Quel bilan tirez-vous de ces trente années ?
Notre association – appelée à l’origine Rhône-Alpes Acouphènes – est née en décembre 1992 à Lyon, créée par un groupe de patients, sur une idée soufflée par Sylviane Chéry-Croze, alors directrice de recherches au CNRS. Elle a très vite acquis une envergure nationale et a pris le nom de France Acouphènes. Plusieurs présidents se sont succédé toutes ces années ; chacun a apporté sa patte et permis des avancées.
Avec la quarantaine de bénévoles actifs que compte l’association, nous faisons des permanences téléphoniques avec notre ligne d’écoute 0220 222 213 et nous organisons des groupes de parole, y compris en visioconférence. Ces derniers rencontrent un franc succès tant les personnes qui souffrent d’acouphènes ont besoin d’être écoutées et orientées. En trente ans, les acouphènes sont devenus de moins en moins tabous. Les personnes qui en souffrent aujourd’hui osent davantage en parler.
Pour cela, nous sommes sur tous les fronts. Nous rédigeons des articles, participons à des émissions de radio, à toutes les réunions et conférences pour parler de nos actions… Nous nous sommes aussi rapprochés des pouvoirs publics pour les sensibiliser et nous avons intégré en 2009 le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au sein duquel nous faisons avancer les politiques en matière d’inclusion notamment. C’est une formidable reconnaissance de nos handicaps invisibles.
Les associations de patients ont en effet un rôle croissant aujourd’hui.
De plus en plus. En tant que patients experts de nos pathologies, nous constituons une forme de premier recours pour les personnes souffrant d’acouphènes. Nous pouvons répondre à leurs interrogations, à leurs inquiétudes et les orienter vers différentes solutions que nous avons nous-mêmes expérimentées. Nous jouons les aiguilleurs vers les spécialistes, ORL, audioprothésistes, sophrologues, psychologues... Le fait de rassurer les patients facilite leur parcours par la suite et leur adhésion aux traitements qui leur sont proposés.
Et puis, nous participons à la recherche en aidant notamment au recrutement de patients pour intégrer les cohortes de différentes études.
Quel est votre principal cheval de bataille aujourd’hui ?
Nous souhaitons que l’acouphène fasse l’objet d’une consultation spécifique pour que les patients acouphéniques puissent être pris en charge correctement. Il est essentiel de motiver les ORL à consacrer plus d’un quart d’heure à ce premier rendez-vous. Aujourd’hui, on entend encore trop « il faut faire avec ». Ce sont les mots qui tuent ! Il n’y a certes pas de pilule miracle mais il existe des solutions qui soulagent grandement, qui permettent de mettre à distance voire d’atténuer les acouphènes. Mais encore faut-il les connaître ! C’est pourquoi nous demandons une valorisation de la consultation, pour une prise en charge adaptée à la complexité des patients acouphéniques. Nous avons besoin de professionnels de santé à l’écoute. Il ne faut pas se lancer là-dedans si on n’a pas de temps à y consacrer et si l’on ne s’est pas formé.