Conseils pour un bon usage de l’audiométrie vocale dans le bruit

Avec l’inscription de la mesure de l’intelligibilité dans le bruit dans la réforme du 100 % Santé, l’audiométrie vocale dans le bruit devient un incontournable du parcours de soins des presbyacousiques. Plus généralement, ce test, fiable et rapide, permet de faire la démonstration du bénéfice des aides auditives en situation « écologique ». Voici quelques conseils, non exhaustifs, d’un fervent utilisateur pour un usage averti.

Par Xavier Delerce, Audioprothésiste DE
En collaboration avec Matthieu del Rio, Audioprothésiste DE
Conseils

L’audiométrie vocale dans le bruit (AVB) connaît aujourd’hui un regain d’intérêt exceptionnel. L’amélioration des performances des aides auditives dans le bruit et l’apparition dans la loi de l’évaluation de l’audition ou des performances de l’appareillage dans le bruit le rendent attractif, sinon indispensable. De leur côté, les patients sont demandeurs de tests permettant de faire la démonstration de l’efficacité annoncée de leurs systèmes auditifs. Dans cet article, je ne parlerai que des tests audiométriques normés au niveau national ou international. C’est un premier piège en effet que de considérer un test normé comme l’égal d’une audiométrie vocale pendant laquelle n’importe quel bruit et dans n’importe quelle condition spatiale du bruit serait émis. L’AVB peut être décevante en cela : elle ne reflète pas la « vraie vie », mais n’a pas vocation à le faire non plus.

Audiométrie vocale dans le bruit et bruit pendant l’audiométrie vocale

Tous les tests reconnus internationalement ou nationalement, et ayant fait l’objet de recherches, d’études multicentriques et de publications, présentent des données de référence sous forme de moyennes, écarts-types, conditions de passation, corpus verbal, caractéristiques du bruit et spatialisation. Tout test qui serait pratiqué en dehors des conditions prévues par leurs concepteurs ne pourrait pas se référer aux données du test en question. Il est donc important, lorsque l’on envisage d’utiliser ce type de test, de s’assurer de le faire passer dans les conditions prévues et normées : le bon bruit, le bon angle, le bon entraînement, le bon corpus vocal.

Écologie de l’AVB

Il est tentant de vouloir considérer l’AVB comme un indicateur des performances dans le bruit du malentendant appareillé dans sa vie quotidienne. Les patients appareillés sont d’ailleurs souvent demandeurs que nous les mettions dans des situations d’écoute de leur vie habituelle (la cuisine, la voiture, le restaurant, etc.).

Il est souvent décevant pour l’audioprothésiste, et encore plus son patient, de ne pas se retrouver en situation « écologique » lors d’un test, c’est-à-dire ne correspondant pas à une situation du quotidien. Mais sachant que nos situations quotidiennes sont infinies, il est illusoire de vouloir les recréer. Les tests dans le bruit n’ont donc pas vocation à les simuler et proposent souvent des bruits artificiels ou peu représentatifs de la vie quotidienne.

Les bruits utilisés, s’ils peuvent paraître « mécaniques », sont en réalités étudiés, et le plus souvent corrélés en densité spectrale de puissance au signal vocal.

L’AVB est fiable, peu coûteuse en temps et en argent et démonstrative.

Spatialisation de l’AVB

La spatialisation d’un test consiste à émettre le bruit et les mots dans des angles différents. Il peut sembler logique de vouloir tester dans des conditions qui nous semblent « normales » ou habituelles pour le malentendant. Il y a également des conditions dans lesquelles les aides auditives sont censées fournir leur meilleur effet, comme par exemple la voix devant et le bruit derrière.

Ce serait oublier que les tests d’AVB ont le plus souvent été conçus pour tester la fonction auditive, et non pas les aides auditives. Les courbes de références de la plupart des tests sont fournies pour des conditions « Voix et bruit à 0° » (Matrix tests, HINT, etc.) ou « Voix à 0° et bruit à 90°/270° » (HINT), avec des haut-parleurs à distance de champ direct ou quasi-direct.

Toute autre condition spatiale est en effet très complexe à normer, chaque cabine étant différente (éloignement des haut-parleurs, angles, correction acoustique, etc.).

Faire sa propre norme

Si des conditions spatiales de test peuvent paraître artificielles (voix et bruit de face par exemple), il n’est pas impossible d’établir une courbe de référence dans une cabine donnée et des conditions spatiales ou acoustiques particulières (voix devant, bruit arrière, par exemple).

La norme ISO 8253-3:2012 le permet et en codifie les règles. Un nombre minimal de normo-entendants est alors nécessaire pour valider chaque condition, une courbe de référence doit ensuite être établie, avec sa pente et son SRT (seuil à 50 %), ainsi que ses intervalles de confiance.

Bien entendu dans ce cas, aucune donnée ne sera exportable ou comparable à d’autres en dehors de la cabine dans laquelle elle a été mesurée.

Bien connaître le test que l’on utilise

Il est essentiel de maîtriser le test que l’on utilise, c’est-à-dire en connaître le mode de passation (comment l’expliquer au patient, quelles phrases employer, ce qu’il est possible de tester, etc.), ses valeurs de références (quel RSB pour un SRT50, quelle sensibilité, son intervalle de confiance) sous peine de ne pas pouvoir interpréter les résultats obtenus ou d’en obtenir difficilement (un test trop long par exemple).

La lecture d’articles et recommandations, la formation continue ou la participation à des ateliers spécifiques au test que l’on désire employer est un préalable stimulant et indispensable avant d’utiliser un test d’AVB.

Un étalonnage précis

Certains tests ont une grande sensibilité, de l’ordre de 1 dB. C’est-à-dire que deux résultats (condition 1/condition 2) peuvent être déclarés comme significativement différents dès lors qu’une différence de 1 à 2 dB de RSB est mesurée entre ces deux conditions, ce qui est très faible. On comprend alors l’importance d’une calibration très fine, de même qu’un positionnement strict et constant du sujet testé dans la pièce.

De l’importance de l’échauffement

L’AVB peut mettre le patient en position de stress : inquiétude à l’idée de mal répéter, de ne pas tout répéter, de ne pas répéter assez vite. De même, si un test est réalisé avec des aides auditives, ces dernières peuvent avoir besoin d’un temps de stabilisation pour activer leurs algorithmes de traitement du signal. Il est donc indispensable, quels que soient les tests utilisés, de respecter la passation de listes d’entraînement avant la passation de listes de comptage. Chaque test a son protocole en la matière, qu’il convient de bien connaître.

Conclusion

Cette liste des quelques conseils de l’AVB n’est peut-être pas exhaustive mais montre l’essentiel des choses à savoir avant de se lancer en toute confiance dans une pratique quotidienne. Nos patients sont très demandeurs et souvent impressionnés (comme nous d’ailleurs) par les résultats obtenus aujourd’hui.

L’AVB est l’audiométrie de la preuve par excellence, celle qui montre à quel point la technologie a tenu ses promesses, et le bénéfice social apporté par les aides auditives. Évitons les tests dans le bruit « maison » qui ne sont ni sensibles ni calibrés pour le normo-entendant, et utilisons des tests rigoureux et normés scientifiquement.

Gardons-nous également de tirer des conclusions trop hâtives de résultats obtenus lors d’une AVB (oreilles nues ou appareillées) et n’oublions pas le rôle de la plasticité cérébrale liée à la stimulation acoustique. Nous sommes dans une mesure « dynamique » et non figée.

Enfin, ne nous privons pas de cet apport dans notre catalogue de tests. L’AVB est fiable, peu coûteuse en temps et en argent et démonstrative.

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