Les acouphènes, bêtes noires des patients et des professionnels de santé. Morceaux choisis

Le troisième épisode de notre nouveau programme Le Débat ! est consacré à un enjeu de taille pour les professionnels de l’audition : les acouphènes. Marie-José Fraysse, médecin ORL et ex-présidente de l’Afrépa, Christophe Micheyl, docteur en psychologie expérimentale et cognitive et chercheur principal senior chez Starkey, Jean-Luc Puel, professeur de neurosciences et directeur de l’INM, et Pauline Roger, audioprothésiste, membre du réseau d’experts Amplifon sur les acouphènes, se sont interrogés sur le diagnostic, la prise en charge et le suivi des patients acouphéniques. Morceaux choisis.

Par Laura Huynh Quang
visuel ouverture

Marie-José Fraysse, médecin ORL et ex-présidente de l’Afrépa

Marie Jose Fraysse

  • Environ 3-4 % de la population française souffre d’acouphènes invalidants. C’est-à-dire que cela retentit sur leur qualité de vie. Cela peut être soit cognitif soit psycho-émotionnel. C’est vraiment une vie très altérée pour ces gens-là.
  • La première consultation du patient acouphénique doit être mieux cotée qu’une consultation normale car on va y passer facilement 30 ou 40 min, ou plus. Et puis pour le patient lui-même, il n’y a pas de prise en charge de la TCC ou de la sophrologie... Aujourd’hui les prothèses sont mieux remboursées, en tout cas la classe I, mais souvent, ces patients ont besoin de classe II. Donc pour le patient acouphénique, c’est parfois la double peine.
  • La plupart des patients acouphéniques ont un acouphène assez spécifique, avec un retentissement différent. Donc si l’audio appareille comme pour une simple presbyacousie ou une simple surdité légère, il y a de grande chance que ça ne se passe pas bien.
  • L’objectif de notre étude, c’est de démontrer que la thérapie sonore sous ses diverses formes, peut être efficace chez des patients qui ont un acouphène invalidant (avec un THI élevé) et une surdité légère (< 30 dB).
  • Pour la prise en charge d’un patient acouphénique, on a quatre options : la thérapie sonore, la sophrologie, la thérapie cognitive et les thérapies manuelles. Mais dès le départ, l’ORL doit prendre sa part, qui est de catégoriser et surtout donner des conseils directifs.

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Christophe Micheyl, docteur en psychologie expérimentale et cognitive et chercheur principal senior chez Starkey

Christophe Micheyl

  • Chez certains patients, le fait de stimuler vers la zone de l’acouphène produit un masquage à très peu d’intensité au-dessus du seuil. Donc potentiellement, on a un masquage qui est plus efficace. Et l’audioprothésiste a un rôle crucial à jouer parce que cette approche ne va pas être optimale pour tous les patients.
  • Une méta-analyse, couplée à une revue systématique, ce qui est le plus haut niveau de preuve en médecine, publiée par l’équipe de Liu et collaborateurs dans Medicine en 2021 montre clairement que la thérapie sonore est supérieure à l’absence de thérapie, elle est supérieure aux traitements médicamenteux existants à ce jour, et elle est supérieure au counseling dans le sens de juste éduquer le patient [1]. Donc on voit que c’est un outil dont il serait dommage de se priver.
  • Depuis plusieurs années, on évolue au-delà du bruit blanc pour tout le monde. Avant, on proposait des bruits blancs qui stimulaient toutes les fréquences. Or on sait maintenant que ce bruit ne fait pas forcément sens pour quelqu'un qui a une perte d’audition en haute fréquence.
  • Si l’amplification seule ne suffit pas, et en particulier pour les patients qui ont peu de bruit dans leur environnement donc l’aide auditive n’a rien à amplifier, on peut bénéficier d’aides auditives qui intègrent un générateur de bruit.

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Pauline Roger, audioprothésiste, membre du réseau d’experts Amplifon sur les acouphènes

Pauline Roger

  • La thérapie sonore est un petit élément de la prise en charge. Dans 70 % des cas, une perte auditive est associée donc il faut aller la rechercher. Parce qu’on ne la voit pas forcément sur l’audiogramme tonal standard. Donc il faut faire des tests complémentaires : hautes fréquences, demi-octave, et l’acouphénométrie.
  • À l’échelle de trois cents patients vus à Toulouse, la grande majorité rapportait que c’était leur troisième consultation vers un médecin pour pouvoir atteindre une consultation spécialisée. Dans les consultations antérieures, quasiment la moitié n’avait pas eu de proposition thérapeutique.
  • Toutes les études qui ont été citées montrent que c’est un champ en perpétuelle évolution. Donc je crois que la formation continue est un élément essentiel.
  • C’est une prise en charge qui est spécifique. Donc si on ne se sent pas le bagage technique ou en capacité d'accompagner le patient, je crois qu’il ne faut pas hésiter à passer la main à un audioprothésiste plus spécialisé ou qui s’intéresse à ce sujet-là.

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Jean-Luc Puel, professeur de neurosciences et directeur de l’INM

Jean Luc Puel

  • Avec la JNA, on est en train de réaliser une étude pour évaluer le coût des acouphènes pour les patients, de façon à pouvoir aller devant les décideurs pour discuter avec eux d’une prise en charge et d’un forfait de prise en charge à la hauteur de ce qui est nécessaire.
  • Le principal déclencheur d’acouphènes, c’est la presbyacousie. Puis le traumatisme sonore, et pas uniquement aigu. À eux deux, ils représentent plus de 60 % des acouphènes.
  • Les acouphènes, c’est une carence dans la formation [initiale des audioprothésistes]. C’est un peu pour cela qu’on a créé le master. Il y a un module acouphènes qui est développé.
  • Les acouphènes, c’est chronophage, et à un moment, il va falloir que les pouvoirs publics s’intéressent à cette chose-là et que les médecins qui se spécialisent dans les acouphènes soient rémunérés à la hauteur du travail qu’ils font.

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