03 Janvier 2025

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Thérapie génique de la surdité DFNB9 : Sensorion entre dans la course

Fin septembre, Sensorion a annoncé que l’essai clinique Audiogene visant à tester l’efficacité de la thérapie génique SENS-501 pour soigner les enfants atteints d’une surdité DFNB9 avait débuté. La Dr Natalie Loundon, qui dirige l’unité Audiophonologie pédiatrique à l’hôpital Necker (Paris), détaille les contours de cette étude qu’elle coordonne.

Propos recueillis par Violaine Colmet Daâge
Loundon
Natalie Loundon est cheffe de l’unité Audiophonologie pédiatrique à l’hôpital Necker–Enfants malades (Paris) et coordinatrice de l’essai clinique Audiogene.

Sensorion a lancé un essai clinique de thérapie génique pour soigner une surdité héréditaire, dite DFNB9, sur la base de travaux menés par des chercheurs français de l’Institut Pasteur. Plusieurs équipes internationales sont également dans la course. Pourquoi ont-elles toutes ciblé cette étiologie ?

Tous les travaux de recherche ont convergé vers cette unique étiologie car elle est la seule aujourd’hui à présenter tous les prérequis nécessaires pour envisager le passage en clinique, à savoir une physiopathologie parfaitement connue, l’existence d’un modèle murin qui reproduit parfaitement ce qu’il se passe chez l’homme et d’un médicament de thérapie génique efficace chez la souris mature. De plus, dans le cas des surdités DFNB9, la structure de l’oreille interne est conservée et seule la protéine est manquante, ce qui n’est pas le cas pour toutes les maladies. Tous les voyants sont donc au vert pour envisager cette thérapie génique chez l'humain.

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Où en sont les premiers essais cliniques ? Quels sont les contours de celui mené par les Français ?

Cinq essais cliniques ont été lancés dans le monde. Les premières injections ont eu lieu au printemps 2023 et les patients sont en cours d’inclusion. Pour l’essai français de Sensorion, nommé Audiogene* (visant à tester la sécurité, la tolérance et l’efficacité du traitement de thérapie génique SENS-501), l’autorisation des agences européennes a été donnée officiellement en janvier 2024 et un premier nourrisson a été injecté en Australie suivi d’un deuxième patient récemment en France (lire l'encadré ci-dessous). Ils seront suivis pendant 5 ans. Il est prévu d’inclure 12 petits patients, pour les phases 1 et 2. Pour le moment, les inclusions sont prévues sur 3 ans. Cet essai est multicentrique et international et d’autres centres sont en cours d’ouverture.

Quels sont les candidats potentiels à l’injection ?

Il y plusieurs critères dont certains différencient Audiogene des autres essais. D’abord, les nourrissons doivent être âgés de 6 à 31 mois. Deuxièmement, les enfants doivent présenter une surdité sévère à profonde, bilatérale. Ce sont donc des candidats potentiels à un implant cochléaire, mais ils ne doivent pas avoir été implantés. Troisièmement, il faut qu'il y ait une mutation avérée biallélique du gène OTOF, avec un diagnostic de surdité DFNB9 confirmé. Une fois ces prérequis validés, on propose une injection, dans une oreille. Les patients sont ensuite observés pendant plusieurs années.

Les premiers résultats des essais cliniques de thérapie génique sont extrêmement prometteurs.

Les deux premiers critères sont spécifiques à Audiogene : l’étude a été conçue ainsi non seulement pour permettre d’évaluer si SENS-501 peut restaurer l'audition dans une population très homogène de nourrissons mais aussi pour suivre l’acquisition et le développement du langage de ces enfants à long terme.

Comment se passe l’opération ?

Il s’agit d’une injection au niveau de la fenêtre ronde de l’oreille interne de façon similaire à la chirurgie pratiquée pour l’implantation cochléaire. C’est une chirurgie sous anesthésie générale, les patients sont hospitalisés quelques jours. Si le jour de l’injection, ils sont malades, on ne peut pas les injecter. Sinon, tous les patients qui respectent les critères sont candidats à cette thérapie génique, si la famille le souhaite.

Les familles sont-elles réticentes ?

C'est une maladie extrêmement rare. Les quelques familles qui remplissaient tous les critères étaient partantes pour la thérapie. Mais s’il y en a trois dans une année, c’est bien !

C’est un facteur limitant pour cet essai clinique ?

Exactement, la rareté de la maladie est le facteur limitant. Tout comme le sous-diagnostic de la maladie en France. En effet, il existe deux modalités de repérage : les oto-émissions acoustiques (OEA), test le plus fréquemment utilisé, et les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEAA). Malheureusement, comme les OEA sont présentes chez ces enfants, on passe à côté du diagnostic précoce et ils sont repérés lorsqu’ils présentent un retard dans l’acquisition du langage. C’est trop tard. En Australie, les maternités utilisent les PEAA : les enfants sont repérés très tôt et les équipes rencontrent donc beaucoup moins de difficultés pour les recruter.

C'est pour cela que, dans l’essai clinique de Sensorion, la première injection a été réalisée en Australie ?

Oui, nous avions déjà repéré trois candidats potentiels en France mais ils étaient trop âgés. En Australie, dès qu’ils ont ouvert, les quelques nourrissons qu’ils ont repérés l’ont été très tôt.

Est-ce pour la même raison qu’en Chine et aux États-Unis des enfants ont été injectés plus rapidement ? Ou les délais réglementaires ont-ils été plus longs en Europe ?

Les autres essais incluent des patients plus âgés et/ou déjà implantés, les critères d’inclusion sont donc plus larges. En Chine, le bassin de recrutement est d’un milliard de personnes, c’est très différent. D’autre part, cette neuropathie est un peu plus fréquente en Asie, que sous nos latitudes. Ils ont identifié très rapidement 10 enfants à injecter. Au niveau administratif et réglementaire, c’est aussi probablement plus simple.

Vous ne pouvez pas encore évoquer les résultats de l’essai de Sensorion. Mais avez-vous un commentaire sur les premiers résultats des essais qui ont été menés en Chine et aux États- Unis ?

Les premiers résultats publiés sont extrêmement prometteurs. Il y a encore des enfants qui ne réagissent pas à cette thérapie mais, globalement, les résultats obtenus chez l’humain sont conformes à ce qui était attendu en théorie. C’est-à-dire que l’on a pu transposer les résultats obtenus chez l’animal pour un certain nombre d'enfants, au moins dans les premiers temps. La prochaine question sera celle de la pérennité. A priori, les résultats devraient se maintenir dans le temps parce que ces cellules ne se perdent pas. C’est un capital que l’on a pour toute la vie. Mais nous attendons les publications suivantes.

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