Qu'apporte l’utilisation de questionnaires à la pratique clinique ?
Pour répondre à cette question, il faut distinguer les différentes familles d’outils à notre disposition. Les questionnaires de dépistage visent à définir une probabilité pour une personne de présenter une perte auditive et permettent à des médecins, particulièrement les généralistes et les gériatres, d’adresser le patient à l’ORL pour un bilan auditif.
Les questionnaires de qualité de vie ont pour objet une compréhension plus complète des ressentis du patient et du retentissement social et émotionnel que la surdité provoque. Ils offrent une vision subjective et ne sont corrélés ni à l’audiométrie tonale ni à l’audiométrie dans le bruit, ce qui signifie qu’ils offrent une dimension supplémentaire quant aux conséquences de la surdité pour les patients. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre d’évaluer la réhabilitation auditive sans ces questionnaires et dans un futur proche, les pouvoirs publics en exigeront un avant et après appareillage.
Ces outils en lien avec la qualité de vie peuvent être spécifiques à l’audiologie mais on dispose également de questionnaires généraux, l’HUI3 étant le seul à intégrer quelques questions dédiées à l’audition. Les questionnaires généraux permettent des études médico-économiques et servent notamment pour les comparaisons avec d’autres types de réhabilitations. Notre service a par exemple utilisé le HUI3 dans une étude internationale multicentrique sur des implantés cochléaires âgés.
Dans un futur proche, les pouvoirs publics exigeront [l’administration d’un questionnaire] avant et après appareillage.
Quels sont les principaux questionnaires validés en français ?
Il y en a relativement peu. Trois questionnaires généraux sont validés en français, le HUI3, mentionné précédemment, le SF-36 et le EQ-5D. Pour ce qui est des outils spécifiques à l’audiologie, nous avons le HHIE-S (Screening du handicap auditif chez le sujet âgé) dont la validation et l’adaptation ont été réalisées par le service ORL du CHU de Bordeaux. Nous disposons également de questionnaires de qualité de vie. Le SSQ (Échelle de parole, audition spatiale et qualité de l’audition) tout d’abord, avec une version longue de 49 questions et une version courte de 15 items, elle aussi validée, ce qui n’est pas le cas des versions courtes britanniques existantes. C’est un questionnaire destiné aux personnes appareillées.
Pour les patients implantés, nous avons le CIQOL, dont mon service a validé la traduction française, qui fera prochainement l’objet d’un article, et pour lequel il nous reste encore à déterminer des données normées à partir d’un plus grand nombre de patients. Parallèlement, il existe un certain nombre d’outils dont la traduction n’est pas validée.
Faudrait-il valider plus de questionnaires en français ?
Nous disposons de suffisamment de questionnaires de qualité de vie donc je ne vois pas l’utilité d’en développer d’autres. Il ne faut pas oublier que la validation est un processus complexe et couteux, qui doit suivre une série de bonnes pratiques, notamment une adaptation culturelle afin d’assurer la bonne compréhension de toutes les questions par quesles patients quel que soit leur niveau socioculturel. Toutefois, nous manquons par exemple de questionnaires validés et spécifiques à l’effort d’écoute. Notre service travaille actuellement sur ce thème pour les implantés, l’outil demeurant encore à valider. Évaluer spécifiquement l’effort d’écoute est un complément de l’analyse de la qualité de vie car il est variable pour des patients présentant des résultats audiologiques similaires.
Qu’en est-il des domaines peu ou pas évalués, par exemple l’écoute de l’environnement naturel ou de la musique ? Faut-il disposer de questionnaires spécifiques à ces thèmes ?
Ce sont des dimensions intéressantes évidemment, peut-être plus pour les personnes appareillées que celles implantées qui ont des priorités plus axées sur la parole. Mais il faut prendre garde à ne pas surcharger le patient et le professionnel. Pour rendre ces aspects accessibles à la pratique clinique, ils pourraient être intégrés à d’autres questionnaires. L’utilisation de questionnaires dédiés à ces thèmes ne peut être aujourd’hui considérée que dans le cadre d’études cliniques.
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