21 Mai 2025

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L'intérêt médico-économique du dépistage unilatéral reste à démontrer

En France, chaque région décide si elle dépiste les surdités bilatérales seulement, ou bilatérales et unilatérales. Ce deuxième choix nécessite néanmoins plus de moyens.

Par Bruno Scala
oreilles lapins

En 2019, lorsque Santé publique France a dressé un bilan du dépistage auditif néonatal, la question se posait déjà : faut-il dépister les surdités unilatérales ou bien uniquement les surdités bilatérales ? Dans le deuxième cas, les deux oreilles sont testées, mais si l’une des deux fournit un résultat concluant (comprendre : une audition fonctionnelle), l’enfant ne sera pas suivi. Et si une seule n’a pas fourni de résultat concluant, aucun bilan diagnostique n’est réalisé. Dans son rapport, Santé publique France plaidait en faveur d’un dépistage des surdités unilatérales, indiquant qu’elles pouvaient évoluer en surdités bilatérales. Quand bien même cette évolution n’aurait pas lieu, les surdités unilatérales ne sont pas sans conséquences, comme l’a rappelé le Pr David Bakhos (CHU Tours), lors du 20e colloque Acfos. Les enfants qui en sont atteints peuvent rencontrer des difficultés en milieu bruyant, pour la localisation, et la compréhension. En outre, cela affecte la qualité de vie et l'estime de soi. En milieu scolaire, on note un taux de redoublement supérieur chez ces enfants. Par ailleurs, plus la réhabilitation de cette surdité unilatérale intervient tôt, plus les résultats seraient bons, en raison notamment des capacités de plasticité cérébrale accrue durant l’enfance. Des arguments qui plaident en faveur d’un dépistage unilatéral.

Un essai en Haute-Normandie

Qu’en est-il de sa faisabilité ? Pour le découvrir, les Dr Charles Maquet et Yannick Lerosey ont colligé les données de quelque 300 000 enfants dépistés au sein des 13 maternités de l’ex Haute-Normandie, qui vérifient l'audition bilatérale depuis 1999 et unilatérale depuis 2009.

Premier constat, dépister les surdités unilatérales en plus des surdités bilatérales multiplie le nombre de T3 (troisième test, réalisé quand les deux premiers ne sont pas concluants) par trois, et le nombre de rendez-vous diagnostic (qui a lieu après un T3 non concluant) par presque deux. Pour quel intérêt médico-économique ? « Nous n’avons pas réalisé d’analyse économique », concède le Dr Charles Maquet. Ce dépistage « implique une charge médicale et paramédicale bien plus importante », commente le médecin rouennais, aussi bien humaine que matérielle. Et d’ailleurs, les médecins sont favorables au dépistage unilatéral et bilatéral, mais « à condition de dimensionner les équipes afin de ne pas augmenter les délais de prise en charge des enfants dépistés en bilatéral ».

D’autant que les résultats sur le devenir de ces patients ne plaident pas franchement en faveur du dépistage unilatéral. Tout d’abord, on dénombre 12 % de perdus de vue. Ensuite, parmi les patients qui se sont vu proposer une réhabilitation (n=53), 28 % ont refusé et 15 % ont accepté puis abandonné. Seuls 57 % disent, après cinq années de suivi, porter leur appareil (sans précision de durée quotidienne).

Néanmoins, ces travaux montrent un autre chiffre intéressant qui, lui, plaide en faveur d’un dépistage de ces surdités : 8 % des surdités unilatérales découvertes se sont aggravées ou ont évolué en surdités bilatérales. Pour les soignants, difficile de faire une croix sur ces enfants, mais pour les pouvoirs publics, c’est sans doute une analyse médico-économique qui tranchera.

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