À la découverte de l’acouphène pulsatile

Moins fréquent que l’acouphène de timbre continu dont il diffère totalement, l’acouphène pulsatile, est mal connu des professionnels de santé. Pourtant, il est identifiable dès l’interrogatoire et curable dans la grande majorité des cas. Le Pr Emmanuel Houdart, neuroradiologue interventionnel, l’un de ses spécialistes, en présente les principales causes et décrit les étapes diagnostiques.

Par le Pr Emmanuel Houdart
metronome

Au sein de la grande famille des acouphènes, l’acouphène pulsatile occupe une place à part. En effet, à la différence de l’acouphène de timbre continu que l’on peut traiter mais non guérir, l’acouphène pulsatile (AP) est curable dans près de 70 % des cas. Il se définit comme la perception d’un son rythmé par les battements cardiaques. L’écoute du patient permet souvent de le suspecter et des phrases comme : « j’entends battre mon cœur dans mon oreille » ou encore « c’est comme le bruit de l’échographie pendant ma grossesse » sont caractéristiques de ce symptôme. Qu’elles aient été ou non prononcées, tout praticien (ORL, audioprothésiste) devrait, lors d’une première consultation pour acouphène, imiter deux types de sons : l’un horizontal (vrrrrrrrrrr) et l’autre rythmé par la fréquence cardiaque (pchit-pchit-pchit). Si le patient reconnait le son pulsé, il faut dans un premier temps effectuer un examen otoscopique pour éliminer une otite séreuse ou une masse rétro-tympanique évocatrice de paragangliome*. Si l’otoscopie est normale, il semble opportun de poursuivre par une consultation auprès d’un neuroradiologue interventionnel impliqué dans la prise en charge de ce symptôme.

Deux mécanismes physiopathologiques à l’œuvre

Les pathologies à l’origine d’un acouphène pulsatile sont nombreuses et le plus important est de comprendre les deux mécanismes physiopathologiques qui président à l’apparition de ce symptôme. Comprendre l’AP suppose de savoir que tous les « fluides » intracrâniens sont pulsatiles et donc potentiellement à l’origine d’un son pulsatile : le sang artériel bien sûr mais aussi le sang veineux et le liquide cérébro-spinal** (LCS). Deux mécanismes expliquent l’apparition d’un AP. Le premier est la survenue de turbulences dans un vaisseau situé à proximité de l’oreille interne. Des turbulences apparaissent lorsqu’un compartiment vasculaire reçoit un flux accéléré (ce qui se produit en aval d’une sténose ou de communications artério-veineuses). Le second mécanisme est la perte de l’enveloppe osseuse (ou déhiscence) qui isole normalement l’oreille interne d’un fluide intracrânien. Dans les deux cas, les explorations radiologiques devront s’intéresser aux vaisseaux intracrâniens passant à proximité de la cochlée (essentiellement le sinus latéral) et à l’os temporal. Cependant, l’examen physique reste capital pour interpréter les images radiologiques car certaines d’entre elles peuvent être déviantes mais asymptomatiques.

Le bilan

L’examen physique du patient réalisé en consultation de neuroradiologie comporte une auscultation du crâne et de la région cervicale. Il vise à rechercher la présence d’un souffle dont il faut préciser qu’il n’est retrouvé que lorsque l’origine de l’AP est artérielle. Le second temps de l’examen repose quant à lui sur la compression sélective de la jugulaire interne puis de la carotide commune du côté de l’AP, à la recherche d’une interruption du bruit. Selon l’effet produit par les compressions vasculaires, les AP peuvent être classés dans trois catégories : veineux, artériel ou neutre.

Le bilan radiologique d’un AP est aujourd’hui non invasif et doit débuter par une IRM avec des séquences vasculaires spécifiques, complétée, en cas de négativité, par un scanner des rochers. L’IRM permet de voir toutes les causes de turbulences vasculaires et le scanner toutes les déhiscences.

irm aouphene pulsatile
À gauche : IRM en séquence T1 gadolinium montrant une sténose du sinus latéral gauche par hypertrophie d'une granulation sous-arachnoïdienne (flèche blanche) visible sous la forme d'un hyposignal au sein du sinus latéral. À droite : IRM en séquence « temps de vol » montrant l’hypersignal des artères méningées (flèche) d’une fistule artério-veineuse du sinus latéral droit.

La sténose du sinus latéral

La sténose du sinus latérale est par ordre de fréquence, la première cause d’AP. Celle-ci affecte surtout la femme jeune. L’AP est alors cliniquement veineux : il s’interrompt à la compression de la jugulaire homolatérale à l’acouphène. Les patientes décrivent d’ailleurs souvent le « signe de la cale », c’est-à-dire qu’elles s’endorment en calant un oreiller (ou un livre !) sous la mandibule afin d’interrompre le son le temps de l’endormissement. La sténose des sinus est visible sur la séquence IRM avec injection de gadolinium (figure 1). Il s’agit soit de l’hypertrophie d’une granulation sous-arachnoïdienne qui sténose le sinus par l’intérieur, soit d’un pincement externe du sinus. Cette cause est traitable par voie endovasculaire par implantation d’un stent en regard de la sténose.

L'acouphène pulsatile se définit comme la perception d’un son rythmé par les battements cardiaques.

Les fistules durales

La seconde cause d’AP est la fistule artério-veineuse durale intracrânienne du sinus latéral ou d’un des sinus avoisinants. Il s’agit de communications artério-veineuses développées dans l’épaisseur de la dure-mère à partir des artères méningées et se drainant dans le sinus latéral. Les fistules durales se développent à partir de la quarantaine. Dans la forme clinique typique, l’auscultation du crâne perçoit un souffle continu audible sur la mastoïde et s’interrompant à la compression de la carotide commune. Le diagnostic est porté sur la séquence IRM dite en temps de vol qui montre un hypersignal des artères méningées et du sinus latéral du côté de la fistule (figure 2). Cette cause est traitable par voie endovasculaire par embolisation des communications artério-veineuses.

Plus rarement...

Parmi les causes moins fréquentes, deux siègent dans l’os temporal. La déhiscence du canal semi-circulaire supérieur, connue aussi sous le nom de syndrome de Minor, consiste en la perte de la couverture osseuse de ce canal semi-circulaire entraînant une transmission de la pulsatilité du LCS à la périlymphe. L’AP est neutre, c’est-à-dire non interrompu par la compression des vaisseaux du cou, et il est fréquemment associé à un syndrome vestibulaire. Le diagnostic repose sur le scanner des rochers qui montre la disparition de la couverture osseuse du canal semi-circulaire supérieur. Le traitement est chirurgical.

L’otospongiose peut se révéler par un acouphène pulsatile neutre. Le diagnostic est fait sur le scanner des rochers qui retrouve une hypodensité de l’os temporal entre le vestibule et cochlée. Le traitement est également chirurgical mais il n’est efficace sur l’acouphène que si le chirurgien réalise la destruction du foyer d’otospongiose.

Il ne s’agit là que des quatre causes les plus fréquentes mais il en existe bien d’autres que le bilan radiologique peut identifier.

* Tumeurs du paraganglion, amas de cellules neuroendocrines que l’on retrouve dans l’ensemble de l’organisme.

** Auparavant appelé liquide céphalo-rachidien, c'est le liquide dans lequel baigne le cerveau.

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