Alors que plusieurs fédérations de complémentaires ont annoncé vouloir réaliser des économies, en particulier en limitant leurs dépenses dans le secteur de l’audioprothèse, vous publiez une tribune dans les Échos, plaidant pour une refonte du système ?
Oui, j’évoque dans ma tribune deux scénarios d’articulation entre sécurité sociale et complémentaires. L’un proposé par le Haut conseil sur l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) en 2022 [1], l'autre par les économistes Brigitte Dormont, Pierre-Yves Geoffard et Jean Tirole en 2014 [2]. Les deux proposent une évolution de l'actuel vers un système mieux mutualisé. Concrètement, les complémentaires proposeraient un contrat homogène (on peut imaginer même trois niveaux de contrats, comme avec l’ancienne ACS) avec des prix clairement affichés, ce qui augmenterait la lisibilité, et ce, afin de réinstaurer une concurrence. Libre à chaque complémentaire de proposer plus, comme la prise en charge de médecines douces, mais cela ferait gonfler les cotisations. Avec ce système, les complémentaires ne pourraient pas développer des stratégies de sélection des risques, pénalisant les plus pauvres et les personnes âgées. D’ailleurs, aujourd’hui, la gestion du risque par les complémentaires en général et par les réseaux de soins en particulier n’est pas efficace.
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Qu’est-ce que ce scénario impliquerait pour le secteur de l’audio. La classe II serait-elle toujours prise en charge par les complémentaires ?
Ce serait aller trop vite en besogne que d’imaginer ce qu’il adviendrait de la prise en charge des aides auditives. Quoi qu’il en soit, nous avons aujourd’hui pas mal d’éléments qui indiquent qu’un système dans lequel les aides auditives les plus sophistiquées ou récentes ne sont pas prises en charge par les complémentaires, à l’image du NHS, est moins efficient que le système français actuel. Si le scénario de Brigitte Dormont, Pierre-Yves Geoffard et Jean Tirole était un jour adopté, nous aurions donc des arguments à faire valoir.
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Ce système « complémentaire » maintient la présence de deux financeurs, augmentant les frais de gestions notamment. Pourquoi a-t-il votre préférence par rapport à un scénario de type « grande Sécu » ?
C’est une question de faisabilité. Le saut est trop grand pour une grande Sécu. Penser que demain, on va mettre à bat 400 contrats de complémentaires, des milliers d'emplois, des dizaines de milliers d’adhérents... je n’y crois pas. Sans compter qu’il y a des oppositions parmi les professionnels de santé. Plaider pour cette grande sécu, c’est le meilleur moyen qu’il ne se passe rien. Les deux scénarios que j’évoque sont beaucoup plus pragmatiques. Celui de 2014 serait plus facile à mettre en place d’un point de vue réglementaire ou législatif. À titre personnel, il a ma préférence. C’est le plus à même d’améliorer la situation et de permettre de faire un premier pas en avant.
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