Prise en charge audioprothétique des malentendants travaillant en milieu bruyant

Travailler dans le bruit pour un malentendant, c’est un peu la double peine. Si des solutions de protection existent pour les normoentendants, les travailleurs appareillés peuvent-ils bénéficier de programmes spécifiques les protégeant tout en leur permettant de communiquer ?

Par Adélaïde Mulfinger, audioprothésiste DE
bruit travail web

Les personnes malentendantes qui travaillent en milieu bruyant peuvent bénéficier d'une prise en charge audioprothétique spécifique. Les recommandations de réglages proposées par les professionnels de l'audioprothèse peuvent aider à améliorer leur capacité à entendre et à comprendre dans des environnements bruyants.

Pour rappel, le niveau d’exposition sonore ne doit pas dépasser 80 dBA sur 8 heures et, à partir de 85 dBA, des mesures de protection individuelle contre le bruit doivent être mises en place. En 2006, une législation concernant la protection des salariés contre le bruit a été instaurée afin de limiter les surdités professionnelles.

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Le bruit est une notion subjective car elle dépend de la sensibilité propre à chaque individu. On peut donc dire que tout son devient un bruit lorsque celui-ci devient désagréable. En revanche, nous savons qu’il peut avoir un effet délétère sur l’audition lorsque celui- ci dépasse une certaine intensité. C’est pour cette raison que les personnes évoluant en milieu bruyant doivent se protéger à l’aide de PICB (Protection Individuelle Contre le Bruit). En 2021, j’ai effectué des recherches pour mon mémoire intitulé « Prise en charge audioprothétique des malentendants appareillés travaillant en milieu bruyant : application des recommandations de réglages ». Ce mémoire s’est appuyé sur des recherches préalables menées par Jean-Damien Clauss, notamment sur l’atténuation passive apportée par les embouts des aides auditives en milieu bruyant. Cela a permis l’élaboration d’un tableau de recommandations sur le choix de l’embout en fonction du niveau de pression acoustique effectif pondéré A au fond du conduit, près du tympan (voir tableau ci-contre).

Grâce à ce travail, nous avons pu définir plusieurs pistes pour réaliser un appareillage. En ce qui concerne la protection, l’analyse des résultats du mémoire a permis d’affirmer l’effet protecteur obtenu par :

  • Le couplage acoustique qui, dans un premier temps, réduit significativement le niveau d’exposition sonore (environ 15 dBA sur les basses fréquences) et qui est en adéquation avec le tableau des recommandations de Jean-Damien Clauss, cité ci-dessus.
  • L’aide auditive, dans un second temps, qui limitera le gain du niveau de sortie grâce au réglage des MPO.

Comment appareiller un patient évoluant dans ces conditions de travail ?

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La première étape consiste à dresser un état des lieux de la situation des conditions de travail du porteur. Il faut connaître le niveau d’exposition au bruit du patient lors de son activité bruyante, ainsi que la gamme fréquentielle de la source sonore. Ces éléments permettront d’orienter le choix de l’embout. Car en aucun cas nous devons lui faire prendre le risque de se croire protégé. Il est préférable de sur-protéger en prenant un embout fond de conque sans évent.

Lorsque le choix de l’embout est fait, vient l’étape de la fabrication de l’embout. Afin de garantir l’étanchéité et d’éviter toute fuite, il est fortement conseillé que l’écouteur (si l’appareillage s’effectue en écouteur déporté) soit serti dans l’embout par le fabricant. L’apprentissage du patient à la mise en place de l’embout n’est pas à négliger. Il est important de s’assurer de sa bonne insertion et de son positionnement dans le conduit auditif.

Lors de mon étude, lorsque nous avons mesuré l’effet protecteur des deux embouts fond de conque faits sur mesure (un en silicone et un en acryl), nous avons constaté une perte d’efficacité de près de 15 dB dans les basses fréquences car l’un d’entre eux avait été mal positionné.

L’audioprothésiste doit s’assurer que le patient le manipule correctement en sa présence. Et ne pas manquer de lui expliquer l’importance de la manipulation et les risques qu’il encourt si l’embout est mal positionné.

Concernant le réglage de l’aide auditive, il faut brider les MPO à 85 dB afin de s’assurer que l’appareil ne délivre pas une intensité sonore excessive, et activer les algorithmes de réducteurs de bruit à leur maximum. Il faudra s’assurer par ailleurs qu’il n’y a pas de fuite acoustique sinon la protection ne sera plus contrôlée. Pour cela, seules les mesures in vivo permettent de mesurer l’intensité sonore restituée à la sortie de l’aide auditive dans le conduit auditif externe.

En pratique

La personne malentendante qui porte ses aides auditives adaptées pour un milieu bruyant, peut éprouver des difficultés à être satisfaite du confort et de l'apparence de ses appareils dans sa vie quotidienne. La solution idéale serait dans ce cas d'utiliser un double équipement :

  • Des appareils auditifs adaptés au quotidien, alliant performance, confort et esthétisme.
  • Et appareils supplémentaires avec des embouts étanches sur mesure pour assurer à la fois une bonne protection et une bonne qualité d'écoute.

Une alternative serait d'ajuster le couplage acoustique en fonction des besoins de la personne. Mais cela suppose du patient une bonne dextérité et nécessite un temps d’apprentissage avec l'audioprothésiste pour acquérir la méthode pour changer correctement l’embout de l’aide auditive.

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