L’acouphène est un symptôme complexe qui peut mettre l’ORL en difficulté. Au final, c’est le patient qui ne bénéficie pas toujours de l’attention nécessaire, notamment lorsqu’il se trouve en détresse psychologique et que l’intérêt qui lui est porté est le premier pas vers une prise en charge de qualité.
« Certains médecins qui n’ont pas une connaissance suffisante des acouphènes peuvent affirmer à leurs patients qu’il leur faudra “vivre avec” ce symptôme, ce qui n’est pas acceptable pour eux », constate Roselyne Nicolas, vice-présidente de France Acouphènes.Avant l’été, l’association a saisi la HAS afin que soit mis en place un groupe de travail sur la prise en charge des acouphènes. Il est prévu en 2023 et France Acouphènes est invitée à y participer. Parallèlement, celle-ci est entrée en contact avec la Cnam. « Nous souhaiterions que l’acouphène fasse l’objet d’une consultation complexe pour que les ORL puissent passer plus de temps avec leurs patients, et qu’il y ait un panier de soins déterminé pour une prise en charge adaptée, explique Roselyne Nicolas. Le but est d’éviter les consultations à répétition, source d’insatisfaction des patients et coûteuses pour la collectivité. » Une rencontre avec la Cnam, la HAS, la DGOS, la SFORL et la SFA est prévue sous peu.
Nous souhaiterions que l’acouphène fasse l’objet d’une consultation complexe pour que les ORL puissent passer plus de temps avec leurs patients.
Roselyne Nicolas, vice-présidente de France Acouphènes
L’association JNA s'est également emparée du sujet. Elle s’apprête à initier, en partenariat avec France Acouphènes, une étude pour évaluer les coûts directs (pour les pouvoirs publics) et indirects (hors remboursement) du nomadisme médical des patients en quête d’une prise en charge individualisée de leurs acouphènes. « L’association JNA a toujours “milité” pour une prise en charge forfaitaire des acouphènes, commente le Pr Jean- Luc Puel, président de la JNA. Trop de personnes malintentionnées profitent de la détresse des patients acouphéniques pour proposer des thérapies non validées, voire dangereuses pour la santé. La mise en lumière du parcours du combattant que vivent les patients permettra, je l’espère, de mener des actions auprès des pouvoirs publics pour une approche multidisciplinaire des acouphènes et un parcours de soins individualisé adapté à leur pathologie. »
Une démarche diagnostique complexe
Car une démarche diagnostique correctement menée lors de la consultation initiale comporte plusieurs étapes. La première est l’investigation de l’étiologie. « Au même titre que la douleur, les acouphènes sont un symptôme dont il faut déterminer l'origine », explique le Pr Jean-Luc Puel. « Cette recherche passe d’abord par l’interrogatoire du patient pour déterminer les signes associés – surdité, vertiges, céphalées, etc. – et définir les caractéristiques de son acouphène », précise la Dr Marie-José Estève-Fraysse, ORL au CHU de Toulouse.
Après l’entretien viennent le bilan audiologique pour évaluer l'audition et la vérification du fonctionnement du système auditif, de l’intégrité du tympan et de sa mobilité ainsi que du bon fonctionnement de la trompe d’Eustache. L’impact sur la vie du patient est ensuite apprécié grâce à des questionnaires dont le tinnitus handicap inventory (THI) et des échelles visuelles analogiques pour l’intensité de l’acouphène et la gêne occasionnée. « Si besoin, il faudra poursuivre les investigations et rechercher des signes cliniques ou neurologiques évoquant d’autres pathologies, pas nécessairement liées au système auditif, car l'éventail des possibilités est large », ajoute le président de la JNA.
Un minimum de 40 minutes de consultation
Fort de ce bilan, l’ORL peut enfin prodiguer ses orientations. « Il faut notamment expliquer au patient avec des mots simples la physiopathologie de l’acouphène et l’informer de la prise en charge adaptée à son cas, l’adhésion thérapeutique nécessitant des explications ciblées, précises et chronophages », ajoute Marie-José Estève-Fraysse. Au final, cette praticienne rompue à l’accueil de la personne acouphénique estime qu’une première consultation, lorsqu’elle inclut les tests auditifs, ne peut s’effectuer en moins de 40 minutes, soit le double de la durée d’une consultation ORL traditionnelle. De quoi appuyer la légitimité de la requête de France Acouphènes pour une meilleure prise en charge. D’autant que, comme le rappelait la Dr Estève-Fraysse dans notre Débat sur le sujet, « pour le patient lui-même, il n’y a pas de prise charge de la TCC ou de la sophrologie... Et souvent, des aides auditives de classe II, moins bien remboursées, sont nécessaires. Donc pour le patient acouphénique, c’est parfois la double peine. »