Assistante en audioprothèse : des formations disparates

Souvent formées « sur le tas », les assistantes en audioprothèse présentent des profils très divers. Quelques formations ont émergé face aux besoins croissants, mais elles ne sont pas toujours certifiantes ou ne font pas consensus. Tour d’horizon.

Par Violaine Colmet Daâge
formations

Peu de formations existent pour les aspirantes assistantes* en audioprothèse. Les compétences sont souvent acquises sur le terrain, dispensées par l’audioprothésiste ou les équipes en place. Pourtant, le rôle de ces professionnelles a fortement évolué ces dernières années, exigeant d’elles une grande polyvalence pour leur permettre de jongler non seulement entre les tâches administratives traditionnelles, mais également commerciales et techniques, plus récentes.

Des programmes en interne

Faute d’une filière de formation bien établie, les acteurs de la distribution ont pris les devants et construit des programmes en interne pour former leurs assistantes à décharger les audioprothésistes de tout ce qui ne concerne pas leur cœur de métier. Ils visent à leur permettre d’acquérir une triple compétence : une part administrative pour gérer les aspects réglementaires, les échanges avec la Sécurité sociale, la facturation, etc., une partie commerciale avec la vente d’accessoires et une partie technique sur l’entretien et le dépannage des aides auditives. « Ces blocs de compétences sont complètement distincts, explique le président de Sonance audition Laurent Buri. Nous nous occupons à 100 % de la formation administrative et technique de nos assistantes. » L'enseigne s’adosse aussi sur les journées de formation proposées par les fabricants sur leurs appareils. « Mais si demain, nous pouvons recruter des assistantes déjà formées, cela nous fera gagner du temps même si la formation en interne nous permet de l’adapter exactement à notre organisation. »

Chez AuditionSanté, chaque nouvelle assistante bénéficie d’un parcours d’intégration et de formation. Pendant un mois, elle est formée sur les process administratifs et commerciaux, avant d’apprendre en pratique l’entretien des appareils auditifs. L’enseigne s’appuie sur une équipe pédagogique en interne, mais également sur des prestataires externes, explique la directrice RH du groupe, Alexandra Petit. Chez Amplifon, les nouvelles recrues suivent aussi « un parcours d’intégration pour (...) fournir les clés essentielles à la prise de poste », précise le directeur des ressources humaines Amplifon, Davide Gentile. Des classes virtuelles d’accueil et un parcours d’intégration à Paris sur 3 jours permettent de consolider la pratique du logiciel métier d’Amplifon. En outre, un éventail de formations liées au métier de coordinatrice de centres est proposé. L’objectif est de « développer sa pratique, ses compétences et de comprendre les enjeux du domaine audioprothétique », précise-t-elle. Règlementation, tiers payant, domaine audiologique, compétences commerciales font ainsi partie de l’offre. Chez Audika, la « coordinatrice de centre » bénéficie durant sa première année d’un parcours formatif d’environ 180 heures. Des formations en continu sont proposées en présentiel ou à distance sur des thématiques variées, aussi bien générales (comme le marché de l’audioprothèse, les différentes gammes d’appareils, le cadre règlementaire ou les remboursements), que sur des points d’actualité tels que la cybersécurité, la gestion des incivilités ou encore l’utilisation de l’IA.

Une formation structurante pour la profession

Comme toute profession en cours de mutation, ses contours sont relativement flous. Secrétaires médicales, assistantes commerciales ou encore techniciens audioprothèse... les intitulés de postes sont différents, les missions et les rémunérations également. Les bagages techniques nécessaires varient donc d’un poste à l’autre. Résultat, il est difficile d’établir un portrait-robot de l’assistante en audioprothèse aujourd’hui. Dans ce contexte, comment définir ses missions ? De l’arrêté du 14 novembre 2018 qui détaille les actes et les tests que doit réaliser l’audioprothésiste, on peut déduire par défaut tout ce que l’assistante en audioprothèse peut faire. Mais comme de nombreux représentants du secteur, Alexandra Petit estime que « tous les acteurs et les patients seraient gagnants si les missions de l’audioprothésiste, du technicien en audioprothèse et de l’assistant en audioprothèse (postes correspondant aux trois formations disponibles sur ce secteur) venaient à évoluer et être redéfinies ».

Si [le titre RNCP en cours d’élaboration] devient la référence, [il] aura un rôle structurant pour toute une profession qui sera amenée un jour à s'autoréguler.

Marine Monteiro, cofondatrice de l’ISpe2A

Afin de mieux structurer cette profession en plein essor, des projets de formations certifiantes sont près de voir le jour, montés par des acteurs du « sérail ». Le Collège national d'audioprothèse s'est emparé du sujet. « La formation que nous portons sera diplômante, de courte durée – un an maximum – et certifiera les compétences professionnelles, commente son président, Matthieu Del Rio. Elle s'accompagnera d'une fiche RNCP et sera reconnue par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche au niveau national. L'objectif est de permettre aux audioprothésistes de récupérer du temps pour mieux prendre en charge leurs patients. » Une autre initiative est conduite par le nouvel Institut de formation spécialisée pour les assistants en audioprothèse (ISpe2A), fondé par Marine Monteiro, également dirigeante du centre de formation professionnelle continue en audioprothèse, Audioforméa. « En concertation avec les acteurs du secteur, nous avons conçu une offre à partir des remontées du terrain, explique-t-elle. L’idée est de proposer une formation de référence qui fournisse un socle de compétences que les assistantes en audioprothèse pourront valoriser. » Sur six mois, les étudiantes seront formées à l’accueil et la prise en charge des patients dans les centres d’audition, à la gestion et l’organisation administrative. Elles recevront un enseignement sur les questions commerciales et de communication, pour la gestion de l’espace de vente. La formation technique sera aussi assurée, pour apprendre à entretenir et dépanner les aides auditives mais également accompagner les malentendants dans leur autonomie vis-à-vis de leur appareillage auditif. Après les 450 heures de cours, un stage de cinq semaines sera obligatoire. La première promotion de 2025 comptera une cinquantaine d’élèves.

Pour « faire vivre cette formation, une commission composée d’acteurs représentatifs du secteur (audioprothésistes, assistantes audioprothèses, représentants professionnels, financeurs, employeurs) a été constituée », explique Marine Monteiro. Son rôle est de définir les compétences enseignées et éventuellement les faire évoluer en fonction des besoins du métier, mais aussi de surveiller l’insertion professionnelle des étudiants. Des démarches d'obtention du titre RNCP** ont été lancées, notamment par le CNA. Il certifie les compétences professionnelles et aptitudes acquises, nécessaires à l’exercice d’un métier. Matthieu Del Rio laisse la porte ouverte : « Les organismes de formation qui le souhaitent pourront naturellement se rattacher au titre RNCP déposé par le Collège ». « À plus long terme, s'il est envisagé que la profession d'assistante en audioprothèse devienne une profession réglementée, le titre RNCP pourra évoluer afin de s'appuyer sur un éventuel décret de compétences déterminé, ajoute la cofondatrice de l’ISpe2A. Si ce titre devient la référence, il aura un rôle structurant pour toute une profession. »

Des offres dédiées aux opticiens

Compte tenu de l’appétence du monde de l’optique pour l’audition, les opticiens sont aussi le cœur de cible de plusieurs formations, comme EasyAudio ou Sup’Audio. Depuis l'avènement du 100 % Santé, de nombreux magasins d’optique ont ouvert un espace audio et, lorsque l’audioprothésiste n’est pas présent, les opticiens doivent pouvoir orienter la patientèle malentendante. « Les trois quarts des pannes peuvent être prises en charge par les assistants : un appareil bouché par du cérumen, changer un tube, des piles… Pour les opticiens, ne pas avoir les compétences requises en magasin peut les empêcher de se développer », explique Mélodie Taillefer d’EasyAudio. Ces assistants spécifiquement formés pourront en outre informer les patients sur les démarches administratives, expliquer le fonctionnement d’un accessoire ou d’une aide auditive. « Cela permet de décharger le planning de l’audioprothésiste, ajoute Lionel Bricard, opticien optométriste et enseignant, directeur et formateur d’EasyAudio. L’idée est de développer les compétences techniques de l’assistant sans déborder sur le métier d’audioprothésiste. »

La formation dispensée par Sup’Audio s’étale sur 292 heures réparties sur 18 lundis (dont 10 en présentiel). Le tout complété par un stage de 4 semaines. Cette formation était labellisée jusqu’en 2022 mais la certification n’ayant pas été renouvelée, elle n’octroie donc plus de titre professionnel officiellement reconnu par l'État. Quant à EasyAudio, l’organisme a opté, avec son module « Entretenir et dépanner les aides auditives », pour un format court, de 35 heures, qui balaie l’ensemble des fondamentaux, des rappels anatomiques jusqu’aux différents types de pannes. Cette certification, enregistrée par France Compétences aux répertoires nationaux (Répertoire spécifique, RS), peut être complétée par une formation d’une journée sur le dépistage auditif. Les responsables assurent bien informer leurs apprentis sur ce qu’ils ont le droit de faire ou non, mais plusieurs « compétences développées » au travers de cette formation inquiètent certains acteurs du secteur. Notamment, la « maîtrise du matériel de dépistage auditif via un audiomètre portatif ou fixe, réaliser une audiométrie de dépistage en toute autonomie, interpréter un audiogramme nécessitant une aide auditive, maîtriser les principales pathologies rencontrées en ORL », flirtant, à leurs yeux, avec la ligne de démarcation entre assistantes et audioprothésistes. Un risque de confusion qui justifie, aux yeux de certains, l’établissement d’un cadre plus clair sur les attributions de cette nouvelle génération d’assistantes en audioprothèse.

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