La robotique monte en puissance

Les robots font petit à petit leur entrée dans les blocs opératoires ORL. Trois modèles sont actuellement utilisés en clinique : le Robotol, le Rosa et le Hearo. Chacun a ses spécificités, mais tous sont encore en cours de développement et donc destinés à être améliorés. Pour un double objectif : standardiser et améliorer l’insertion de l’implant.

Par Bruno Scala
main robot

« La réussite de l’implant cochléaire est multifactorielle, et la chirurgie n'est qu’un de ces facteurs. Mais c’est la seule étape pour laquelle on ne dispose que d’un unique essai », constate le Pr Yann Nguyen, chirurgien ORL à la Pitié-Salpêtrière (Paris). On peut en effet toujours changer les réglages de l’implant ou reprendre une rééducation (même s’il est préférable de ne pas avoir à le faire). La chirurgie, c’est sans filet.

Ainsi, autant mettre toutes les chances de son côté. C’est précisément l’objectif de la robotique, qui a pris place, depuis quelques années, dans certains blocs opératoires en ORL. Il y a deux ans environ, le Robotol, développé grâce à un partenariat entre l’Inserm et la société française Collin, venait assister les équipes de la Pitié-Salpêtrière (lire notre article Le Robotol s’implante au bloc). Le robot était alors compatible avec un certain nombre de porte-électrodes, issues de trois fabricants seulement. « Aujourd’hui tous les implants du marché sont compatibles, même celui de Nurotron, à l’exception d’un implant périmodiolaire de Cochlear », recense Yann Nguyen, qui participe au développement du Robotol depuis la genèse du projet.

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L'équipe du service ORL de la Pitié Salpêtrière implante un patient, à l'aide du Robotol.

Éviter les translocations

L’objectif du robot est, en ralentissant la vitesse et grâce à une insertion continue sans à-coup, d’éviter les translocations (passage de l’implant de la rampe tympanique vers la rampe vestibulaire) et plus généralement de préserver les structures de l’oreille et donc l’audition résiduelle. Une récente étude a montré que l’insertion robotisée permet de diminuer le nombre de translocations avec des implants droits [1]. En ce qui concerne la les effets sur la compréhension de la parole, pour l’instant, il n’y a pas d’étude prouvant la supériorité de l’insertion par le robot par rapport à une insertion manuelle. « Mais il existe déjà des preuves de non infériorité, explique Yann Nguyen. Par ailleurs, nous avons besoin, pour établir ces preuves, de davantage de recul et de patients implantés par le robot. Aujourd’hui, on en compte environ 200, versus les milliers de patients implantés manuellement chaque année dans le monde. »

En outre, le Robotol est voué à évoluer. « Nous sommes en train de coupler le robot à un système de navigation afin de maîtriser l’axe d’insertion, explique l’ORL parisien. Nous allons aussi l’associer à des capteurs intelligents, comme l’ECoG ou des capteurs de force. » La première fournit des informations sur la fonction des cellules neurosensorielles, là où elles sont préservées. La dernière phase du développement consistera à automatiser partiellement l’insertion : couplé à la navigation, le robot connaîtra l’angle d’insertion et, pendant celle-ci, ajustera sa trajectoire en fonction des réponses des capteurs.

Trois robots en clinique

Le Robotol n’est pas l’unique robot sur le marché pour l’implantation cochléaire. Deux autres sont d’ores et déjà utilisés en clinique : le Rosa, développé par la société montpelliéraine Medtech, rachetée en 2016 par le groupe Zimmer Biomet, et le Hearo, conçu par l’entreprise suisse Cascination et MED-EL.

Dans dix ans, il est probable que l’implantation cochléaire ne se fera qu’avec un robot.

Dr Natalie Klopp

Le Rosa est un robot destiné à la neurochirurgie. Au CHU d’Amiens, dans le service ORL du Pr Cyril Page, la Dr Nathalie Klopp a collaboré avec le Pr Michel Lefranc, directeur du Groupement de recherches et d’études en chirurgie robotisée (Greco), afin d'utiliser ce robot pour l’implantation cochléaire. En 2019 et 2020, ils ont ainsi réalisé neuf implantations avec ce robot, avant que la crise sanitaire ne vienne stopper leur élan [2].

Améliorations à venir

Le Rosa est un robot de trajectoire (ou balistique). La trajectoire est planifiée en préopératoire, à partir d’un scanner. Dans un premier temps, le robot creuse dans l’os un tunnel d’accès très étroit puis, l’implant est inséré dans la cochlée à une vitesse constante de 0,5 m/s. Des améliorations ont déjà été portées depuis les premiers patients : « Avant, le robot devait se caler avec le scanner réalisé en préopératoire grâce aux vis fiduciaires, explique la Dr Klopp. Maintenant, le repérage est surfacique, ce qui signifie que le robot se repère directement sur le visage du patient. Cela réduit l’opération d’environ 30 minutes. » D’autres améliorations devraient voir le jour prochainement, selon la chirurgienne : « Nous réfléchissons avec les ingénieurs à adapter les outils chirurgicaux, notamment la gouttière qui guide l’implant jusqu’à la cochlée. C’est l’étape la plus compliquée, réalisée sous contrôle endoscopique. On essaie de l’automatiser. » Enfin, tout comme le Robotol, le Rosa devrait un jour calculer lui-même l’angle optimal du fraisage et de l’insertion. « Le but est de diminuer le risque de translocation, résume Nathalie Klopp. Le robot proposera plusieurs trajectoires sécurisées. Aujourd’hui, l’insertion robotisée n’est pas supérieure à l’implantation classique, mais il faut considérer le potentiel d’automatisation et d’optimisation. Dans dix ans, il est probable que les implantations ne se feront qu’avec un robot. »

Rosa one
L'équipe du service ORL du CHU d'Amiens en train d'opérer un patient à l'aide du robot Rosa.

Fraisage millimétré

Calculer l’angle d’insertion, c’est précisément ce que fait le Hearo, en association avec le logiciel de navigation Otoplan. En se fondant sur l’imagerie scanner, le logiciel calcule l’angle d’insertion optimal afin de conserver les structures de la cochlée et éviter le nerf facial qui est monitoré tout au long de la procédure. Il fraise ensuite un tunnel d’un diamètre de 1,8 mm jusqu’à la fenêtre ronde, avec une précision inférieure à 0,3 mm. Le logiciel Otoplan détermine par ailleurs le porte-électrodes le plus adapté à la cochlée du patient, parmi le large portefeuille de MED-EL. Le chirurgien peut visualiser une modélisation des différents porte-électrodes insérés dans la cochlée et le logiciel détermine par ailleurs la profondeur d’insertion optimale. Une fois ces tâches préliminaires réalisées, le chirurgien n’a plus qu’à insérer le porte-électrodes dans le tunnel. Car contrairement au Rosa et au Robotol, le robot austro-suisse n’intervient pas dans l’étape d’insertion du porte-électrodes. Grâce à la robotique, le travail du chirurgien est facilité, au bénéfice du patient, en garantissant une meilleure préservation de son anatomie. Avec les progrès réalisés en parallèle en électrophysiologie et en imagerie peropératoires, permettant au spécialiste (ou bientôt au robot) d’avoir un retour en direct sur ses gestes, et avec l’utilisation de médicaments, l’insertion atraumatique est en ligne de mire.

hearo robotic cochlear implantation with otoplan and prof. vedat topsakal
Le robot Hearo, développé par Cascination et MED-EL, fonctionne couplé au logiciel de calcul de trajectoire Otoplan.

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