Le congrès des audios tourné vers la deuxième étape du 100 % Santé

Entre emballement du marché et difficultés d’accès aux soins, le secteur de l’audioprothèse est travaillé par des enjeux contraires. Ces derniers ont marqué les conférences de la 43e édition du Congrès des audioprothésistes, qui s’est tenue les 16 et 17 mars au Palais des Congrès, à Paris.

Par Bruno Scala et Ludivine Aubin-Karpinski
ouverture congres

Science et politique

inauguration congres Giraud
La Pr Anne-Lise Giraud, directrice de l’Institut de l’audition, a inauguré la 43e édition du Congrès des audioprothésistes

Le SDA avait décidé de confier l’inauguration du 43e congrès des audioprothésistes à la Pr Anne-Lise Giraud, directrice de l’Institut de l’audition. Dans un entretien accordé à Audiologie Demain, Brice Jantzem expliquait : « Nous sommes des professionnels de santé avant tout. À ce titre, nous devons connaître les mécanismes physiologiques pour adapter les bons algorithmes. Donc, inviter des personnes directement impliquées dans l'étude des mécanismes physiologiques de la surdité et la recherche de thérapies innovantes, cela nous paraît essentiel. » Lors de son discours introductif, la scientifique a exposé les différents projets de son institut, et notamment ceux pour lesquels une collaboration avec les audioprothésistes est attendue, dans le cadre des activités du Centre de recherche en audiologie humaine (Ceriah), dirigé par le Pr Paul Avan.

Mais la teneur des débats du congrès était surtout politique. En ouverture du programme des conférences, Brice Jantzem a donné le ton : « Avec le 100 % Santé, nous sommes exposés à un risque d’emballement du secteur. Désormais, nous entrons dans une nouvelle ère, celle des contrôles, de l’encadrement ».

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Le Snitem alerte sur « l’accès aux équipements en audioprothèse »

table ronde snitem congres
Louis-Charles Viossat, Maher Kassab, Guillaume Joucla, Fabrice Vigneron et Ludivine Aubin-Karpinski

L’épineux sujet de l’accès à la prescription des aides auditives était à l’ordre du jour, lors de la table ronde organisée par le Snitem, et animée par notre directrice de la rédaction, Ludivine Aubin-Karpinski. Comment favoriser l’accès à l’appareillage dans un contexte de pénurie de prescripteurs ? « Le Snitem est un acteur à part entière de la filière et, en tant que tel, il nous semblait important de lancer l'alerte, expliquait Fabrice Vigneron, directeur général de Starkey France et président de la branche Audiologie du Snitem. Nous espérons trouver des solutions à court terme pour éviter certaines dérives que nous observons actuellement. »

Louis-Charles Viossat, inspecteur général des affaires sociales et co-auteur du rapport sur la filière auditive, a tout d’abord tenu à relativiser : « Il faut mettre tout cela en perspective. Nous sommes dans un pays dans lequel le taux d'appareillage est parmi les plus élevés du monde. » Pour Maher Kassab, fondateur du cabinet Gallileo Business Consulting, cela n’est pas une raison pour ne pas faire mieux : « À partir du moment où quelqu'un a besoin de porter des aides auditives et qu'on pense qu'on peut lui améliorer sa qualité de vie, il faut pouvoir le faire. C'est le but de cette réforme. » Et ce, le plus précocement possible, mais pour cela, il faut, redonner du temps aux médecins ORL, selon Maher Kassab, notamment pour convaincre les patients du bien-fondé de l’appareillage.

L’exemple de la filière optique

Au cours de la discussion, de nombreux parallèles ont été faits avec la filière optique, notamment sur la question du travail aidé. « Les ORL sont à un stade beaucoup moins avancé, rapportait Louis-Charles Viossat, d’abord parce qu’ils sont moins allants que les ophtalmologistes sur ce sujet, et aussi parce qu’il faut trouver les professionnels pour le faire. Les orthoptistes ont accepté un changement assez radical de leur profession. En ORL, c'est plus compliqué parce qu'il n'y a pas de candidats naturels. »

Autre secteur sur lequel l’ophtalmologie est en avance, la télémédecine. « C’est peut-être une des solutions pour notre écosystème, a avancé Guillaume Joucla, directeur général de Sonova France et vice-président de la branche Audiologie du Snitem, car ça fonctionne pour la filière optique. Elle permet de garder le spécialiste dans le parcours de soins et contribue à fluidifier le parcours. » Et Maher Kassab de rappeler le succès, toujours dans la filière optique, des postes avancés en ophtalmologie : « Dans ces structures, situées dans des déserts médicaux, il y a un orthoptiste présent en permanence, tandis que l’ophtalmologiste vient une fois par semaine. » Le patient peut également, si besoin, obtenir une téléconsultation.

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Le Synea plaide pour la mise en place d’expérimentations

tabe ronde synea
Richard Darmon, Arthur Souletie, le Pr Bernard Fraysse, la Dr Catherine Takeda-Raguin et Vincent Krause.

La table ronde organisée par le Synea invitait à engager la deuxième étape du 100 % Santé. Intitulée « Quelles améliorations du parcours patient après le 100 % santé dans l’audition ? » et animée par Richard Darmon, président du syndicat, elle a réuni le Pr Bernard Fraysse, le Dr Catherine Takeda-Raguin (gériatre), Arthur Souletie, du cabinet de conseil Veltys, spécialisé dans l’intelligence des données, et Vincent Krause (audioprothésiste). Ce dernier a en effet rappelé que l’âge moyen du premier appareillage n’a pas évolué entre 2018 et 2022, selon la dernière étude EuroTrak France. Quel que soit le niveau de perte, celui-ci avoisine toujours les 74 ans. Autre indicateur : la médiane du délai entre la prescription et l’appareillage augmente : elle est passée de 45 jours en 2018 à plus de 75 jours en 2021.

À ce constat s’ajoute celui des inégalités d’accès à la prescription médicale selon les territoires. « En moyenne, 20 % des primo-prescriptions sont réalisées par des médecins généralistes mais ces chiffres varient fortement selon l’intercommunalité, a expliqué Arthur Souletie, s’appuyant sur une étude menée par le Synea et le Synam. Et, elles peuvent dépasser les 60 % dans certaines régions. » Ce rôle important des généralistes est à corréler en partie à la difficulté d’accès aux ORL. En effet, 16 % des personnes de plus de 75 ans vivent à plus de 30 minutes de l’ORL le plus proche. Dans certaines zones, cette distance peut excéder les 60 minutes.

« On appareille plus, mais au même âge et à des niveaux de perte élevés, a relevé le Pr Bernard Fraysse. Sachant que le risque de déclin cognitif est proportionnel à l’importance de la perte et les conséquences d’une déprivation sensorielle, il est important d’améliorer la précocité du diagnostic. » Pour répondre à ce premier enjeu, les pouvoirs publics ont actionné plusieurs leviers : l’information du grand public, la mise en place des consultations de prévention à trois âges de la vie et les expérimentations de nouveaux parcours comme le programme Icope, sur lequel s’est attardée la Dr Catherine Takeda-Raguin, insistant sur le rôle que pourraient y jouer les audioprothésistes dans le repérage.

Une organisation des soins à l’échelle des territoires

Autre axe d’amélioration aux yeux du Pr Fraysse : l’accès des plus vulnérables aux soins auditifs. « Les gens qui habitent dans des zones défavorisées consultent quinze ans plus tard que les populations plus aisées, déplore-t-il, faisant référence à une étude récente menée par Amplifon. Il faut donc adapter l’organisation en soins en fonction des niveaux sociologiques ; c’est le concept de “littératie”. C’est un enjeu aussi important que celui de la disparité géographique des prescripteurs ou la bonne adaptation de la technologie aux besoins. Il faut se battre pour que les classe II soient proposées aux patients qui le nécessitent, aux situations les plus complexes. » Le Pr Fraysse a conclu son intervention en esquissant les ingrédients d’une « situation idéale » : un dépistage systématique chez l’adulte, la réduction des inégalités sociales, la résolution de la problématique de la démographie des professionnels de santé par la formation et la création de filières adaptées à chaque territoire, la pertinence de la prescription et la traçabilité des résultats et, enfin, une réflexion « non pas sur le coût de la prise en charge, mais sur le coût de la non prise en charge » des troubles de l’audition.

« L’une des façons de faire progresser le 100 % Santé est d’ouvrir des pistes – je pense à la téléexpertise, aux bilans auditifs réalisés par des audioprothésistes, à la délégation de tâches – et à une approche adaptée à chaque territoire, à chaque type de patients », a insisté Richard Darmon, qui s’est dit « très attaché à la mise en place d’expérimentations ».

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Le SDA s'interroge sur l'intérêt d'un changement de convention

table ronde SDA
Brice Jantzem, président du SDA, et Grégoire de Lagasnerie, responsable du département des produits de santé à la Cnam.

Le président du SDA, Brice Jantzem, avait convié Grégoire de Lagasnerie, responsable du départements des produits de santé de la Cnam (invité par ailleurs à notre débat « Faut-il un ordre pour mettre de l'ordre dans la profession ? »). La discussion portait sur les avantages et les inconvénients à abandonner l’actuelle convention, centrée produit, pour embrasser une convention de professionnels de santé. En creux, l’interrogation portait sur le fait de savoir si un tel « changement de paradigme » permettrait de garantir un meilleur encadrement de l’exercice et la reconnaissance du rôle de professionnels de santé des audioprothésistes par la valorisation de leurs actes.

Pour une meilleure reconnaissance de l’acte audioprothétique

Grégoire de Lagasnerie a tout d’abord tenu à rappeler que la convention actuelle signée en 2021 et publiée au JO en 2022 était une « convention nationale », et à ce titre, qu’elle constituait « une vraie avancée ». « Elle permet de faire entrer la profession dans une autre dimension et met en place une réglementation qui s’applique sur l’ensemble du territoire. On peut s’en réjouir. C’est une histoire qui évolue et qui va dans le sens d’une reconnaissance des audioprothésistes et de leur métier par l’Assurance maladie et par les patients. Mais il est légitime d’avoir envie d’aller plus loin. »

Si le responsable du département des produits de santé de la Cnam a reconnu que l’Assurance maladie ne pouvait jouer le rôle de guichet unique, il a indiqué que sa qualité de partenaire conventionnel lui permettait néanmoins d’appuyer les démarches des audioprothésistes auprès d’autres administrations telles que les ARS, la DGCCRF, l’ANSM ou encore la Cnil.
De la même manière, la convention permet de centraliser un certain nombre de champs comme les règles de bonnes pratiques. « En tant que payeur, nous sommes en droit d’exiger que ces règles, inscrites dans la convention, soient respectées », a-t-il précisé. Quant à la question des contrôles, Grégoire de Lagasnerie a assuré que l’Assurance maladie était « extrêmement mobilisée et attentive », évoquant notamment l’affaire Moovaudio.

Attention à la dissociation

Autre raison qui pousserait les audioprothésistes à abandonner l’actuelle convention, c’est qu’elle ne permet pas d’identifier qui réalise la prestation et se prive donc d’un outil efficace pour lutter contre l’exercice illégal, comme l’a laissé entendre Brice Jantzem. Une fausse bonne idée, aux yeux de Grégoire de Lagasnerie qui a mis en garde contre les conséquences qu’entraînerait un tel changement, à savoir l’instauration d’une dissociation entre la prestation et le dispositif médical. « Ce n’est pas le choix qui a été fait, a-t-il précisé. On a globalisé car les deux sont intimement liés. »
Selon lui, la convention et le 100 % Santé reconnaissent déjà l’importance de l’acte de l’audioprothésiste dans la délivrance et le suivi. Mais, l’une des solutions pour « aller plus loin » serait, dans un premier temps, de formaliser ce rôle de professionnel de santé au travers d’un décret de compétences, qui permettait de « clarifier les tâches qui ne peuvent être réalisées que par un audioprothésiste » voire de lui confier de nouvelles missions. « C’est une solution plus simple qu’une dissociation ». Pour en savoir plus, n’hésitez pas à voir ou revoir notre débat « Faut-il un ordre pour mettre de l'ordre dans la profession ? ».

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Le prix des stands est décerné à...

oticon prix
L'équipe Prodition reçoit le premier prix des stands des mains de Christine Dagain (SDA).

Une nouveauté faisait son apparition cette année pour le prix des stands : ce sont les congressistes qui votaient, via l’application du congrès. C’est le stand Prodition (Oticon, Bernafon, Oticon Medical, Diatec) qui a remporté le plus de voix et donc le premier prix. Le second a été attribué à OuiVu, tandis que VivaSon a décroché la troisième place du podium.

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