Yannick Lerosey, ORL au CH d’Évreux et au CHU de Rouen, vice-président d’Acfos et président de la Ffadan
Les OEA, utilisées à T1 uniquement, présentent le meilleur rapport cout/efficacité pour un dépistage de masse de la surdité néonatale.
En France, c'est la méthode la plus utilisée en maternité. Elle permet de tester l’oreille externe, l’oreille moyenne et la cochlée mais pas les neuropathies auditives. Les OEA ont l’avantage d’être rapides (quelques secondes) et peu couteuses. Elles nécessitent en outre des conditions de réalisation plus souples que les PEAA (le test est possible chez un enfant éveillé et calme ; pour les PEAA, le nouveau-né doit être endormi).
Il leur est opposé trois critiques et, d’abord, le fait de ne pas pouvoir être effectuées avant J2 voire J3, le temps que les otoémissions soient détectables, mais la durée moyenne de séjour en maternité en France reste de 4 jours, ce qui permet leur réalisation dans ces délais. Quant aux PEAA, ils sont en général faits à J2. Il n’y a de pas de différence majeure de timing entre les deux tests et le délai ne constitue donc pas un argument pour écarter les OEA.
Autre inconvénient : elles présentent un taux de faux positifs (tests non concluants en l’absence de surdité) plus élevé que les PEAA. Mais ce désavantage peut être compensé par la réalisation de PEAA en T2. Une étude menée dans notre région en 2009 montre que ce protocole, que nous avons adopté en Normandie, permet de réduire à 0,8 % le taux de reconvocation bilatérale pour un T3.
Surtout, les OEA sont critiquées du fait du risque de « louper » une neuropathie auditive. C’est vrai, mais leur prévalence est assez faible – de 1 à 10 % des surdités – et difficile à évaluer. Par ailleurs, leurs facteurs de risque sont assez bien identifiés (prématurité et antécédents familiaux notamment) et concernent avant tout les enfants hospitalisés en service de néonatalogie. Ainsi, cette population peut être en grande partie ciblée et dépistée par PEAA dès le test T1 pour limiter les risques de ne pas diagnostiquer une surdité rétrocochléaire. Nous avons mené une étude entre 2009 et 2020 qui montre que sur 322 885 nouveau-nés, seules 3 neuropathies auditives n’ont pas été diagnostiquées. Pour toutes ces raisons et parce que le dépistage auditif néonatal constitue une activité supplémentaire pour les maternités, réalisée sans financement ciblé et à personnel constant, il me semble plus sage de tolérer un risque faible de laisser passer des neuropathies, plutôt que d’imposer les PEAA à toutes les étapes au risque d’altérer la qualité actuelle du dispositif.
Marine Parodi, ORL-PH, hôpital Necker Enfants-Malades, Paris
[Les PEAA] détectent les neuropathies auditives, responsables de 5 à 10 % des surdités permanentes néonatales, qui échappent aux OEA.
Les PEAA sont recommandés en néonatalogie et réanimation, où le risque de surdité rétrocochléaire est plus élevé, notamment en cas de prématurité (10 % vs 1 % dans la population générale). En revanche, en l'absence de recommandations nationales pour les nouveau-nés sans facteur de risque, les OEA sont souvent privilégiées en maternités (65 % en Ile-de-France en 2023 contre 34 % pour les PEAA) car elles sont jugées plus rapides et moins couteuses.
Pourtant, les PEAA présentent plusieurs avantages. Réalisables dès J1, ils s’adaptent mieux aux sorties précoces de maternité, contrairement aux OEA recommandées à J3 pour éviter les faux négatifs liés aux débris de liquide amniotique. Ils génèrent également moins de faux positifs (0,4 % contre 1 à 5 % pour les OEA), réduisant ainsi le besoin de retests et les couts associés.
Surtout, ils détectent les neuropathies auditives, responsables de 5 à 10 % des surdités permanentes néonatales, qui échappent aux OEA. Les PEAA sont indiqués en cas de grande prématurité ou d’ictère nucléaire, qui sont des causes facilement détectables de neuropathie auditive. Mais certaines formes génétiques, comme la mutation du gène de l’otoferline (environ 1 080 cas/ an dans les pays industrialisés), peuvent passer inaperçues. Or, il s’agit de la première cause de surdité ciblée par des essais de thérapie génique prometteurs. Ainsi, des enfants qui en seraient atteints mais qui seraient dépistés par OEA parce qu’ils ne présenteraient pas de facteur de risque identifié ni d’antécédents familiaux, seraient donc privés d’un diagnostic précoce et d’un accès rapide à un traitement.
En outre, il existe des appareils ne nécessitant pas de consommables et il se développe des consommables réutilisables, permettant de réduire leur cout tant financier qu’écologique et, si le test est plus long avec les PEAA (environ 8 minutes), cette durée est à relativiser car certains dispositifs permettent de tester les deux oreilles simultanément, ce qui n'est pas possible avec les OEA.
Pour finir, bien que plus couteux à l'acte, les PEAA le sont moins à long terme, du fait d’un meilleur rapport cout/efficacité, avec un meilleur repérage et une prise en charge plus précoce de la surdité, comme le montre une étude récente menée en Inde [1].