Comment réenchanter les mélomanes ?

Les implants cochléaires et aides auditives sont optimisés pour la parole. Mais à mesure que la technologie progresse, les exigences des utilisateurs s'affirment et notamment pour l'écoute de la musique. Ainsi, les fabricants cherchent de plus en plus à améliorer la qualité d’écoute musicale.

Par Bruno Scala
note musique portee

Beethoven était sourd quand il a composé la 9e symphonie. Serait-il parvenu à un tel chef-d’œuvre s’il avait été appareillé ? Car si les appareils de réhabilitation auditive ont prouvé leur efficacité pour améliorer la compréhension de la parole, la musique demeure un vrai bémol. La raison est simple : ces appareils ont initialement été conçus pour permettre aux malentendants d’entendre et comprendre la parole. Mission accomplie (dans le silence). Or la musique, bien qu’elle présente des caractéristiques communes avec la parole, forme un signal acoustique beaucoup plus riche. La parole, elle, est redondante, et un signal dégradé peut être compris.

« On peut offrir une meilleure expérience au patient avec la modalité haptique »
Michel Hoen, Oticon Medical

Réduire la zone de stimulation

L’implant cochléaire n’est pas adapté à l’écoute musicale pour des raisons à la fois physiologiques et technologiques. « Dans un implant, ce qui limite, c’est la façon dont chaque électrode active le nerf auditif, explique Jérémy Marozeau, chercheur à l’université technique du Danemark (DTU), dont les travaux portent sur l’appréciation de la musique chez les implantés. L’implant est placé dans le canal tympanique qui est rempli d’un fluide hautement conductible et, par ailleurs, il est assez éloigné du nerf auditif. En conséquence, chaque électrode stimule une assez large plage de fréquences. C’est un peu comme si on jouait du piano avec des gants de boxe. »

C’est comme jouer du piano avec des gants de boxe
Jérémy Marozeau, université technique du Danemark

Il faut donc faire en sorte que chaque électrode stimule une plus faible zone. C’est l’un des principaux enjeux. Il serait alors possible d’augmenter le nombre d'électrodes sans pour autant que les plages de stimulation se chevauchent. Les fabricants, dont Oticon Medical, étudient cette piste : « Nous participons à plusieurs projets portant sur l’utilisation de nouveaux matériaux flexibles grâce auxquels on peut miniaturiser les électrodes », détaille Michel Hoen, chef de recherche clinique à Oticon Medical.

Sur cette même piste, des travaux – toujours au stade de recherche fondamentale – portent également sur de nouvelles façons, plus précises, de stimuler les fibres du nerf auditif – à l’aide de l’optogénétique – ou de diminuer la distance entre les électrodes et les fibres, en faisant croître ces dernières grâce à des facteurs de croissance, par exemple.

Fibres et électrodes en accord

Du fait de ces limites, c’est principalement la hauteur des notes (pitch) que les implantés ne perçoivent pas. « Une étude de 20021 a montré que le pitch est principalement porté par la structure fine du signal », rapporte Vincent Péan, directeur de recherche chez MED-EL. Or tous les fabricants d’implants cochléaires utilisent une stratégie de codage, adaptée du CIS (continuous intervealed sampling) développé par Blake Wilson2, qui ne tient compte que de l’enveloppe. À l’exception du protocole FS4 de MED-EL, qui considère la structure fine grâce au codage temporel des sons, notamment dans les basses fréquences. Chez les normo-entendants, ce codage temporel est réalisé grâce au verrouillage de phase (phase locking). Mais il n’est pas reproduit dans l’implant qui stimule à une cadence fixe, en général à 500 Hz, et ce pour toutes les électrodes, quel que soit leur emplacement le long de la cochlée. La stratégie de codage FS4 stimule chaque électrode avec une cadence calée sur la fréquence tonotopique des fibres qu’elle stimule. Une étude réalisée au CHU de Rennes avec le Pr Benoît Godey et sur le point de se terminer, indique d’ailleurs que ce protocole, comparé au protocole CIS de MED-EL (HDCIS), permet de percevoir une meilleure qualité musicale. En outre, cette stratégie FS4 est d’autant plus efficace si on stimule l’apex, ce que certains porte-électrodes du fabricant autrichien permettent.

Quand la musique prend aux tripes

Chez Oticon Medical, les recherches pour une meilleure écoute musicale portent également sur des moyens de compensation. « L’idée est de retranscrire certaines informations en se servant d’autre modalités, notamment haptique, résume Michel Hoen : en stimulant la langue, en utilisant une ceinture qui envoie des stimulations motrices, des vibrations au niveau de ventre ou du thorax, ou au niveau de la main. On peut ainsi améliorer l’expérience des patients, en offrant une stimulation plus riche. » Jérémy Marozeau est sur le point d’entamer, en partenariat avec le fabricant danois et l’université d’Islande, un projet de recherche visant à mettre au point une ceinture avec des actuateurs qui vibrent. « Parfois, la musique nous prend aux tripes. C’est ce que nous voulons reproduire, littéralement », s’amuse le chercheur. Beethoven l'avait bien compris puisqu'il se servait d'un dispositif de ce genre pour ressentir les sons.

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