudinal impliquant les membres de la famille proche du patient et l’absence de prise en compte de l’environnement sonore naturel [3]. Plusieurs revues [3,4] ont rapporté l’existence de multiples questionnaires avec peu de consensus sur les mesures à utiliser, le questionnaire le plus fréquent n’ayant été utilisé que dans 7 études sur plus de 120 analysées.
La perception de l’environnement sonore naturel : grande absente
Les items des PROM utilisés à l’échelle internationale et disposant d’une version en langue française (lire l’encadré), portent en majorité sur la perception de la parole dans différents environnements sonores mais plusieurs aspects sont négligés, en particulier la perception de la musique et les sons de l’environnement naturel. Pourtant, des aspects tels que « réentendre le chant des oiseaux » sont quelques exemples que les patients relèvent spontanément [3]. Dans une méta-analyse [5], Buxton et al. ont rapporté que les bruits d'eau avaient un effet bénéfique sur la santé, et que les sons d'oiseaux avaient une influence positive sur l’anxiété. Les bienfaits pour la santé de l'exposition à la nature sont bien documentés et les preuves d'un impact positif sur la santé des environnements sonores naturels se font jour, avec des effets réparateurs. D'un point de vue évolutif, la sensibilité du système auditif humain aux paysages sonores naturels est primordiale pour la survie, comme la détection de prédateurs ou la recherche d'eau, et est particulièrement robuste [6]. Du fait de l'importance du paysage sonore naturel pour le bien-être et la qualité de vie, il est important de garantir une perception précise de ces paysages sonores par les personnes malentendantes [7], surtout dans les zones rurales, où ces sons sont plus présents et peut-être plus pertinents pour ses habitants. Pouvoir se concentrer sur des expériences auditives positives, et non pas systématiquement sur des difficultés de communication, pourrait permettre d’améliorer le bénéfice perçu des appareils auditifs [8]. Plusieurs auteurs [9,10] préconisent une approche holistique centrée sur le patient, incluant ses spécificités et son environnement sonore, sans oublier ses proches, partenaires de communication, et ses attentes à l’égard de ses aides auditives. Ceci souligne le rôle fondamental joué par le professionnel de l’audition dans l’accompagnement du patient.