Le 26e EPU sous le signe des nouvelles pratiques

Le rendez-vous professionnel dédié à la formation continue des audioprothésistes s’est tenu les 25 et 26 novembre sous les auspices de la Cité des Sciences et de l’industrie de Paris – La Villette. Entre sessions plénières, ateliers, débats et quelques surprises, la 26e édition de l’EPU a fait carton plein.

Par Ludivine Aubin-Karpinski

Une mouture pleine de surprises

Del Rio
Matthieu Del Rio, président du CNA, lors de l'introduction au 26e EPU en audioprothèse.
Le coup d’envoi du 26e EPU en audioprothèse a été donné par le président du CNA, Matthieu Del Rio. Lors de son discours introductif, il a notamment annoncé la création d’une nouvelle instance, le Conseil des centres de formation des universités françaises en audioprothèse (CCFUA), afin de piloter la réingénierie de la formation. Matthieu Del Rio avait également réservé une surprise aux participants en fin de première journée : l'intervention en visio de François Couraud, de la DGESIP, qui a fait plusieurs annonces sur la formation en audio (lire notre article Une nouvelle école d’audio à Clermont-Ferrand).

Près de 1 200 participants ont assisté à ces deux jours consacrés aux « Nouvelles connaissances : nouvelles pratiques ? ». La formule avait été revisitée pour offrir plus de 17 heures de formations pratiques au travers de différents ateliers qui ont permis de former 300 audioprothésistes et étudiants. Les sessions plénières ont quant à elles réuni près de 30 intervenants. Pour la première fois, l’EPU proposait 11 heures de formations DPC suivies par plus de 90 professionnels (au sujet des obligations DPC, lire notre dossier De la formation continue à la recertification).

Le prochain rendez-vous est donné : il aura lieu les 24 et 25 novembre 2023 à… Lyon, sur le thème « Du son au sens : le rôle clé de l’audioprothésiste ».

L’accès à la prescription 

prescription
De gauche à droite : Fabrice Giraudet, Hung Thai Van, Paul Avan, Natalie Loundon, Diane Lazard, Christian Renard, Stéphane Gallego et François Dejean.
La question de l’accès aux soins s’est invitée dans les débats, débordant le thème initial de la table ronde du vendredi midi, qui réunissait les intervenants de la matinée : Paul Avan, Arnaud Coez, François Dejean, Stéphane Gallego, Fabrice Giraudet, Diane Lazard, Natalie Loundon, Christian Renard et Hung Thai Van. Le secteur est en effet confronté à deux injonctions contradictoires : la nécessité de s’organiser pour réaliser un repérage des surdités de l’adulte et la diminution progressive du nombre de prescripteurs. « Si tous les presbyacousiques arrivent chez les ORL, vous n’y arriverez clairement pas », a commenté Arnaud Coez. Un constat partagé par Diane Lazard, qui regrette « des listes d’attente très longues », une « offre de soins qui n’est pas satisfaisante » et appelle à un tri en amont « pour ne pas surcharger les services ORL ». Natalie Loundon, qui s’est avouée « relativement inquiète », constate « une perte de compétences d’un certain nombre d’ORL dans le domaine de la surdité pour les cas non faciles ». « On ne peut pas se passer de la clinique médicale ORL et audiophonologique », a-t-elle insisté. La nouvelle présidente du Collège d’ORL, Cécile Parietti-Winkler est intervenue pour rappeler que « le nécessaire avait été fait ». « L’option d’audiophonologie de la nouvelle maquette de formation garantit une formation solide aux ORL pour leur permettre de faire un bilan audiométrique de qualité », a-t-elle rappelé.
Reste à savoir quand sortiront les premiers bénéficiaires de cette option et combien ils seront. En attendant, estime Stéphane Gallego, « ce sont les tricheurs qui profitent de cette situation », en contournant le parcours classique pour se procurer des prescriptions par des moyens illégaux.

Honneur aux femmes !

Prix CNA
De gauche à droite : (en haut) Tabatha Deray, Ana Doan et Aline Jalabert ; (en bas) Margot Hardivillez et Clarisse Cocol.
Les prix du Collège ont mis à l'honneur un podium féminin. Cette année, ce sont en effet cinq lauréates qui se sont distinguées.

Le prix du Collège 2021 – qui n’avait pas pu être remis l’année passée du fait de la crise sanitaire – a été décerné à Aline Jalabert, de l’école de Lyon, pour son mémoire sur la mesure de l’hyperacousie chez les malentendants appareillés. Quant au prix de la meilleure présentation orale 2021, il a été remis à Clarisse Cocol, du Cnam, pour son travail intitulé : « Faut-il une prise en charge spécifique chez les malentendants diabétiques ? ».

C’est Margot Hardivillez, du Cnam également, qui a reçu le prix du Collège 2022 pour son mémoire sur les « Intérêts de la mesure des otoémissions acoustiques provoquées par clics et des produits de distorsion dans le cadre de l’appareillage audioprothétique ». Ana Doan, de l’école cadurcienne, s’est illustrée à l’oral pour 2022 lors de la présentation de son mémoire sur « L’impact d’une surdité et du port de masques faciaux (simulés) sur les performances au test cognitif MMSE ».

Enfin, Tabatha Deray, diplômée du Cnam, a reçu le prix du meilleur poster. Il portait sur une étude sur la qualité de vie des enfants appareillés, réalisée à partir du questionnaire Peach.

Publicités et « filière espagnole » inquiètent la Fnéa

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Josselin Masset, président de la Fnéa.
Le CNA réserve une place toute particulière aux étudiants lors de l’EPU et, cette année encore, il avait invité le président de la Fnéa, Josselin Masset, à présenter les actions passées et à venir de l’association. Celui-ci a notamment insisté sur la préoccupation des étudiants à l’égard de certaines publicités « ne mettant pas le patient au centre du parcours de soins ». « Nous souhaitons dénoncer ces dérives qui ne donnent pas une bonne image de notre profession, a-t-il ajouté. Nous sommes des professionnels de santé. La santé doit rester la priorité. »

Certaines « formations alternatives dispensées dans d’autres pays » sont un autre sujet d’inquiétude de la Fnéa. « Elles entraînent un mauvais suivi des patients en faisant sortir leurs diplômés avec un niveau loin d’être suffisant pour appliquer les bonnes pratiques », a-t-il argumenté. L’augmentation « exponentielle » des étudiants de ces filières crée également des tensions en termes d’accès aux stages dans les CHU. Une « aberration » aux yeux de Josselin Masset, pour qui « les étudiants suivant le cursus français devraient avoir la priorité ».

Interrogé par Matthieu Del Rio, le président de la Fnéa s’est d’ailleurs montré « favorable » à la mise en place d’un ordre pour « cadrer les dérives et gérer l’afflux de diplômés avec un niveau inférieur ».

D’autres travaux sont en cours comme la valorisation, encadrée et régulée, des stages pour « permettre aux étudiants de les réaliser là où ils le souhaitent », et la simplification des frais et des modalités d’inscription à la formation.

Ordre et désordres

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De gauche à droite : Matthieu Del Rio, Brice Jantzem aux côtés de Sophie Gagnon et Marie-Chantal Lafrenière de l'Ordre des audioprothésistes du Québec.
Brice Jantzem a dressé l’actualité du SDA, après avoir livré un rapide bilan des actions menées ces dernières années. « La profession est aujourd’hui connue et son image meilleure, les résultats du 100 % Santé sont “bons”, mais le sont-ils d’un point de vue qualitatif ?, a-t-il interrogé. Nous devons transmettre les suivis, les comptes rendus... mais également mesurer l’apport de la prestation. »

Le président du SDA a également alerté sur le fait que la réussite de la réforme « a ravivé les appétits, les mauvaises pratiques, les fraudes ». « On voit réapparaître l’itinérance, des plateaux techniques douteux, l’exercice illégal, des filières pour obtenir des diplômes..., a-t-il détaillé. La réforme est-elle allée assez loin ? Est-ce qu’on a assez encadré ? Il reste beaucoup à faire dont le décret de compétences, l’encadrement des publicités qui ne mettent en avant que le produit et le prix, voire la mise en place d’un ordre... »

Pour débattre de cette question, le CNA avait invité, pour la deuxième année consécutive, des membres de l’Ordre des audioprothésistes du Québec. « L’idée d’un ordre mûrit en France ; les choses se mettent en place, a commenté Matthieu Del Rio. Les différentes actions de l’ordre québécois, c’est ce dont on a besoin aujourd’hui ». « Un ordre est une solution parmi d’autres », a ajouté Brice Jantzem.

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