« Il nous semble que le moment est important, que l’on est à un moment charnière pour toute la filière. Nous sommes face à un choix : continuer ce que l’on fait, améliorer, renforcer, ou bien défaire ou faire autrement », a déclaré Fabrice Vigneron, lors de l’introduction du premier « RDV avec l’audition » organisé par le Snitem. L’évènement, qui a réuni de nombreux représentants de la filière de l’audition, répondait à deux objectifs, rappelés par le président du groupe Aides auditives du syndicat : « Objectiver le marché français », notamment avec la présentation des résultats de l’étude EuroTrak 2025, et « discuter des enjeux et des défis et de ce qu’il faut faire pour l’avenir ».
La dissociation de nouveau sur le tapis
Comme l’ont exposé les différents intervenants au cours de ces rencontres, le 100 % Santé en audiologie a constitué un changement de paradigme pour la filière, entrainant des modifications profondes et qui nécessitent aujourd’hui à la fois de tirer les leçons et d’envisager quelques ajustements pour en améliorer encore la portée.
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Et c'est bien ce dont il a été question lors d’une table ronde qui a réuni Louis-Charles Viossat, l’un des auteurs du rapport Igas/IGÉSR sur la filière auditive, Maher Kassab, président-fondateur du cabinet Gallileo Business Consulting, le Pr Frédéric Venail, secrétaire général du Snorl, la Pr Cécile Parietti-Winkler, secrétaire générale adjointe du CNP ORL, Fabrice Vigneron et Guillaume Carval, l’adjoint au chef de bureau des produits de santé de la Direction de la Sécurité Sociale. Ce dernier a levé le voile sur le souhait des pouvoirs publics de remettre l’ouvrage sur le métier. L’acte 2 du 100 % Santé est clairement dans les tuyaux du ministère de la Santé. « Le contexte nous force à réfléchir aux moyens d’assurer une dépense pertinente, a-t-il indiqué. Nous devons trouver des pistes d’efficience, des économies potentielles, liées parfois à des baisses tarifaires. Comment peut-on améliorer les choses ? En révisant les spécifications techniques, les indications ? Il nous faut examiner la question des appareils surpuissants et les enjeux pour la population pédiatrique. Il y a des aménagements à faire, notamment pour s’assurer que la prestation de suivi est bien effectuée, et la dissociation doit être discutée. Parlons-en et voyons comment cela peut être fait ». Le spectre de la révision du caractère indissociable du prix de l’appareil et de la prestation pourrait donc bien s’incarner prochainement... Cette remise en question couve depuis longtemps ; elle gagne aujourd’hui en consistance. Et ce n'est pas la seule solution à l’étude : Guillaume Carval a également évoqué une réflexion en cours sur la « durée de vie » des appareils et l’allongement du délai de renouvellement – comme le souhaite La Mutualité Française – ainsi que l’abaissement du prix limite de vente, dans le but de garantir une dépense « soutenable » pour l’Assurance maladie. Des propositions que n’a pas reniées l’inspecteur de l’Igas. Louis-Charles Viossat a confirmé : « Les finances sociales sont extrêmement contraintes, donc il est temps de réfléchir à des formes de recentrage du 100 % santé. La recommandation d’enclencher la clause d'abaissement du prix limite de vente des appareils de classe I, qui figure dans le rapport de 2021, fait partie des pistes qui me paraissent d’actualité ».
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Défense du système forfaitaire
La profession se découvre ainsi une nouvelle raison de resserrer les rangs. Face à la menace de révision du modèle, les représentants des audioprothésistes ont présenté un front uni pour défendre un système forfaitaire qui a fait ses preuves et maintient le rôle central de l’audioprothésiste dans la satisfaction du patient. « Le succès de l’appareillage, c’est l’audioprothèse et l’audioprothésiste ensemble. Toucher à cela, c’est remettre en question la qualité, a mis en garde Fabrice Vigneron. Un bien plus grand levier pour améliorer les dépenses publiques serait de mettre l’accent sur le dépistage pour appareiller plus tôt. Il faut se méfier de décisions qui pourraient dégrader le niveau de service que l’on offre actuellement. »
Or, selon l’étude EuroTrak 2025, dont les résultats ont été dévoilés lors de ces Rencontres, 83 % des patients appareillés s’estiment satisfaits globalement. C’est un point de plus que lors de l’édition précédente, en 2022. « C’est extrêmement rare d’avoir un tel retour sur investissement en santé, a constaté Xavier Temmos, vice-président du groupe Aides auditives du Snitem. Surtout 97 % des patients déclarent une qualité de vie améliorée. Ça veut dire que globalement les gens dans cette pièce ont fait le travail. Bien sûr, il reste des choses à améliorer mais la satisfaction des patients en France est colossale ; c’est une des meilleures d’Europe ». Un argument que n’ont pas manqué de rappeler les représentants de la filière en faveur du maintien du modèle tarifaire actuel. La même unité prévalait dans l’expression de la volonté de tous d’améliorer la prise en charge des patients, réitérée à plusieurs reprises au cours de ces rencontres et résumée ainsi par la Pr Cécile Parietti-Winkler : « Appareiller plus, mais surtout appareiller mieux ».