Cinq ans de prison requis pour le gérant de Moovaudio

Cinq ans de prison dont trois avec sursis avec obligation d’indemniser les victimes, une interdiction de gérer une entreprise pendant quinze ans. La peine requise contre Nicolas Perez, le gérant de Moovaudio, qui exerçait illégalement en Ehpad, est lourde. À hauteur des faits qui lui sont reprochés.

Par Ludivine Aubin-Karpinski

Article mis à jour le 7/12/2022

« Ne pas ajouter du malheur au malheur ». Telle était l’inquiétude exprimée par Arnaud Coez, à l’occasion du 26e EPU en audioprothèse, au sujet des dérives croissantes en Ehpad. L’affaire Moovaudio vient de nouveau accabler un secteur déjà bien ébranlé par le scandale Orpea. 

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Le gérant de la société basée à Eysines (33), Nicolas Perez, a comparu devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, fin novembre 2022, pour répondre de « pratiques commerciales trompeuses et exercice illégal de la profession d’audioprothésiste ». Le parquet a requis cinq ans de prison dont deux ferme. Le délibéré aura lieu le 9 janvier 2023.

Usurpation du logo de la CPAM

Profitant de l’effet d’aubaine du 100 % Santé, il se réclamait de la CPAM pour envoyer des agents commerciaux dans les Ehpad de France et de Navarre, qu’il faisait passer pour des audioprothésistes, et appareiller des résidents par fournées entières, depuis deux ans et demi (lire notre article Dérives en Ehpad). « "Agent co" c’est pour agent commercial. Ils ont le même rôle que les audioprothésistes. Mais sans… » Le juge lève les yeux : « Mais sans ? » « Ben sans les diplômes ni la formation… », rapportent nos confrères de Sud Ouest. Avec son épouse et un couple d’amis, dont l’une avait une expérience dans l’immobilier, Nicolas Perez, diplômé en optique, est à l’origine d’une escroquerie dont le préjudice est évalué à 1,6 million d’euros.

Le gérant de Moovaudio cumule les chefs d’accusation. Non content d’exercer la profession d’audioprothésiste illégalement, qui plus est en Ehpad alors que l'itinérance est interdite, il utilisait les coordonnées de vrais professionnels à leur insu pour obtenir les remboursements et usurpait le logo de la CPAM pour gagner la confiance des établissements et son ticket d’entrée auprès de leurs résidents. L’affaire était remontée aux oreilles de la CPAM après des plaintes d’un certain nombre de patients et avait mené à une enquête et une perquisition de la Brigade de répression du blanchiment et des escroqueries de la police judiciaire de Bordeaux en janvier 2022.

Une peine lourde

Selon l’article de Sud Ouest, Nicolas Perez encourt une peine de cinq ans de prison dont trois ans avec un sursis probatoire avec « obligation d’indemniser les victimes et une interdiction de gérer une entreprise pendant quinze ans, et une interdiction pendant cinq ans d’exercer une activité paramédicale ». Pour ces trois acolytes, le procureur requiert une peine de dix-huit mois avec sursis. Et, contre Moovaudio, une amende de 500 000 euros.

Des réquisitions lourdes, que justifie néanmoins Sébastien Baumert-Stortz, vice-procureur au Tribunal judiciaire de Bordeaux, interrogé par Audiologie Demain : « Elles ne relèvent d’aucune consigne d’aucun ministère. Ce sont l’étendue du préjudice – et notamment des sommes dépassant le million à l’égard de la CPAM –, les faits en eux-mêmes à l’égard de personnes en Ehpad, un nombre conséquent de victimes à travers tout le territoire et l’opposition de Monsieur Perez tout au long de la procédure – même si, à la fin, il a quand même reconnu –, qui ont justifié ces peines conséquentes ». Selon le vice-procureur, des particuliers – à hauteur d’une dizaine – se sont également constitués parties civiles, à l’instar de la CPAM. Il confirme que d’autres dossiers du même acabit sont en cours.

Rassurons-nous, le couple d’amis de Nicolas Perez a entamé une formation en Espagne pour obtenir un diplôme d’audioprothésiste, un vrai... Une démarche qui a poussé leur avocat à demander une certaine indulgence, comme le relève Sud Ouest : « Pour autant ne cassez pas tout ! ».

De la nécessité d'un encadrement

Si les faits vont au-delà d’un contournement de l’interdiction d’itinérance des audioprothésistes et relèvent de l’escroquerie aggravée – ce qui explique l’importance des peines requises –, ils illustrent la nécessité d’encadrer ces pratiques, pour répondre aux besoins des malentendants en Ehpad tout en garantissant leur protection. « Les faits de ce procès ne sont heureusement pas représentatifs de l'ensemble des acteurs et revêtent une gravité exceptionnelle », a commenté Luis Godinho, vice-président du SDA.
Lors du 26e EPU en audioprothèse qui s'est tenu les 25 et 26 novembre, Christian Renard, depuis longtemps engagé sur cette problématique, a enjoint les audioprothésistes « à se mobiliser et à participer à mettre en place un parcours spécifique pour la prise en charge de ces patients », véritable enjeu de santé publique (lire notre dossier De la nécessité d’encadrer l’appareillage en Ehpad).

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